Quel regard portez-vous sur la chasse faite aux Roms et gens du voyage ?
Alain Ruscio. Habitué à observer le racisme à la française, pour moi cette chasse n’est pas une surprise. Cette pratique est très ancienne notamment à l’époque coloniale. Ces méthodes se sont d’ailleurs également appliquées au cours du XXe siècle aux Polonais et aux Italiens. Les classes dirigeantes les ont toujours utilisées soit pour rediriger l’inquiétude populaire vers « l’étranger », soit par conviction. C’est une permanence dans l’histoire de la société française qui, par ailleurs, a souvent atteint son but. D’où la nécessité que les associations, les partis politiques et les citoyens se mobilisent pour combattre le climat actuel et que la population ne morde pas à l’hameçon tendu par le pouvoir.
Peut-on parler de xénophobie d’État ?
Alain Ruscio. Tout à fait mais le phénomène n’est pas récent. Au début des années quatre-vingts, Valérie Giscard d’Estaing signait déjà un article dans le Figaro Magazine sur « l’invasion étrangère » où figurait en couverture une Marianne recouverte d’une voile islamique. Je pense également au discours de Chirac sur « le bruit et les odeurs ». Incontestablement, il existe une convergence de pratiques et positions de l’État et de la droite dans ce domaine qui s’est accéléré toutefois depuis Nicolas Sarkozy. Il y a un aspect stratégique et tactique qui vise à dresser des passerelles entre la droite et son extrême. De plus en plus d’élus UMP tiennent le discours du FN par exemple sur le thème de la réhabilitation de « l’œuvre coloniale » de la France, les « Français de souche » ou les « racines chrétiennes » de notre pays. Il y a ici une « vieille » tentative d’osmose entre la droite et l’extrême droite. À nous d’y être attentifs.
Entretien réalisé par Lionel Decottignies
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