Le Parti de Sarkozy « atomisé façon puzzle », le FN récupère ses électeurs et le Front de Gauche en nette progression...

samedi 26 mars 2011.
 

J’écris quelques lignes au milieu de la nuit, après avoir passé mon après midi et ma soirée au local du PG pour recueillir les résultats de tous nos candidats engagés dans cette élection cantonale. Je manque encore de la totalité des résultats pour vous proposer un billet plus précis, nourri de chiffres détaillés, mais il viendra bien vite. Pour l’heure, je me prononce sur les tendances lourdes que j’ai constaté ce soir. Au mois de novembre dernier, répondant à une interview des Inrockuptibles, interrogé sur la scène politique, Jean-Luc Mélenchon répondait : « cette scène va s’écrouler ». Il avait raison, nous y sommes. Nous venons d’assister à un vote "d’écroulement" du pouvoir en place. J’appelle chacun à bien prendre la mesure de l’évènement politique qui vient de se produire, tout à fait prévisible, qui confirme un constat, ayant présidé à la fondation du Parti de Gauche : notre pays est plongé dans une grave crise. C’est une crise sociale, une crise morale, une crise nationale, une crise institutionnelle et donc une crise politique. Notre pays est en pleine ébullition. C’est du jamais vu, qu’on en juge.

D’abord, près de 56 % d’abstention à une élection cantonale, c’est un record. Plus de la moitié de nos concitoyens ne croient plus à l’utilité de s’exprimer par l’intermédiaire d’un bulletin de vote. C’est particulièrement sensible dans les quartiers populaires. C’est la conséquence des trahisons et décisions irresponsables qui ont été prises ces dernières années. C’est le contre-coup de la remise en cause de la retraite à 60 ans. Le dégoût et la colère de millions d’habitants de notre pays sont les principaux moteurs de cette abstention. Seuls des cyniques comme Jean-François Coppé ou Valérie Pécresse (et il en est d’autres à l’UMP) peuvent dire que ce résultat n’a aucune signification nationale en raison de l’abstention. Ridicule. Précisément, l’abstention est la première « signification nationale » de ce scrutin. Un cri monte en leur direction « Qu’ils s’en aillent tous » ! Gare à tous ceux qui voudront encore finasser. Un peuple en colère qui se lève, dispose d’une force inouïe.

Puis, il y a la déroute du parti du Président : 17 % ! Du jamais vu, cela aussi. Des centaines de milliers d’électeurs de droite ont glissé un bulletin FN cette fois ci. Dans des départements entiers, l’UMP n’est plus au second tour. Dans de nombreuses villes où ils dirigent pourtant la Mairie il tombe à 10 %. Le Ministre de l’intérieur M. Claude Guéant a tenté ce soir une piètre manœuvre en voulant additionner toutes les voix de « divers droites » à celle de l’UMP pour afficher 32 %. Pourtant, c’est dans seulement 1132 cantons (sur un peu plus de 2000) que les candidats s’étaient enregistrés en préfecture comme UMP. Ce résultat est donc mathématiquement impossible. Mais, fort heureusement beaucoup de commentateurs n’ont pas été dupes et tous les partis le dénoncent. Les mois qui viennent vont donc être mouvementés pour le clan de Nicolas Sarkozy car il me semble clair que beaucoup, à droite, vont considérer désormais que le Président sortant n’est plus l’homme de la situation pour sauver son camp et les intérêts des puissants qui l’ont tant soutenu par le passé. Les mouches vont changer d’âne. Je prends les paris que la droite va se casser dans les mois qui viennent.

Ensuite, il y a le score du FN. Il est indiscutablement haut, trop haut. Je suis de ceux qui, ces derniers temps, refusant de céder à cette campagne d’affolement généralisée, ont écrit et expliqué que la poussée « irrésistible » du FN que tout les médias répétés n’étaient pas encore confirmée. Avais-je tort ? Sans doute un peu, j’ai surtout sous-estimé la crise profonde de la droite et la débandade de son électorat. La surenchère xénophobe portée de façon subliminale, ou même ouvertement, par le pouvoir a produit son effet. La campagne médiatique présentant désormais Marine Le Pen comme un « vote utile », puisqu’elle peut être au second tour selon des sondages réalisés dans des conditions extravagantes et publié quelques jours avant ce scrutin, a aussi porté ses fruits. Comment pouvait-il en être autrement ? L’extrême droite n’est pas idiote. Astucieusement, sans parler des petites histoires cantonales, le FN a politisé de façon nationale ce scrutin. Le matériel du Fn évoqué à peine les candidats, tout était centré sur Marine Le Pen. Elle a déjà commencé la campagne présidentielle de 2012. Le FN a pris une longueur d’avance. La droite est désormais un champ de ruine, elle est éliminée du second tour dans de nombreux départements et remplacée par le FN qui sera présent dimanche prochain dans 394 départements. Des voix vont s’élever, à droite, dans les mois qui viennent pour dire que la seule issue est l’alliance entre l’UMP et le FN. Sur quelles bases idéologiques certains s’opposeront ? Elles seront bien faibles. Nous entrons donc dans l’ère de tous les dangers. Mais, dans les jours qui viennent, j’affinerai mon analyse sur le FN. J’attends de savoir le nombre précis de leurs voix en comparaison avec le scrutin de 2004 où il avait déjà obtenu près de 13 % des voix. Dans la mesure où la participation a reculé, je ne suis pas sûr qu’il est en réalité obtenu beaucoup de voix supplémentaires. Par contre, surtout il capte à nouveau un électorat populaire traditionnellement de droite, ayant déja voté pour lui, qui avait voté Sarkozy en 2007. Une autre partie de l’électorat de droite s’est abstenue. C’est très net. Il est frappant de constater que dans des départements où le Fn ne présentait pas de candidats (comme La Creuse par exemple) la droite réalise des scores honorables. C’est sur les terres traditionnellement de droite qu’il progresse (et réalise des scores peu important en Seine saint Denis par exemple). Mon analyse de ces derniers temps expliquant qu’il n’existe pas, de façon significative, un électorat de gauche qui glisse vers le FN reste juste. Je le démontrerai. La "vague bleue marine" ne progresse donc que sur la rive droite.

L’électorat de gauche attend donc qu’on lui parle un langage de gauche. Il ne veut pas qu’on lui apporte des réponses sécuritaires ou d’austérité pour « rassurer les marchés ». Il veut qu’on lui parle de répartition des richesses, de protection sociale, de lutte contre l’injustice, de défense des services publics. J’observe que dans un tel contexte de rejet de la droite, le PS qui obtient près de 25 % des voix profite bien peu de la situation. En 2004, lors des élections cantonales comparables, il avait rassemblé 26,25 % des voix. Attention donc aux résultats en trompe l’œil. Et folie de croire qu’un candidat qui préconise des coupes dans les dépenses publiques dans le reste du monde pourra être benoîtement le catalyseur de l’aspiration au changement. Avis donc au Directeur du FMI, le résultats de ce soir démontrent, pour moi, qu’il ne peut être le candidat du PS. A moins que ce parti ne tire pas les enseignements réels de la soirée. Aura-t-il la lucidité de le comprendre ?

Finalement, à gauche, la formation qui progresse le plus est le Front de Gauche. Il obtient 10,38 % des suffrages si l’on calcule son résultat sur les seuls 1600 cantons où il présentait des candidats. 135 candidats Front de Gauche seront présents au second tour dimanche prochain. Le PCF seul en 2004 avait obtenu 7,79 % des suffrages. Nous avons réalisé notre objectif d’obtenir un résultat à "deux chiffres". C’est la preuve que nous sommes sur la bonne voie, que notre stratégie est la bonne. Toutefois, je suis lucide. C’est encore insuffisant. Il nous faut encore progresser, nous améliorer, nous rendre plus visible, préparer au mieux les prochaines échéances sociales et électorales. Les candidats du PG, Parti qui n’a pas encore 3 ans, ont fait leur apprentissage du feu dans cette élection. Ils ont parfois fait des bêtises. Mais, dans plusieurs cantons ils réalisent des scores significatifs, marquant des progressions nettes si on les compare avec les scores du PCF en 2004. Seuls les sectaires ne le verront pas. C’est une fierté collective que je ne veux pas minimiser. Nos amis communistes ont également profité de la dynamique du Front de gauche. C’est une bonne nouvelle. Il faut la faire connaître. Le deuxième tour sera important. Toutes nos forces devront être engagées pour battre la droite et l’extrême droite.

Je termine pour ce soir. Que le lecteur me pardonne d’utiliser une formule mainte fois employée, mais il ne m’en vient pas de plus efficace : une course de vitesse est engagée entre l’extrême droite et nous. Si le Front de gauche ne fait pas d’erreur, il peut jouer les premiers rôles dans la période qui s’ouvre. Ne perdons pas de temps.


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