"L’Europe est morte. Vive l’Europe". A part le Front de Gauche, personne n’est vraiment en campagne (quotidien 20 minutes)

samedi 23 mai 2009.
 

"Cette Europe est en train de mourir dans la haine que les peuples vont lui porter." La citation est de Jean-Luc Mélenchon. Et la campagne électorale supposément en cours lui donne raison... J’en parle avec retard, mais c’est lors d’un très intéressant Grand Jury datant d’une dizaine de jours que Jean-Luc Mélenchon a prononcé cette phrase.

Je ne suis pas un gros client du leader du Parti de Gauche. Pour tout dire, je me suis félicité de son départ du Parti Socialiste, où sa position devenait intenable, et surtout autant préjudiciable à lui qu’au PS. Je m’en suis félicité tout en estimant que le nulle-part mystérieux entre l’aile gauche du PS et le Parti Communiste, dans lequel il souhaite installer son Parti de Gauche, n’existe simplement pas ; mais aussi qu’il n’arriverait pas à fédérer la gauche de la gauche.

Un intéressant Grand Jury, donc, où Jean-Luc Mélenchon a su se montrer à son avantage en s’organisant pour transformer son interview en affrontement (ce qui est toujours plus facile quand l’un des interviewers est un représentant du Figaro, qui, quoi qu’un peu plus subtilement qu’Etienne Mougeotte à sa place, débite dans ses "questions" les communiqués des lobbies libéraux).

Mais le plus intéressant, c’était cette phrase, avec laquelle je suis obligé d’être entièrement d’accord. "Cette Europe-là est en train de mourir dans la haine que les peuples vont lui porter. Vous n’avez qu’à simplement regarder le résultat des élections européennes dans les pays qui viennent d’arriver dans l’Europe. Vous avez des taux d’abstention de 80, 85% ; ça ne vous choque pas ? Deux pays aussi importants que la Hollande et la France votent non à un Traité Constitutionnel, ça vous laisse de marbre ?"

Les Socialistes ont, à mon avis, fait une grave erreur en renonçant à demander un référendum sur le traité de Lisbonne et en acceptant de voter la ratification du texte. Je partage l’idéal européen. Je suis même d’inclination fédéraliste. Mais on ne construira pas l’Europe dans le dos des peuples, en faisant repasser par la fenêtre des textes qu’ils ont rejetés par la grande porte.

C’est une folie de croire qu’en revotant par la voie parlementaire un texte rejeté par référendum, on pourrait faire progresser l’Europe. L’affaire n’a fait qu’approfondir le fossé qui sépare maintenant les peuples d’Europe de l’Union Européenne. Et oui, je crois que la persistance de ce fossé est en train de générer une haine de l’Europe. Cinquante ans de construction européenne, et c’est tout ce autour de quoi les politiques auront réussi à fédérer les Européens : le rejet de l’UE.

Livrer l’UE aux économistes libéraux a tué dans l’oeuf l’Europe politique. Elle ne pourra plus surgir de l’UE telle qu’elle existe aujourd’hui. S’agissant de cette construction là, il faut presque tout reprendre de zéro — mais encore faut-il avant réussir à convaincre que l’Europe peut-être autre chose qu’une machine à détruire des emplois, organiser le dumping social, démanteler les services publics. Ce qui n’est pas gagné.

En choisissant de ratifier Lisbonne à la hussarde, Nicolas Sarkozy a par ailleurs prouvé qu’il ne croit pas vraiment à la politique, à sa capacité fédérer autour d’une vision de l’avenir. Ses déclarations sur le volontarisme politique, la croissance qu’il voulait "chercher avec les dents" n’en sonnent que plus comme de la démagogie cynique.

En juin, nous voterons pour l’élection du Parlement européen. C’est dans à peine quinze jours. A part le Front de Gauche, personne n’est vraiment en campagne. Les derniers sondages pointent une abstention de 49%. Ce qui nous placerait encore en Europe parmi les meilleurs votants. Quel projet politique pourrait survivre à un tel manque de légitimité électorale ?

Par Sullivan Le Postec


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