Opposés au G7, des milliers de manifestants ont marché à Hendaye et Bayonne

mercredi 28 août 2019.
 

A Bayonne, la police a brièvement utilisé des canons à eau et procédé à quelques tirs de gaz lacrymogène. Soixante-huit manifestants ont été interpellés, dont trente-huit placés en garde à vue.

« On ne va pas casser ici, c’est un quartier populaire », affirme à sa copine un jeune vêtu d’un sweat-shirt noir, capuche rabaissée sur la tête, fuyant, dans une rue du Petit Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), le nuage de gaz lacrymogènes qui envahit le quartier. Samedi 24 août, au premier jour du sommet du G7 qui se tient à quelques kilomètres de là, à Biarritz, rendez-vous avait été donné par les plus radicaux des « gilets jaunes » et des militants anti-G7 pour se retrouver dans cette ville qui, avec Biarritz et Anglet, fait partie du périmètre interdit aux manifestations.

En fin de journée, un cortège de quelques centaines de personnes a donc arpenté les rues de ce quartier populaire, coincé entre les rives de l’Adour et de la Nive. Tous les ponts étant fermés par les nombreuses forces de la gendarmerie mobile et de la police, les manifestants n’avaient d’autres choix que de déambuler, criant « Tout le monde déteste la police » ou « Siamo tutti antifascisti », et s’agglutinant devant les barrières dressées sur les différents ponts.

Ville quasi morte

Là, canons à eau et tirs de grenades lacrymogènes ont repoussé les manifestants, sans que ceux-ci n’aient beaucoup d’issues pour quitter les lieux. Une vingtaine de motos des voltigeurs – des équipages de deux avec le pilote et un passager armé notamment d’un bouclier et destiné à faire des interpellations – a fait quelques incursions dans les rues étroites de ce quartier. Les quelques derniers cafés fermaient alors, transformant le Petit Bayonne en quartier quasi mort. Sans attendre ces incidents, en effet, la plupart des commerçants et restaurateurs avaient fermé dès vendredi soir, certains barricadant leur échoppe par de robustes plaques de contreplaqué. Selon le bilan de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, les forces de l’ordre ont procédé à 68 interpellations, dont 38 ont abouti en placements en garde à vue, notamment pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences, des dégradations, possessions d’objets susceptibles d’être utilisées comme armes par destination, dissimulation de visage et jets de projectiles. »

Cette fin de journée excitée rompait avec la matinée durant laquelle, du port d’Hendaye à Irun, ville frontalière du Pays basque espagnol, quelque 15 000 manifestants ont marché (9 000 selon la police), clôturant les travaux du sommet du contre-G7 qui s’est tenu du 21 au 23 août, dans ces deux villes.

Longeant les eaux de la Bidassoa, rivière frontière, sous un soleil de plomb, les marcheurs – anticapitalistes, écologistes, féministes, altermondialistes, abertzale, « gilets jaunes »… – dont une grande partie venait du Pays basque Sud, ont crié durant deux heures leur opposition au sommet du G7, dénonçant les renoncements des pays les plus puissants de la planète à lutter contre le dérèglement climatique et l’injustice sociale.

Appel du contre G7

Dans une ambiance bon enfant et familiale – quelques affrontements avec la police, vendredi soir devant le campement militant du contre-G7, avaient fait redouter des tensions lors de cette manifestation –, sous les drapeaux rouges, verts et blancs du Pays basque, se succédaient les omniprésents syndicats basques (ELA, LAB…) et français (Solidaires, CGT, CNT…), les associations altermondialistes et de lutte contre les injustices sociales et climatiques (ATTAC, Bizi, Oxfam, Alternatiba, Les Amis de la Terre…), etc.

Bixente, 52 ans, militant syndicat basque, est venu dénoncer « l’hypocrisie des chefs d’Etat qui envoie des messages attristés quand la forêt amazonienne brûle ». La jeune Elaïa, lycéenne à Bilbao, exigeait elle aussi une action, « urgente », et pas des discours. José défilait, brandissant un drapeau du FSLN et défendant la cause sandiniste, devant des militants appelant à la solidarité avec les enfants de Palestine, ou encore un cortège portant des canots pneumatiques, vêtu de couvertures de survie, pour rappeler le drame des migrants qui traversent la Méditerranée.

En fin de manifestation, une déclaration finale, adoptée par les deux coordinations organisatrices du contre-sommet (basque G7 EZ [non au G7] et française, Alternatives G7), regroupant une centaine d’organisations, était lue, reprenant la tonalité anticapitaliste qui a marqué trois jours de débats intenses. Ce G7 porte, selon ces organisations, « des politiques qui ont creusé les inégalités sociales, renforcé les divisions et les dominations dues au racisme et au patriarcat, organisé l’industrialisation de l’agriculture, nourri l’industrie de l’armement, accéléré les crises environnementales, les dérèglements climatiques et la chute de la biodiversité ».

Lors de l’assemblée citoyenne qui a permis de finaliser le texte, de nombreuses interventions ont demandé à ce que le texte soit musclé sur les questions sociales, climatiques et féministes notamment. Cet appel du contre-G7 promeut aussi des alternatives qui « construisent des territoires plus solidaires, plus résilients face aux crises majeures et à l’effondrement à venir et mieux armés contre la marchandisation de nos sociétés et de nos vies, la délocalisation et la mise en compétition des peuples et des individus, la destruction de la nature et des cultures populaires ».

« Marche des portraits »

Se félicitant du succès de ce contre-sommet, qui a attiré quelque 5 000 participants malgré le climat oppressant généré par la présence de plus de 13 000 membres des forces de l’ordre dans la région, les organisateurs ont aussi fixé un calendrier fourni de mobilisations pour les mois à venir. Dont les premiers rendez-vous, début septembre, concernent les procès des décrocheurs du portrait officiel d’Emmanuel Macron dans les mairies à Lyon, Paris et Orléans, puis les grèves internationales sur le climat, prévues du 20 au 27 septembre, la journée internationale du droit à l’avortement (28 septembre), ou encore la semaine internationale de la rébellion (début octobre).

Dimanche matin, le Petit Bayonne devait encore être agité par la « marche des portraits ». 128 photos officielles du président de la République ont été décrochées, ces derniers mois, dans des mairies dans la France entière – la dernière action s’étant déroulée vendredi dans la mairie d’Irissary, dans le Pays basque intérieur. Les organisateurs de cette marche, ANV-COP21 (Action non violente-COP21), Alternatiba et Bizi, espéraient juste, samedi soir, que la soirée agitée dans le quartier ne compromette pas leur initiative. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les militants anti-G7 multiplient les actions de désobéissance civile

Rémi Barroux (Bayonne, envoyé spécial)


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message