EADS-Airbus : Déclaration de Martin Malvy

lundi 9 octobre 2006.
 

Mesdames, Messieurs,

Je vous remercie d’abord d’avoir répondu à mon invitation. Vous en savez l’objet. Vous dire l’inquiétude de la Région la plus aéronautique de France au moment où Airbus traverse une crise qui n’a pas de précédent, invoque de lourdes pertes financières et la nécessité d’investissements considérables. Je veux être clair. Le A380 est bien l’avion exceptionnel annoncé il y a cinq ans. Ses performances répondent en tous points à ce qu’en attendent les grandes compagnies internationales.

Des problèmes d’industrialisation se posent. Ils seront réglés. Je fais confiance à Airbus, à ses actuels dirigeants, à ses ingénieurs, à l’ensemble de ses personnels pour y parvenir. Je n’ai aucune raison par ailleurs de contester les déclarations de Monsieur Streiff, président d’Airbus, lequel déclare « qu’il n’y a pas de signe majeur de risque d’annulation de commande ». Je ne dirai rien, enfin, sur les raisons qui ont pu conduire à cette situation. Nous devons tous appeler à son redressement le plus rapide possible.

60 000 emplois pour la seule Région Midi-Pyrénées.

Ceci étant, EADS en difficulté, c’est un problème majeur pour l’industrie européenne et pour l’économie française. Et c’est un problème qui fait peser des menaces lourdes de conséquences pour le tissu industriel et l’emploi dans de nombreuses Régions françaises, au premier rang desquelles, celle que je préside, Midi-Pyrénées.

Le Groupe EADS-AIRBUS, en Midi-Pyrénées, ce sont 16 800 salariés, à Toulouse, à Blagnac et Colomiers, mais aussi à Tarbes avec la Socata.

C’est aussi un remarquable réseau d’équipementiers et de sous-traitants. La sous-traitance de premier rang avec 18 équipementiers aussi importants que THALES, LATECOERE, RATIER-FIGEAC, LIEBHERR ou BLANC AERO, par exemple.

La sous-traitance de second et troisième rang, présente sur l’ensemble du territoire régional, dans l’agglomération toulousaine, dans le bassin tarbais, dans la « Mecanic Vallée », dans l’Aveyron, le Lot, la Corrèze et jusqu’à Brive, en Limousin.

Au total, 568 établissements et 58 400 emplois directs et indirects.

L’effort accompli a été considérable

Un effort considérable et collectif a été accompli depuis plusieurs années par la Région et les collectivités locales à la demande de l’Etat et de l’industrie aéronautique. La Région pour sa part a consacré sous diverses formes 45 millions d’euros au secteur aéronautique : infrastructures, investissements stratégiques, recherche, outils financiers, avances remboursables à des entreprises de second niveau qui ne pouvaient prétendre à celles de l’Etat.

L’investissement financier et humain des entreprises et de leurs salariés a été remarquable. Des gains de productivité très sensibles ont été obtenus.

Les inquiétudes sont aujourd’hui celles des salariés d’AIRBUS, mais celles aussi de ces équipementiers et de ces sous-traitants et de leurs personnels. C’est tout ce tissu industriel qui risque d’être remis en cause par les mesures d’économies annoncées par EADS et par un éventuel bouleversement de l’organisation interne d’AIRBUS au plan européen.

Il n’a échappé à personne qu’est évoquée une redistribution du partage industriel et donc par voie de conséquences, de l’appareil productif ou l’orientation d’une partie de la production vers la zone dollar, ce qui signifie délocalisation, pour des raisons reconnues de surcoûts liés au rapport euro-dollar. Il faut en effet sans cesse avoir présent à l’esprit que l’intégralité du commerce mondial de l’aéronautique s’effectue dans la monnaie américaine.

Au delà des conséquences pour des mesures d’économie qui seront prises sur les propres personnels d’AIRBUS, et ceux des sous-traitants in situ, c’est donc un très grave problème d’aménagement du territoire et d’emploi qui risque de se poser en direction d’entreprises, qui ont consenti des investissements et engagé des fabrications, dont les trésoreries sont souvent fragiles, les actionnaires exigeants et qui ne bénéficient pas des aides de l’Etat ou n’ont pas les moyens de mettre en place des plans sociaux et d’hypothétiques aides à la reconversion.

Chacun doit prendre la mesure des enjeux et ses propres responsabilités.

Aujourd’hui, face à la situation exceptionnelle que nous vivons, j’appelle donc chacun à faire face à ses responsabilités.

Le groupe EADS-Airbus, dans les arbitrages difficiles qui l’attendent, doit mesurer la responsabilité sociale et historique particulière qu’il exerce en Midi-Pyrénées, région mère de son développement.

L’Union européenne qui doit prendre conscience de l’impérieuse nécessité de la mise en place d’une véritable politique industrielle et d’une non moins nécessaire action dans le domaine de la politique monétaire. Des aménagements d’urgence doivent être décidés, notamment en ce qui concerne les aides dites d’Etat à finalité régionale. Il est de la responsabilité de la France, au sein de l’Union, d’en saisir immédiatement les instances compétentes.

Le Gouvernement français, enfin, doit annoncer des mesures exceptionnelles.

La priorité, c’est pour lui de mesurer dans sa globalité les conséquences de décisions envisagées et annoncées par le groupe EADS. Des aides d’urgence doivent être débloquées en faveur de la sous-traitance d’EADS dont, je le rappelle, la moitié est concentrée dans le Sud-Ouest français. Si des défaillances interviennent aujourd’hui en nombre, demain, quand les difficultés auront été surmontées, des entreprises d’ Asie ou d’ailleurs auront pris la place de nos entreprises.

Vous le savez, un pôle mondial de compétitivité a été labellisé par le Gouvernement sur l’ensemble que constitue l’Aérospace Vallée, Midi-Pyrénées et Aquitaine. Il est impératif aujourd’hui que le Gouvernement envoie un signal clair de son intention de concentrer les moyens de sa politique industrielle dans ce secteur sur ce pôle, pour le conforter, dans la durée, comme pôle européen majeur de l’aéronautique, de l’espace et des systèmes embarqués.

Je ne suis pas inquiet à long terme sur l’avenir du 380, du 350 ou du 400M.  Des retards sur les grands programmes, il y en a toujours eu. Boeing en connaît et en connaîtra. Mais ce secteur traverse une période de forte tension dans laquelle se joue l’avenir de tout un tissu industriel.

J’appelle le Gouvernement à l’extrême vigilance et en vertu des responsabilités qui dont les siennes à organiser dans les meilleurs délais avec le groupe EADS, les responsables de l’économie aéronautique de Midi-Pyrénées et plus généralement du grand Sud-Ouest, les représentants du personnel et les collectivités locales concernées, l’indispensable concertation qui s’impose. Martin MALVY, ancien ministre, président de la Région Midi-Pyrénées.


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