5 juillet 1922 Paul Vaillant-Couturier dénonce Poincaré-la-guerre et le traité de Versailles

vendredi 19 décembre 2008.
 

Nous connaissons les pesantes responsabilités du Reich. Nous n’ignorons pas quels étaient ses besoins d’expansion, ses plans de conquête et l’idéologie criminelle des théoriciens du pangermanisme. Nous savons et nous l’affirmons que le parti de la guerre avait pris, les dix dernières années, en Allemagne, une force considérable, que son action fut capitale dans les événements qui précédèrent immédiatement le déclenchement de la guerre de 1914. Personne en France, dans le Parti communiste, ne songe à nier les responsabilités de l’Empire allemand (…). Au reste, croyez, monsieur le président du Conseil, que, s’il ne dépendait pas que de nous de hâter le châtiment de tous les coupables, on n’assisterait pas à ce scandale de voir l’un des plus éminents responsables de la guerre, Guillaume II, se prélasser en famille dans sa résidence de Doorn. (…)

Mais croyez-vous que le fait de reconnaître la lourde responsabilité de l’Empire allemand doive exclure toute préoccupation de recherche historique  ? Croyez-vous que le devoir de ceux qui cherchent la vérité doive être de s’arrêter au texte d’un traité, dont la fonction essentielle est d’être partial, puisqu’il contient les clauses que les vainqueurs ont imposées aux vaincus. Croyez-vous que le souci d’épargner la politique nationale doive imposer le silence à la conscience  ?  »

Citant les clauses du traité de Versailles, Vaillant-Couturier commente  : «  Un traité de paix, c’est l’expression légale du triomphe de la violence. Imaginez un instant que, les rôles étant renversés, une malheureuse France ait été forcée, le couteau sous la gorge, de signer, vaincue, un texte pareil. Cela eût-il empêché les historiens impartiaux, en Allemagne comme en France, de dénoncer hautement les responsabilités allemandes  ? (…)

La France, dans son immense majorité, ne voulait pas moins la paix en juillet 1914, quand, déjà, les conflits coloniaux et nationaux, le jeu des alliances secrètes et des engagements verbaux semblaient, dans le monde hérissé de baïonnettes et de canons, rendre la guerre comme inévitable. À ce moment même, pourtant, il existait un parti de la guerre en France, un parti velléitaire, qui ne s’avouait, souvent, qu’à demi, avec des capitalistes, des métallurgistes sans imagination, mais en quête d’écouler leurs stocks  ; un parti de diplomates faibles et bornés, et de militaires qui faisaient leur métier, en voulant se battre, d’aristocrates en quête d’un coup d’État – cela existe encore –, de jeunes gens écœurés et fatigués par une politique sans grandeur. (…)

Nous accusons M. Poincaré d’avoir fait la politique russe, de s’être prêté à la propagande tsariste que signalait M. Iswolsky, cette propagande qui avait forgé une opinion publique en France favorable à l’intervention à propos des Balkans. Nous l’accusons d’avoir été l’homme sur lequel se cristallisent les désirs de revanche de la partie la plus turbulente de nos nationalistes. Nous l’accusons d’avoir été ce que Jaurès espérait qu’il ne serait pas  : le président de la réaction ou de la guerre. (…) Nous l’accusons d’avoir lancé la France dans une guerre que la mobilisation russe provoquait. (…)

Aujourd’hui, l’Europe épuisée réclame la paix, le monde aspire au travail et au retour à la vie internationale. Entre l’avenir paisible et nous, se dresse la paix de Versailles, que vous condamnez tous plus ou moins, bien que vous l’applaudissiez ici parce que votre paresse financière s’accroche à cette paix mort-née, basée sur la reconnaissance de responsabilités unilatérales. Pour nous, M. Poincaré représente tout ce que le nationalisme a pu produire de funeste avant, pendant et après la guerre. Aujourd’hui, sa politique nous conduit à l’isolement, à la faillite, à des guerres nouvelles.


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