Les nouveaux visages de l’extrême droite

mardi 18 janvier 2011.
 

C’est dans l’inversion du sens que les fascistes espèrent prospérer

« Alors que nous ne pensons qu’à nos retraites (…), le monde musulman produit des armées de combattants, hommes et femmes, prêts à sacrifier leurs vies en tant que bombes humaines et dans la guerre. »

Cette phrase absurde du Suisse Oskar Freysinger a été prononcée sous les applaudissements de quelques centaines de personnes, samedi 18 décembre, à l’occasion des « assises sur l’islamisation », tenues à Paris (12e), dont il était l’invité vedette.

Cette déclaration, inspirée directement du Choc des civilisations, de Samuel Huntington, penseur en chef des néoconservateurs états-uniens qui ont enclenché les principales guerres de notre monde, exprime de façon concentrée le premier objectif de cette initiative et en explique en partie son succès dans certains milieux. Je m’explique. Alors que notre pays a traversé, pendant plusieurs semaines, une formidable mobilisation pour la défense de la retraite à 60 ans, il importait, selon cette alliance de groupuscules d’extrême droite et de faux laïques, d’affirmer que ce qui menace notre monde n’est pas l’ordre injuste qui y règne, mais un « monde musulman » aux frontières imprécises.

Dans cette logique folle, il importe alors de dénoncer les « ennemis intérieurs ». Chaque citoyen est sommé de se positionner en fonction de ses options spirituelles. À titre d’exemple, sur son site, Riposte laïque, qui organisait cette journée avec les néofascistes de Bloc identitaire, s’indigne  : « Nous avons vu avec tristesse des associations juives (…) hurler avec les loups et qualifier cette réunion d’“assises d’extrême droite” (...), de leur part c’est suicidaire. Croient-ils vraiment qu’ils seront épargnés par les islamistes (...) ? Plus ils affaibliront le camp des résistants, plus ils se fragiliseront, devant leur principal ennemi, le nôtre. » Cette phrase ignoble a sa cohérence. Les citoyens égaux soucieux de l’intérêt général n’existent plus, mais chacun doit se positionner en fonction de ses options spirituelles, en prévision d’un « affrontement de civilisation ». C’est la fin de la République laïque.

Le piège idéologique est en place. Les mots semblent changer mais il n’y a rien de nouveau. C’est la fonction principale du fascisme et de la mouvance contre-révolutionnaire, quelles que soient leurs formes nouvelles. Marine Le Pen en a compris l’intérêt politique et a repris cette rhétorique à son compte en comparant la présence sur notre territoire de citoyens français de confession musulmane avec l’occupation de l’armée nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Abject. Dans leurs délires verbaux, Mme Le Pen et ses complices affirment qu’il y aurait désormais des « résistants », parmi lesquels ils se rangent, et des « collabos », parmi lesquels ils placent tous ceux qui s’opposent à leurs discours. L’inversion du sens est à son comble. C’est dans cette confusion que les fascistes espèrent prospérer. Il importe à la gauche de redonner du sens et de remettre à l’endroit ce qui est à l’envers. Demain, le FN sera sans doute dirigé, non plus par un ancien parachutiste antisémite, tortionnaire durant la guerre d’Algérie, mais par une femme souriante, que la presse peu rigoureuse présente frauduleusement comme une laïque opposée aux dégâts de la mondialisation libérale

Ces nouveaux visages de l’extrême droite ne doivent pas nous désorienter puisque ce n’est pas sur le plan moral qu’il faut la combattre, mais bien sur le plan social. Dans son programme (daté de 2007), le FN est pour la retraite à 65 ans. Il est pour détruire l’école publique au profit des écoles privées généralement confessionnelles. Il n’est ni social ni laïque. Comme lui, M. Freysinger est un idiot utile du système car son parti, l’UDC, défend avec acharnement le secret bancaire en Suisse. Tout se tient.

Il n’y a donc que la gauche qui puisse être une réelle force de contestation de l’ordre libéral. En France, c’est essentiellement le Front de gauche qui porte cet étendard. Il met au centre de son action la question sociale. Il agit inlassablement pour une autre répartition des richesses. C’est la seule façon de lutter contre l’extrême droite. S’il fallait résumer, je dirais que la gauche doit convaincre que ce n’est pas l’étranger le problème de notre pays, mais bien la recherche permanente du profit par les banquiers. Si la gauche n’est pas sociale, elle est inaudible, particulièrement dans les milieux populaires. En même temps, cette gauche doit quotidiennement défendre l’idéal républicain, et faire vivre la laïcité qui n’est pas à géométrie variable et qui s’impose à tous. C’est la condition du « vivre ensemble ».

Face au Front national, une course de vitesse est engagée. Pour que la gauche l’emporte, c’est au Front de gauche d’en prendre la tête.

Par Alexis Corbière, Conseiller de Paris, Premier adjoint à la mairie DU 12e ARRONDISSEMENT, Secrétaire national du Parti de Gauche.


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