Catastrophe de Hal en Belgique  : la libéralisation 
du rail en accusation

mardi 2 mars 2010.
 

La catastrophe ferroviaire de Hal dans la banlieue de Bruxelles qui a fait plus de vingt morts révèle les dégâts des déréglementations en cours visant à privatiser et à organiser la concurrence entre compagnies publiques ou privées de l’UE.

Le bilan de la catastrophe ferroviaire de lundi à Buizingen, près de Hal, dans la banlieue de Bruxelles, pourrait être de vingt-deux morts. Trois personnes étaient encore portées disparues hier alors qu’on avait retiré mercredi soir un dix-neuvième corps des débris. L’heure est au deuil et à l’émotion en Belgique, comme l’a montré mercredi la marche silencieuse sur les lieux du drame. Le premier ministre, Yves Leterme, a annoncé l’organisation prochaine d’une cérémonie nationale d’hommage aux victimes.

Mais l’heure est aussi à la recherche des responsabilités. Les patrons des trois entreprises issues de ce qui fut de 1835 à 2005 la SNCB (Société nationale des chemins de fer belges) sont convoqués lundi devant la Chambre. Beaucoup de gens se demandent, comme l’écrivait mercredi Éric Renette dans le Soir, « si l’accident de Hal ne traduit pas les douloureux effets de la filialisation forcée ».

Celle-ci est le résultat de la politique européenne de libéralisation du rail qui doit permettre, à terme, à n’importe quel opérateur, public et privé, d’utiliser et d’exploiter l’ensemble du réseau ferré européen. En Belgique, elle s’est traduite par l’éclatement de la SNCB en trois sociétés autonomes (voir nos repères).

Ce qui se passe en Belgique touche ainsi l’ensemble de l’Union européenne. En France, ce sont aussi les directives européennes qui ont amené la SNCF à abandonner ses infrastructures à RFF (Réseau ferré de France) et à ouvrir le transport de fret au privé. Avec des conséquences qui ne manquent pas d’inquiéter. Ainsi, le 26 avril 2008, un train de Veolia aurait percuté un TER bondé en gare de Montauban si les agents de la SNCF ne l’avaient pas dérouté in extremis. Et en mai dernier, une collision entre deux trains de fret – l’un SNCF, l’autre d’une compagnie privée – a bloqué le trafic de la ligne Paris-Bordeaux pendant une demi-journée.

En Allemagne, la Deutsche Bahn est promise à une privatisation que seule la crise a suspendue. Mais les frais de maintenance ont été comprimés. Résultat  : le RER de la capitale (S Bahn) est passé de peu à côté de la catastrophe, les freins de la plupart des machines s’avérant défectueux. Et depuis, la mise en œuvre des réparations indispensables a eu des conséquences en cascade, ce qui entraîne des retards jusqu’à aujourd’hui.

« La hausse de la productivité que l’on exige de nous est affolante, affirme Gérard Gelmini, responsable du syndicat FGTB des cheminots belges. On met tous les chauffeurs et les voyageurs en danger. On peut avoir tous les systèmes de sécurité que l’on veut, on n’améliorera rien si on n’investit pas dans la formation et dans des conditions de travail décentes. »

La question du feu rouge qui n’aurait pas été respecté par un des deux chauffeurs a en effet provoqué la colère chez les machinistes, entraînant un arrêt de travail spontané mardi. En cause  : les cadences infernales imposées, la diminution des temps de récupération et de formation. Mais aussi l’absence des investissements nécessaires en matière de sécurité. Car l’accident de lundi, s’il est le plus grave qu’ait connu la Belgique, n’est pas le seul. En 2001, la collision à Pécrot d’un train de marchandises qui avait brûlé un feu avec un train de voyageurs avait fait 8 morts et démontré de grosses failles de sécurité. La SNCB avait été condamnée en 2004 à remettre à niveau la signalisation et avait promis d’installer un système de freinage automatique sur l’ensemble du réseau. Six ans plus tard, un quart seulement des trains sont équipés du système d’arrêt automatique.

Ces graves mises en cause sont partagées par l’Association des « navetteurs » (banlieusards) belges dont le président, Gianni Tabbone, avait justement adressé un courrier le 8 février à la ministre de la Fonction publique pour dénoncer « la détérioration des conditions du transport des voyageurs ». Le courrier soulignait que « la priorité mise sur la rentabilité est incompatible avec la notion de service public ». « Pour moi, dit-il, la responsabilité revient aux gouvernements qui ont décidé ces privatisations. Je n’ai toujours pas eu de réponse, mais malheureusement la tragédie de lundi montre à quel point nous avions raison de tirer le signal d’alarme. »

Françoise Germain-Robin


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