Algérie Crise au sein du FLN « La direction est devenue un 
cercle d’amis et de businessmen »

samedi 8 janvier 2011.
 

Dissensions, 
incidents dans 
les sections 
et les fédérations du parti se multiplient dans un contexte de succession dynastique 
où la maladie du président Bouteflika alimente toutes 
les rumeurs.

« Le président Bouteflika sera le candidat du FLN en 2014, si Dieu le veut !  »  C’est par cette pirouette teintée de sous-entendus sur l’état de santé du chef de l’État algérien que le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, a tenté, vendredi dernier, de démentir les rumeurs sur son éventuelle candidature à l’élection présidentielle de 2014 et de minimiser la gravité de la crise qui secoue son parti. C’était lors de la réunion du comité central du FLN qui a renouvelé sa confiance au chef de l’État. Abdelaziz Belkhadem, qui est en même temps « ministre d’État représentant du président Bouteflika », a fustigé ses adversaires, les menaçant d’exclusion du parti. Mais, signe que la crise n’est pas terminée  : devant l’hôtel Mazafran à Alger où s’est tenue la réunion de la direction du parti, de jeunes militants présents sur les lieux demandaient son départ  !

Début novembre, à Hydra, la police a dû intervenir pour faire cesser les affrontements entre militants. À Annaba, un sénateur a brandi une arme à feu contre de jeunes militants qui avaient occupé le siège local du parti. Les structures du parti d’Oran, Tlemcen, Tiaret, Annaba, M’Sila, Souk Ahras, Mostaganem, El Oued, Djelfa ont tour à tour été touchées par la vague d’agitation. Le tout sur fond d’une pluie de communiqués et de déclarations dénonçant les « errements » du parti et le « déviationnisme » du secrétaire général. « Le FLN a adopté une organisation calquée sur celle du Parti national démocratique (PND) égyptien », accuse le ministre de la Formation professionnelle, El Hadi Khaldi  ; Belkhadem gère « le parti comme une zaouia (confrérie religieuse) », renchérit le vétéran Salah Goudjil, et d’autres lui reprochent d’avoir ouvert les portes du parti à des hommes d’affaires véreux « ayant des démêlés avec la justice »  ! Et dans la perspective du scrutin présidentiel de 2014 d’avoir placé d’ores et déjà des hommes de confiance à la tête des fédérations et des sections du FLN.

L’ambiance est si délétère, la crise si profonde, que pas un jour ne passe sans que la presse algérienne ne s’en fasse l’écho. Ainsi en va-t-il de la corruption régnant au sein du FLN. Selon le Soir d’Algérie du 15décembre, les voix des militants sont achetées à prix d’or pour se faire élire au comité central, au Sénat, ou pour figurer en tête de liste aux prochains scrutins locaux et législatifs. « Le prix des voix grimpe en fonction du poste convoité », écrit le journal. « Le comité central est devenu un cercle d’amis et de businessmen », assène un dirigeant du FLN dans le même quotidien  !

Affirmant agir sous « la pression de la base  », des membres de la direction du FLN ont pris la tête de cette contestation dénommée « Mouvement de redressement ». Les contestataires, dont El Hadi Khaldi, le vice-président du Sénat Abderrezak Bouhara, Mohamed Boukhalfa, qui incarnait dans les années 1970-80 l’aile gauche du FLN, de vieux routiers comme
Salah Goudjil ou Abdelkrim Abada, l’ancien ministre du Tourisme Mohamed Seghir Kara… se sont donné pour objectif de révoquer le patron du FLN. « Croyez-moi, il tombera bientôt », assurait Mohamed Seghir Kara le 16 décembre dernier dans les colonnes d’El Watan.

La crise qui secoue le FLN est symptomatique de la déliquescence de l’État algérien. Elle intervient, d’une part, dans un contexte où la maladie et l’effacement relatif de la scène publique du président Bouteflika nourrissent les ambitions, les rumeurs de succession, et bousculent le fragile équilibre des forces politiques au pouvoir  ; et d’autre part, dans un contexte de scandales politico-financiers – il est question du détournement de plus de 15 milliards de dollars pour la seule compagnie pétrolière Sonatrach – ayant éclaboussé le sommet de l’État. Plus de quinze cadres dirigeants de cette entreprise sont en prison, tandis que le ministre de l’Énergie, Chakib Khelil, homme de confiance du chef de l’État, a été contraint à la démission. Autres proches du chef de l’État mis sur une voie de garage  : le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, le ministre des Privatisations, Hamid Temmar… Aussi tout porte à penser que les attaques contre le secrétaire général du FLN, qui incarne le courant islamo-conservateur, constituent l’un des derniers verrous à faire sauter pour affaiblir davantage le chef de l’État algérien et préparer sans accroc sa succession.

Reste qu’à l’arrière-plan de cette guerre de tranchées au sein du FLN se profile, via Saïd Bouteflika, frère cadet et conseiller du chef de l’État, une succession de type dynastique. Les comités de soutien du président Bouteflika, constitués durant sa campagne électorale, ont donné naissance au Rassemblement pour la concorde nationale (RCN). Le 25 novembre dernier, ce mouvement a proposé la candidature de Saïd Bouteflika pour l’élection présidentielle de 2014  ! En effet, face à un FLN en crise et usé par plus de trente ans de pouvoir, le RCN veut, dit-on à Alger, incarner une troisième force rassemblant les déçus de l’ex-parti unique mais aussi ceux de l’islam politique. Et barrer la route au pouvoir à l’actuel premier ministre et secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia. Depuis quelque temps, ce dernier, qualifié d’anti-islamiste, qui bénéficierait du soutien d’une partie des cercles politico-militaires, multiplie les sorties et soigne sa stature internationale.

Hassane Zerrouky


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