Le long chemin des femmes des cités

samedi 17 octobre 2009.
 

À La Courneuve, l’association Africa invite les habitantes des quartiers populaires à la manifestation de demain. Le maire a écrit à toutes les électrices pour les inciter à participer.

Dans la salle de réunion de l’association Africa, à l’ombre de la barre Balzac des 4 000 à La Courneuve (Seine- Saint-Denis), les femmes du monde entier semblent s’être donné rendez-vous. Un kaléidoscope de tenues, de coiffes, de visages… En fait, des habitantes de La Courneuve, Saint- Denis, Drancy et Saint-Ouen qui ont répondu à l’invitation d’Africa pour préparer la manifestation pour les droits des femmes, de samedi, à Paris. Mimouna Hadjam, présidente de l’association, accueille tout sourires celles qui peut-être, samedi, prendront le car prêté par la municipalité pour se rendre dans la capitale. Gilles Poux, maire de la ville, a pour ce faire écrit à toutes les électrices pour les inciter à participer à ce cortège. « C’est dur de mobiliser les femmes des quartiers populaires. Au manque de culture politique, à la résignation, à la misère que l’on cache, s’ajoute ici le frein du communautarisme. Dans les familles, une femme qui va manifester, ça ne se fait pas », explique Mimouna Hadjam. Au-delà du plaisir de se retrouver ensemble, c’est pour faire tomber ces préventions qu’elles sont réunies aujourd’hui.

La maîtresse des lieux, après avoir résumé les revendications portées par le collectif national des droits des femmes – de l’autonomie sociale à la laïcité, des violences faites aux femmes jusqu’à la contraception – invite les participantes à s’exprimer. Kheira, mère de six enfants, qui se bat pour que les deux nés en Algérie aient le droit de vivre ici, raconte les efforts qu’il lui a fallu faire pour sortir de sa coquille. « Je suis bavarde mais, à mon arrivée, je suis restée un an sans connaître personne. On est une femme, on ne va pas dans les cafés. Heureusement, j’ai connu Africa. Maintenant, je connais mes droits, je sais à quelles portes frapper. Je pousse les femmes à sortir, à ne pas rester isolées, à ne pas désespérer. » Fatima, quarante-trois ans, a du mal à ne pas désespérer. Femme de ménage employée quatre heures par jour, elle est victime d’un accident du travail en mars 2008. Son patron a refusé de la reprendre parce qu’elle a maintenant du mal à monter les escaliers. « Vivre avec le RSA, c’est très dur », lâche-t-elle. Fière, elle ajoute : « Je n’ai aucune dette mais c’est très dur la vie. » Longiligne et surmontée d’une coiffe colorée, Nahé, elle, a le sourire. Pourtant, elle sort d’un rude combat. Refusant son statut de deuxième épouse, elle s’est retrouvée dans la rue avec ses quatre enfants. Sans papiers, dans un dénuement total. Les institutrices de ses enfants lui lavaient son linge. Grâce à la ténacité d’Africa et de Muguette Jacquaint, ex-députée communiste, au bout d’un an et demi de combat, Nahé a retrouvé un toit. L’ancienne élue précise : « Nous avons aidé Nahé, offert la cantine à ses enfants… Mais c’était son combat, elle n’a pas eu peur d’affronter sa communauté, ou sa famille qui voulait la remarier à son beau-frère. » Najat, elle, a refusé d’être une femme battue. Courageuse, elle a quitté son bourreau. La justice de ce pays ne lui pardonne pas : elle est maintenant sans papiers et doit quitter le territoire. Elle annonce crânement que, samedi, elle marchera.

DANY STIVE


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