Le jour où la fraude a contrôlé l’économie

lundi 10 mai 2010.
 

Et si la finance avait adopté la fraude pour éviter une crise fatale au système ? C’est la thèse du juge Jean de Maillard. Entretien. Est-ce un syndrôme de la crise économique ? Sa cause ? Ou sa conséquence ? En tout cas, l’idée que l’économie contemporaine est gangrénée par la criminalité fait son chemin.

Depuis « Un monde sans loi » (Stock, 1998), Jean de Maillard, magistrat et blogueur de Rue89, explore les vices cachés de la criminalité financière. Dans son dernier livre, « L’Arnaque », le magistrat (qui n’a jamais été juge financier) inverse le paradigme : et si, pour survivre, la finance internationale, avait pris en main les ressorts de la « fraude » ?

« C’est un terme par défaut, précise-t-il, qui remonte aux années 80, au moment où Reagan et Thatcher arrivent au pouvoir. Ils mettent en concurrence, dans l’univers du crédit immobilier, les structures mutualistes avec les entreprises privées. C’est là que la dérive commence. » (Voir la vidéo)

La technique de la chaîne de Ponzi, comme Madoff

Pour l’auteur, les banques sont au cœur de ce dispositif. Les états prêtent de l’argent aux banques, qui spéculent sur les bourses pour faire monter les cours et refaire de l’argent avec la mise initiale.

Avec une constante dans les techniques utilisées par les intermédiaires financiers : le recours à la chaîne de Ponzi (aussi appelée boule de neige ou pyramide) :

« Exactement comme dans l’affaire Madoff, vous financez une arnaque en demandant aux nouveaux entrants de financer ceux qui sont déjà dans le système. »

Résultat : chaque crise voit surgir sa propre bulle spéculative, immobilière, Internet, liée au crédit… Avec des liquidités qui viennent nourrir les paradis fiscaux, échappant à l’impôt, mais terriblement nécessaires aux mécanismes économiques. D’où l’hypocrisie des grandes déclarations d’intention de ces derniers mois sur les places off-shores.

« Le plus important, c’est la fonction réglementaire des paradis fiscaux qui permet d’implanter fictivement certaines activités.

Y-a-t-il une volonté politique de lutter contre ce phénomène ?

Pour qu’il y ait une volonté politique, encore faudrait-il qu’il y ait une conscience politique… Les dirigeants politiques ne savent même plus ce qui se passe dans la sphère financière. Reprendre en main le système financier aurait pour conséquence de le détruire. » (Voir la vidéo)

Dernière mode : l’explosion des « dark pools », les bourses noires

Dernier phénomène inquiétant de la planète finance, l’explosion des dark pools. Ces « boites noires » ou « bourses noires » ont vu le jour en2007 en Europe, à partir de la directive marchés d’instruments financiers (MIF). Elles consistent à proposer aux investisseurs une place de marché sans cotation publique. En clair, vous achetez ou vendez sans connaître la valeur des actions, actions par ailleurs cotées sur les grandes places financières. Initialement, le principe du « dark pool » est d’éviter les écarts de cours lié à certains ordres. En fait, nul ne sait vraiment -y compris les experts de l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans un avis d’octobre 2009- comment contrôler ces nouvelles places…

Pour Jean de Maillard, les « dark pools » sont le lieu des prochains dérapages de la finance.


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