"Benoît Hamon, c’est l’idole de toutes les femmes..." Sois beau et tais-toi !

dimanche 24 juin 2018.
 

Samedi je me trouvais à Toulouse. C’était la réunion des délégués du parti de gauche de la grande circonscription du sud ouest. Ils devaient sélectionner les candidats du Parti pour les élections européennes de juin prochain. Je sais donc, si je ne l’avais appris de mes expériences du passé, que ces sortes d’exercices ne sont jamais simples à conclure. Le nombre de places est limité, le nombre des candidats ne l’est pas. On arbitre donc entre des inconvénients. Bien sur, pour nous, tout est plus simple puisqu’il n’y a aucun enjeu de pouvoir (je ne me fais pas trop d’illusion pour la suite), ni aucune divergence d’analyse sur le sujet européen comme c’est le cas à l’étape actuelle de la vie du Parti de gauche. Il en va tout autrement quand il s’agit du PS, premier parti de gauche, et censé être la relève de la droite. Du fait de sa place dans le paysage, les investitures au PS ont une signification qui dépasse les personnes qui sont les acteurs de la pièce qui se joue. Tout, ou presque, alors fait sens. Au terme de l’investiture des listes, l’état de coma politique dépassé est avéré pour le nouveau PS d’après Reims. Mais pour la roublardise : la forme est intacte !

L’idole des femmes

Une fois passé l’effet bien normal que provoque l’auto congratulation des porte parole du PS, qui s’arrête un instant pour analyser ne peut qu’être frappé par le bilan politique réel. Bien sur nous n’avons pas à juger de questions qui ne concernent que les adhérents du PS. Par exemple le choix des personnes. On demandera seulement à ne pas être trop pris pour des naïfs. Que Martine Aubry se vante de la parité sur les liste présentées est amusant. En effet cela ne résulte pas d’un choix mais d’une obligation légale. Les listes doivent être obligatoirement paritaires. Cependant on notera que sur sept têtes de liste en France métropolitaine, cinq sont des hommes et deux de femmes. Donc quand la parité n’est pas obligatoire, alors elle n’a plus lieu….

De même Martine Aubry aurait-elle mieux fait de ne pas se vanter d’un renouveau des candidats. D’abord parce que rien n’y oblige et que ce n’est pas une valeur en soi. Ensuite et surtout parce qu’elle savait bien que tout le monde sait lire et vérifier non seulement le nombre de sortants parmi les éligibles mais aussi le nombre de mandats successifs que ceux-là ont fait dans le même mandat. Mais c’est là de la petite bière. Elle n’implique que le sens du respect de l’intelligence des autres que se fait le PS d’une façon générale quand il communique. Le plus important c’est évidemment le signal politique que donne l’identité des têtes de liste. Il est caractérisé par le triomphe arrogant des partisans du « oui » qui monopolisent toutes les premières places et les quatre cinquième des candidats éligibles. Rien ne pouvait mieux afficher le positionnement politique confirmé au centre gauche du parti.

Dans ce contexte, qu’il n’y ait aucune tête de liste issue de la gauche du parti n’est donc pas fortuit. C’est un acte volontaire, politiquement déterminé. Le PS se vante de la parité et de la « diversité » représentée dans ses candidatures. Mais il ne dit mot de la place faite aux partisans du « non » au traité de Constitutionnel. Cette place est résiduelle en nombre et nulle en affichage. Les moqueries sexistes et maternalistes de la première secrétaire que le porte parole de la gauche du parti accepte en ronronnant résume l’état de déchéance de cette aile du parti et des relations entre dirigeants du PS.

Imaginons une seconde qu’un dirigeant masculin quelconque ait dit d’une dirigeante quelconque du parti ce qui a été dit par Martine Aubry à propos de Benoit Hamon si l’on en croit la dépêche de l’AFP : "Benoît n’a pas besoin d’être numéro un, c’est l’idole de toutes les femmes françaises, des grands-mères aux plus jeunes", a plaisanté Mme Aubry ». Imaginez cette phrase adressée par un homme à une femme ! Mais Benoit est un petit garçon et il se tortille en souriant quand la maman du Parti le taquine. Il laisse donc passer le message politique que cette grossièreté contient. La gauche du parti n’a aucune tête de liste ? « Sois beau et tais toi ! ».

Dans un tel abaissement des rapports politiques tout est possible. Et par exemple les termes incroyables utilisés par le grand féodal lyonnais, Gérard Colomb pour récuser Vincent Peillon comme tête de liste. Quand il le traite de « parachuté » il sait comme tout le monde que c’est absurde. Cette élection est purement nationale et d’ailleurs les circonscriptions n’ont aucune réalité territoriale. Mais l’usage de l’argument en dit long sur la façon dont de tels personnages se sentent dorénavant tous les droits dans leur zone de pouvoir. Celui là ne le fait pas dire. Il l’assume. Il déclare : « je ne doit rien au Parti ». Manquerait à ce tableau le clou du spectacle. Il s’agit de la synthèse générale conclue dans une joie de façade, encadrée avant et après de déclarations venimeuses de chacun contre tous. D’une façon magistrale est confirmé le diagnostic qui a fondé notre départ du PS. L’orientation d’une écrasante majorité est celle qui résulte de l’accord avec le Traité de Lisbonne, la gauche du parti est réduite aux os à ronger.

Aligné sur le PSE

Et s’il y avait un doute sur ce qu’est l’orientation du PS, qui le veut peut aller lire sur le site du PS le texte d’orientation adopté par ce même conseil national et voté par tous les petits soldats, ainsi que par les amis de « l’idole des femmes ». Ce texte affiche une mensongère indifférence pour les contradictions avec le Traité de Lisbonne qu’il contient. C’est comme si le traité n’existait pas. Comme s’il ne contenait aucune contrainte. Le texte du PS n’en dit pas un mot. Rien. Pourtant le « Manifesto » du PSE réclame fermement la ratification du traité de Lisbonne.

A Paris, le Parti socialiste européen (PSE) y est présenté comme l’alternative à la droite alors même que plusieurs de ses membres, et non des moindres, gouvernent avec elle ! Et dans combien des cas que dénonce le texte du PS les votes au parlement européen de nombre de mesures calamiteuses ont été acquis avec les voix mêlées de la droite et de l’essentiel des députés du PSE ! Bien sur le texte ne dit mot du vote par le PSE, la droite et « l’idole des femmes », en faveur de l’instauration du grand marché transatlantique entre Europe et USA. Pourtant le « Manifesto » adopté par le PS lui est sans ambigüité quand il se prononce pour « construire un partenariat transatlantique fort » Dans cet enfumage, quelques moments de bravoure fournissent une pause humoristique à savourer.

Ainsi quand le texte du PS s’indigne : « Et il faudrait que les mêmes restent aux commandes ? Que l’Europe continue avec le Président Barroso ? Un homme de droite dont le libéralisme économique, le conservatisme et l’atlantisme ne sont plus à prouver. Ne fut-il pas l’artisan de la Conférence des Açores, regroupant les Européens favorables à l’intervention de Bush en Irak ? Eh bien non ! » Au point de presse du mois de janvier, martine Aubry avait même été plus loin en annonçant que les socialistes français voterait pour Poul Rasmussen, l’actuel président du PSE. A part l’amnistie que cela vaudrait pour la désastreuse politique de ce dernier au Danemark il y a un inconvénient majeur : il n’est pas candidat. Mais par contre les trois premiers ministres socialiste en exercice, Zapatero, Brown et Socratès, tous membres du PSE ont tous les trois souhaité publiquement la reconduction de Barroso à l’issue de la réunion de Madrid où fut adopté le fameux « Manifesto » ! C’est le moment de parler de ce « Manifesto ».

Les mensonges sur le « Manifesto » du PSE

Le 1er décembre les sociaux-démocrates européens ont adopté à Madrid le Manifesto du PSE. Les socialistes ont immédiatement présenté ce texte comme une avancée de gauche : « Le Manifesto ne se contente pas de quelques mesures de régulation face à la crise » « "il propose aux Européens l’espoir d’un nouveau modèle dans lequel l’économique prend le pas sur le financier » Il propose de nombreuses solutions concrètes en faveur de l’Europe sociale » (Martine Aubry le 1er décembre 2009) « Avec le "manifesto" qui prévoit un revenu minimum européen, on peut sans complexe faire une campagne de gauche sur l’Europe » (Razzy Hammadi, proche de Benoît Hamon, dans Libération 15 janvier 2009). Comment pouvait on vérifier à ce moment là ? Pas facile.

Ce fameux « Manifesto » n’a d’abord été disponible qu’en anglais. Une traduction française, présentée alors comme « provisoire » n’est apparue sur les sites socialistes qu’entre les fêtes de fin d’année, c’est-à-dire plus d’un mois après. Provisoire ? Cette traduction réserve d’énormes surprises car elle déforme lourdement le texte original du Manifesto en inventant parfois de toutes pièces certaines formulations sociales et plus à gauche. Puis, à la mi-janvier la traduction française diffusée en ligne, inchangée, n’est plus présentée comme « provisoire » …Donc elle est définitive. On peut donc en débattre valablement.

En la comparant au texte initial en V.O anglaise, commencent les surprises. Là où le Manifesto se réclame en anglais de l’action des « partis progressistes de gauche et de centre-gauche au pouvoir », la traduction française escamote le « centre gauche » et ne parle que de « partis de gauche » Là où le « Manifesto » appelle en anglais à « tirer le meilleur profit des opportunités qu’offre la mondialisation » comme le ferait n’importe quel libéral, la traduction française fait l’impasse sur la « mondialisation » et parle juste de « saisir les possibilités nouvelles d’un monde ouvert ». Et là où le « Manifesto » écrit en anglais, de manière très générale et floue, que « le processus de libéralisation doit être évalué », la traduction française affirme que « les politiques de libéralisation déjà adoptées doivent faire l’objet d’une évaluation sociale », ce qui n’est plus du tout la même chose.

Voyons à présent ce qui permettrait l’enthousiasme pour un contenu de gauche de ce document. La question du salaire minimum européen qui réjouissait Razzi Hamadi. Le « Manifesto » se prononce en anglais pour « des salaires minimum décents dans tous les Etats-membres », la traduction française propose « l’établissement d’un salaire minimum décent dans tous les Etats membres » … On fait ainsi croire que le « Manifesto » propose un salaire minimum européen, alors que ce n’est nullement le cas ! Dans le document adopté par le PS ce weekend la position est recalée sur le texte anglais : « Des salaires minimaux dans tous les États membres, qui pour nous devraient atteindre 60% du salaire médian de chacun des pays, étape vers un salaire minimum européen ». Adieu donc au formidable salaire minimum annoncé dans la traduction toujours en ligne. Quand à l’idée d’un salaire minimum par pays, le problème reste que plusieurs partis socialistes européens s’y opposent farouchement dans leur pays. Comme en Allemagne, par exemple, où c’est Die Linke qui porte cette revendication !

Dès lors on n’est pas surpris que le reste de la traduction soit aussi suspecte nombre d’autres questions essentielles. Comme le temps de travail par exemple. En effet quand le « Manifesto » propose de « travailler à promouvoir des horaires de travail décents », la traduction française lui fait dire carrément qu’il faut « agir pour la fixation d’une durée maximale de travail décente ». Ce qui, de nouveau, n’est absolument pas la même proposition. Sur l’Otan on navigue plutôt dans la contradiction pure et simple. Le texte adopté par le PS déclare vouloir « Une Europe forte avec une vraie défense européenne et non cette subordination au commandement intégré de l’OTAN que Nicolas Sarkozy impose à la France » Est-ce conciliable avec le texte du Manifesto qui déclare, lui : « La nouvelle initiative européenne de défense doit être développée en coordination avec l’Otan » ? Mais au fond cela n’a aucune importance. En effet le traité de Lisbonne déclare que l’OTAN est la base du système de défense des européens et que la défense européenne doit être pensée en conformité avec !


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