Micro-partis de droite pour maxi-grisbi

samedi 24 juillet 2010.
 

L’affaire Woerth a mis en lumière une nébuleuse de micro-partis. Ils permettraient de contourner les seuils légaux de financement des principales organisations à la faveur d’une législation floue.

Un gage de « démocratie » et de « liberté »

À entendre le premier ministre depuis la Nouvelle-Calédonie, la multiplication des structures politiques serait le gage de la vitalité du débat démocratique. « Toute personne qui en France veut exprimer une opinion politique, qui veut créer une structure politique, engager une réflexion politique, a le droit de le faire et a le droit de se faire financer. L’important, c’est que ce soit transparent, et c’est transparent. » De transparence, il est effectivement question depuis l’affaire Woerth-Bettencourt qui a révélé l’existence de petites structures nationales ou locales qui permettraient de contourner légalement la loi sur le financement des partis politiques qui fixe le plafond des dons de personnes physiques à 4 600 euros par an et par personne pour les candidats à une élection et à 7 500 euros pour les partis politiques. L’héritière de L’Oréal aurait ainsi cumulé en toute légalité des dons à l’Association de soutien à l’action d’Éric Woerth, l’Association nationale de financement de l’UMP, et à l’association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy, dépassant ainsi les 30 000 euros.

« On peut se demander pourquoi l’UMP, dont le trésorier est Éric Woerth, a versé une contribution de plus de 66 000 euros » à l’association du ministre, interroge le député Verts, François de Rugy, qui demande avec ses collègues de l’Assemblée nationale la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la multiplication des petites organisations politiques.

Détournement de l’esprit de la loi

De Christian Estrosi, Michèle Alliot-Marie, à François Fillon et Laurent Wauquiez en passant par Rama Yade et Benoist Apparu qui envisagent d’en créer un, ce ne sont pas moins de 283 micro-partis, clubs de réflexion, mouvements d’idées, think tanks qui coexistent en France, contre seulement 28 en 1990. « C’est prendre les Français pour des imbéciles. (...) Il faut se rendre sur le site de l’UMP, qui conseille aux dirigeants de l’UMP de créer des micro-partis », réagissait hier Benoît Hamon, le porte-parole du Parti socialiste, qui a pour sa part réitéré sa demande d’interdiction pour les parlementaires ou les ministres, déjà membres d’un parti, de créer leur propre structure. En 2006, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) relevait que « la liberté de création des partis politiques a pour conséquence de faciliter le détournement de la loi en favorisant la création de partis satellites : une même personne physique peut ainsi financer plusieurs partis, en versant à chacun le montant plafond des dons autorisés, les partis bénéficiaires reversant ensuite l’argent récolté au parti central ».

En 1988, la première loi sur la transparence financière de la vie politique est intervenue après plus de deux décennies de scandales de financements occultes par des entreprises qui, après s’être vu attribuer des marchés publics, reversaient un pourcentage à des bureaux d’études, eux-mêmes chargés de transférer les commissions aux partis. Selon François Logerot, le président de la CNCCFP, si le PS ou le PCF « comptent beaucoup sur les contributions de leurs élus, le financement public des partis (en fonction de leur représentativité – NDLR) a assaini le paysage. Sur les 180 millions d’euros de recettes (annuelles) présentées par l’ensemble des partis, plus de 40 % viennent du financement public direct ».

Lina Sankari


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