L’éolien, c’est du vent

dimanche 5 juillet 2009.
 

L’éolien a le vent en poupe. Dans la quasi-totalité des régions françaises, « les grands oiseaux blancs », certains nomment ainsi les éoliennes, ont fait leur nid. A priori, développer cette énergie relève du bon sens. À l’heure où se défaire de la dépendance pétrolière devient un enjeu stratégique et où l’urgence climatique se fait de plus en plus pressante, le vent paraît paré de toutes les qualités. Le vent est en effet gratuit et surtout il ne produit pas de gaz à effet de serre.

Pourtant, le recours grandissant à l’éolien compte de nombreux adversaires. Des collectifs souvent constitués de riverains s’opposent à l’installation d’éoliennes au nom des nuisances sonores ou des atteintes aux paysages qu’elles provoquent. Si ces doléances méritent d’être prises en compte, les arguments les plus percutants proviennent de ceux qui contestent l’idée que l’éolien soit en mesure de contribuer à faire face à la crise énergétique et environnementale.

Publiée en juillet 2008, une étude du très libéral institut Montaigne est venue sérieusement mettre en doute l’intérêt économique de cette énergie. Selon ce document, le surcoût de l’éolien par rapport aux autres énergies primaires pourrait atteindre 2,5 milliards d’euros par an en 2020. Ce montant prend en compte le coût du raccordement des fermes éoliennes au réseau électrique, qu’il chiffre à 260 millions d’euros. Il rappelle que les éoliennes, en raison de la non-permanence du vent, ont une rentabilité moyenne de 20 % par rapport à leur rentabilité optimale. Il pointe du doigt également l’obligation de rachat par RTE (Réseau Transport d’électricité, filiale d’EDF) au prix de 82 euros le mégawattheure éolien fixé par l’État. Ce montant supérieur au prix du marché est responsable à lui seul d’un surcoût de 1 milliard d’euros. Cette démonstration est contestée par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) mais ses objections restent peu convaincantes. Interrogée par l’Humanité, sa déléguée générale, Marion Lettry, reproche à l’étude de ne pas imputer le coût du réseau aux autres énergies. Et pour cause : les nouvelles centrales nucléaires, au fuel, au gaz ou au charbon sont construites à proximité du réseau déjà existant. Ce qui limite les coûts de raccordement. Les sites éoliens sont souvent très distants du réseau existant. Dans le cas des fermes offshore, l’installation de câbles sous-marins alourdit encore la facture. Quant au prix trop élevé de rachat du mégawattheure, Marion Lettry affirme que l’évolution de celui du marché de l’électricité devrait rendre l’éolien « rapidement compétitif ». « En 2008, le prix du marché se situait aux environs de 65 euros le mégawattheure. Selon les spécialistes, il devrait rejoindre celui de l’éolien en quelques années, en raison du surenchérissement de ceux du pétrole, du gaz et du charbon qui lui servent de base de calcul ». Si cet argument vaut sans doute pour les pays comme l’Allemagne ou les États-Unis, qui produisent une bonne part de leur électricité avec des centrales thermiques, il est peu convaincant au regard de la situation française. Dans notre pays, la production d’électricité est assurée à près de 80 % par le nucléaire. Or le coût du mégawattheure produit avec cette énergie est d’environ 50 euros.

Peu compétitif, l’intérêt environnemental de l’éolien est aussi peu évident. Si personne ne conteste le fait qu’il ne dégage pas de gaz à effet de serre, des associations écologistes remettent en cause son utilisation au regard de la situation française. « Les centrales thermiques, qui dégagent du CO2, ne sont essentiellement utilisées que pour faire face aux pics de consommation. En raison de son intermittence, l’éolien est un moyen de production de base. Il ne se substitue pas aux centrales au fuel ou au charbon mais au nucléaire et à l’hydroélectrique qui ne génèrent pas de CO2 », explique Jacques Masurel, président de Sauvons le climat. Autrement dit, l’implantation des éoliennes en France ne permet pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre. « Pis, en raison de son manque de fiabilité, il les accroît car il oblige à augmenter les capacités de production de pointe, donc à augmenter la part des énergies fossiles dans le bilan électrique », poursuit le responsable associatif. Ces arguments embarrassent le SER. Sa déléguée générale reconnaît ainsi que « l’éolien est essentiellement un moyen de base et qu’en France il concurrence surtout le nucléaire ».

Pierre-Henri Lab dans L’Humanité du 11 juin 2009


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