Education : la fronde des IUFM se durcit

vendredi 11 décembre 2009.
 

Signe d’une profonde inquiétude, 
les directeurs des instituts universitaires ont organisé, hier, une journée nationale de mobilisation contre le projet de 
réforme de la formation des maîtres. Inédit.

Parole de prof  : «  On n’a jamais vu ça. C’est dire le niveau de colère.  » Réputés pour leur relative retenue, les directeurs des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) sont sortis à leur tour de leur réserve en organisant, hier, une «  journée nationale de mobilisation  » contre le projet gouvernemental de réforme de la formation des enseignants. Tables-rondes, conférences de presse, débats publics, nuits blanches… La quasi-totalité des 32 IUFM et de leurs quelque 130 sites ont répondu présent pour dénoncer des mesures qui «  hypothèquent gravement l’avenir scolaire et l’éducation des enfants  ». Selon la Conférence des directeurs d’IUFM (CDIUFM), cet appel est bien «  une première  ». Et révèle «  une vraie coupure  » entre les directeurs et les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur sur ce dossier brûlant de la réforme de la formation.

Nouvelle mobilisation le 15 décembre Pour le gouvernement, il commence, effectivement, à y avoir le feu. Depuis le 13 novembre, et la présentation par Luc Chatel et Valérie Pécresse des derniers arbitrages, l’ensemble de la communauté éducative a fait part de son opposition à ce projet dit de «  masterisation  ». Et une impressionnante intersyndicale a d’ores et déjà appelé à une journée nationale de mobilisation le 15  décembre. «  C’est simple, explique un formateur à l’IUFM de Livry-Gargan, tout le monde est contre  : professeurs, directeurs, étudiants, syndicats, même les présidents d’université. Tout le monde, sauf le gouvernement… » Sous couvert de revaloriser la formation, cette réforme, censée entrer en vigueur à la rentrée 2010, amorce une inquiétante régression. Actuellement, les étudiants intègrent l’IUFM après bac + 3. Pendant la première année, ils préparent les concours de l’Éducation nationale (prof des écoles ou Capes). Pour les lauréats, suit alors une seconde année d’IUFM, au cours de laquelle ils ont la charge d’une classe, le statut de fonctionnaire stagiaire, et le salaire qui va avec. Le gouvernement, lui, souhaite recruter les professeurs des écoles, collèges et lycées au niveau master 2 (bac+ 5) et confier l’ensemble de la formation aux universités et non plus aux IUFM. Problème  : le contenu de ces fameux masters, qui font la part belle aux savoirs disciplinaires plutôt que pédagogiques, marque un recul spectaculaire. Notamment en terme de formation professionnelle. Un exemple  ? À l’heure actuelle, les enseignants qui se prédestinent au primaire effectuent, lors de leur deuxième année d’IUFM, douze semaines de stages obligatoires dans des établissements scolaires. La réforme, elle, ne prévoit plus que quatre semaines – 108 heures en master 2 – qui seront, certes rémunérées 3 000 euros mais resteront facultatives. De surcroît, le gouvernement n’a prévu, pour le moment, que 50 000 stages alors que l’on compte environ 150 000 candidats au professorat… «  Beaucoup de nouveaux professeurs arriveront donc devant une classe sans avoir jamais vu le moindre élève  », s’insurge Dominique, prof de technologie à l’IUFM de Paris. Ce nouveau professeur sera mis immédiatement en responsabilité d’une classe. Selon le projet du gouvernement, il bénéficiera néanmoins, en cours de première année, de douze semaines de formation professionnelle. Sauf que, lors de ses absences, il sera remplacé par… les étudiants en master 2  ! « Dès 2011, les parents verront donc des classes, par exemple de CP, prises en charge par des néotitulaires sans aucune expérience des enfants et remplacés par des étudiants. C’est ça la revalorisation de la formation ? » relève notre prof de Livry-Gargan, inquiet de son avenir même, alors que le rôle des IUFM n’a toujours pas été précisé dans la réforme. Las, de nombreux étudiants, en première année d’IUFM, ont compris à quelle sauce ils allaient être mangés. Ophélie résume  : «  Pour ceux qui vont réussir leur concours, ce sera ‘‘débrouille-toi devant les élèves’’ et pour ceux qui échouent, ils serviront de profs bouche-trou sans le statut de fonctionnaire. C’est fort  ! »

Laurent Mouloud


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