1852 Quand l’armée assassine les enfants pour complaire à la finance, à la droite et à l’Eglise

mercredi 6 décembre 2023.
 

Le 2 décembre 1852, l’armée française lance un coup d’Etat pour supprimer les institutions républicaines et imposer Napoléon 3 comme empereur.

2 décembre 1852 : Coup d’état de Napoléon III

Durant quelques jours, les soldats sans cerveau humain, ni morale, ni conscience républicaine, ont pour ordre de tirer dans le tas pour faire peur à quiconque voudrait résister. Victor Hugo, horrifié par cette répression aveugle, assiste dans la nuit du 4 à la mort d’un enfant de sept ans qui a reçu deux balles dans la tête alors qu’il regardait de sa fenêtre.

Souvenir de la nuit du 4 décembre 1852 (Victor Hugo)

L’enfant avait reçu deux balles dans la tête.

Le logis était propre, humble, paisible, honnête ;

On voyait un rameau bénit sur un portrait.

Une vieille grand’mère était là qui pleurait.

Nous le déshabillions en silence. Sa bouche,

Pâle, s’ouvrait ; la mort noyait son oeil farouche ;

Ses bras pendants semblaient demander des appuis.

Il avait dans sa poche une toupie en buis.

On pouvait mettre un doigt dans les trous de ses plaies.

Avez-vous vu saigner la mûre dans les haies ?

Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend.

L’aïeule regarda déshabiller l’enfant,

Disant : -Comme il est blanc ! approchez donc la lampe.

Dieu ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe !

Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux.

La nuit était lugubre ; on entendait des coups

De fusil dans la rue où l’on en tuait d’autres.

- Il faut ensevelir l’enfant, dirent les nôtres.

Et l’on prit un drap blanc dans l’armoire en noyer.

L’aïeule cependant l’approchait du foyer

Comme pour réchauffer ses membres déjà roides.

Hélas ! ce que la mort touche de ses mains froides

Ne se réchauffe plus aux foyers d’ici-bas !

Elle pencha la tête et lui tira ses bas,

Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre.

- Est-ce que ce n’est pas une chose qui navre !

Cria-t-elle ; monsieur, il n’avait pas huit ans !

Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents.

Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre,

C’est lui qui l’écrivait. Est-ce qu’on va se mettre

A tuer les enfants maintenant ? Ah ! mon Dieu !

On est donc des brigands ! Je vous demande un peu,

Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre !

Dire qu’ils m’ont tué ce pauvre petit être

Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus.

Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus.

Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte

Cela n’aurait rien fait à monsieur Bonaparte

De me tuer au lieu de tuer mon enfant ! -

Elle s’interrompit, les sanglots l’étouffant,

Puis elle dit, et tous pleuraient près de l’aïeule .

- Que vais-je devenir à présent toute seule ?

Expliquez-moi cela, vous autres, aujourd’hui.

Hélas ! je n’avais plus de sa mère que lui.

Pourquoi l’a-t-on tué ? je veux qu’on me l’explique.

L’enfant n’a pas crié vive la République. -

Nous nous taisions, debout et graves, chapeau bas,

Tremblant devant ce deuil qu’on ne console pas.

*

Vous ne compreniez point, mère, la politique.

Monsieur Napoléon, c’est son nom authentique,

Est pauvre, et même prince ; il aime les palais ;

Il lui convient d’avoir des chevaux, des valets,

De l’argent pour son jeu, sa table, son alcôve,

Ses chasses ; par la même occasion, il sauve

La famille, l’église et la société ;

Il veut avoir Saint-Cloud, plein de roses l’été,

Où viendront l’adorer les préfets et les maires

C’est pour cela qu’il faut que les vieilles grand’mères,

De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps

Cousent dans le linceul des enfants de sept ans.

Victor Hugo 2 décembre 1852. Jersey

Les Châtiments Livre 2 L’ordre est rétabli


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