En Espagne, des militants d’extrême droite ont tenté d’infiltrer un important syndicat anarchiste

mardi 24 août 2010.
 

Des militants du Movimiento social republicano (MSR) ont, pendant plusieurs mois, appartenu à la CGT espagnole. C’est ce qu’a révélé le quotidien de gauche Publico, dans son édition du 10 août . Dans l’article, il est en outre précisé qu’auparavant, un des “infiltrés”, Juan-Antonio Aguilar, avait été adhérent aux Commissions ouvrières (CCOO, ex-communistes) et qu’en 2009 certains adhérents des CCOO avaient invité des membres du MSR à participer à une manifestation des salariés de la société de sécurité Prosegur.

Parmi ces quatre militants d’extrême droite, Juan-Antonio Llopart, dirigeant du MSR, condamné, selon Publico, pour “apologie de crimes nazis” et “pour avoir distribué des livres sur Adolf Hitler”. Sur son blog, Juan-Antonio Llopart publie d’ailleurs la photo de sa carte de membre de la CGT.

“Nous nous en sommes rendu compte car l’un d’entre eux [Llopart] était très connu. A partir de là, on a trouvé les autres”, nous raconte Manuel Gomez de la CGT. En revanche, la CGT -syndicat anarchiste, né d’une scission d’avec la CNT et qui regroupe environ 60 000 adhérents- “ne s’explique pas” pourquoi ces militants d’extrême droite ont choisi de les infiltrer.

“Tolérance zéro”

Dans un communiqué publié sur son site, le syndicat - qui a exclu ces quatre personnes- rappelle qu’il “ne tolère pas de personnes d’idéologie fasciste en son sein” et que “la CGT conserve une attitude de totale intransigeance, de tolérance zéro, devant ce type de situations. […] Comme organisation anarcho-syndicaliste, la CGT maintient un engagement permanent de lutte contre le fascisme, la xénophobie, le racisme et contre tout type d’idéologie totalitaire”.

De son côté, le MSR, on feint l’innocence et on affirme “ne pas comprendre” le problème. “Les militants du MSR sont libres d’adhérer au syndicat qu’ils veulent”, nous déclare Carmen Martin qui nie toute tentative d’infiltration. Et va même plus loin en affirmant “que l’on peut adhérer au syndicat les plus proches de nos idées comme la CNT ou la CGT”.

Pour justifier cette assertion pour le moins étonnante -surtout en Espagne où l’une des principales forces d’opposition au fascisme était les anarchistes-, Carmen Martin réfute “l’étiquette d’extrême droite” et nous dit que “le MSR est pour un syndicalisme révolutionnaire et a pour référence Georges Sorel [entre autres un des inspirateurs de Mussolini, théoricien du syndicalisme révolutionnaire]“.

En fait, le MSR, à l’image de certains groupes néo-fascistes italiens, joue sur l’ambiguïté de leurs mots d’ordre sociaux pour s’accoler une image “révolutionnaire”. Le MSR est d’ailleurs issu d’une tendance de la Phalange espagnole plus proche du fascisme italien que du franquisme conservateur. Le MSR entend ainsi conserver l’aspect “national syndical” de cette organisation.

“Extrême droite subversive”

Carmen Martin a par ailleurs écrit la préface d’une réédition du livre de Michel Schneider - militant français d’extrême droite, animateur du site Tout sauf Sarkozy- “Principes de l’action fasciste” où elle déclare que “Les principes de l’action fasciste” nous montrent le chemin à suivre et qui maintiennent vivante la possibilité d’une révolution, mais sans nostalgie.”

En France, le groupe dont le MSR est le plus proche, est VoxNR de Christian Bouchet. Ce dernier définit le MSR - ses “amis de trente ans”- comme “un groupe nationaliste révolutionnaire, de l’extrême droite subversive.”. Et s’ils ont mis “un peu d’eau dans leur vin pour pouvoir se présenter aux élections européennes”, M. Bouchet voit en eux “quelque chose d’approchant de ce que l’on faisait à Unité radicale “.

M. Bouchet rappelle que “dans les années 1990, avec Nouvelle résistance (NR), nos militants adhéraient à la CGT. On doit être là où le peuple est, pas dans les syndicats jaunes.” Nouvelle Résistance, qui ambitionnait au début des années 1990, de “créer un front uni antisystème”, s’était d’ailleurs fait une spécialité des tentatives d’infiltration.

Christian Bouchet,à l’époque, est relativement fasciné par les courants d’extrême gauche qui pratiquaient l’entrisme et/ou l’infiltration. Nouvelle Résistance s’y essaie. Des militants de Nouvelle Résistance se feront ainsi débusquer en 1990-1991 : quelques-uns dans le milieu libertaire, d’autres au sein du groupuscule trotskiste Socialisme International ; plus massivement au sein d’Ecolo-J, une association très proche des Verts, où des militants de NR étaient parvenus à contrôler des comités départementaux.

NB : Signalée par “Stohr” dans les commentaires ci-dessous une photo où l’on voit les responsables du MSR avec Bruno Gollnisch. Rien d’étonnant à cela puisque le MSR fait partie avec le FN, le Jobbik hongrois , le British national party ou encore les Italiens de Fiamma tricolore, de “l’Alliance européenne des mouvements nationaux” dont M. Gollnisch est un des initiateurs.

Abel Mestre et Caroline Monnot


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