La Canaille (1865)

vendredi 9 octobre 2009.
 

Dans la vieille cité française

Existe une race de fer

Dont l’âme comme une fournaise

A de son feu bronzé la chair.

Tous ses fils naissent sur la paille,

Pour palais ils n’ont qu’un taudis

C’est la canaille

Eh bien, j’en suis !

********

Ce n’est pas le pilier du bagne,

C’est l’honnête homme dont la main

Par la plume ou le marteau gagne

En suant son morceau de pain

C’est le père enfin qui travaille

Les jours et quelquefois les nuits.

C’est la canaille

Eh bien, j’en suis !

********

C’est l’artiste, c’est le bohème

Qui sans souper rime rêveur

Un sonnet à celle qu’il aime

Trompant l’estomac par le coeur.

C’est à crédit qu’il fait ripaille

Qu’il loge et qu’il a des habits.

C’est la canaille

Eh bien, j’en suis !

********

C’est l’homme à la face terreuse

Au corps maigre, à l’oeil de hibou,

Au bras de fer à main nerveuse

Qui sortant d’on ne sait pas où

Toujours avec esprit vous raille

Se riant de votre mépris

C’est la canaille

Eh bien, j’en suis !

********

C’est l’enfant que la destinée,

Force à rejeter ses haillons

Quand sonne sa vingtième année

Pour entrer dans nos bataillons.

Chair à canons de la bataille

Toujours il succombe sans cris...

C’est la canaille

Eh bien, j’en suis !

********

Ils fredonnaient la Marseillaise

Nos pères les vieux vagabonds

Attaquant en quatre-vingt treize

Les bastilles dont les canons

Défendaient la vieille muraille

Que de trembleurs ont dit depuis

C’est la canaille

Eh bien, j’en suis !

********

Les uns travaillent par la plume

Le front dégarni de cheveux

Les autres martellent l’enclume

Et se saoûlent pour être heureux.

Car la misère en sa tenaille

Fait saigner leurs flancs amaigris...

C’est la canaille

Eh bien, j’en suis !

* - date : 1865.

* - texte : Alexis BOUVIER.

* - musique : Joseph DARCIER.


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