Quelques observations concernant les interventions d’O Besancenot lors du débat de mars 2011 avec JL Mélenchon

mercredi 18 mars 2015.
 

Réponse à l’article Débat Mélenchon Besancenot mené par Clémentine Autain (texte, revue de presse)

Première observation :

"Ce que tu proposes, c’est un processus par le haut. Moi, je milite pour un processus par le bas. Dire qu’on peut aller au gouvernement et qu’ensuite on va se battre pour l’implication populaire, on l’a entendu des années."

On retrouve ici une vision non dialectique des processus politiques : cette opposition mécaniste, entre une démarche verticale descendante (qui serait celle de Mélenchon) et une démarche verticale ascendante, ne correspond pas à la réalité de la démarche de Mélenchon et du front gauche.

Les responsables politiques proposent (et n’imposent pas) des orientations, des pistes de réflexion pour l’élaboration d’un programme politique partagé de gouvernement et aussi pour l’élaboration d’un projet de société alternative. Ceci ne relève-t-il pas du rôle des responsables d’un parti politique ? Ces orientations tiennent compte des revendications des différentes associations et syndicats, consignées dans les motions de congrès de ces organisations représentatives du mouvement social dans sa diversité.

Ensuite, ces orientations et propositions sont soumises, pour être modifiées, complétées , à la population et ce, de différentes manières : réunions publiques, Internet, publications diverses. Les différents collectifs locaux disposent ainsi d’outils qui leur permettent de solliciter leurs réflexions, de s’inscrire dans un cadre collectif non seulement local mais aussi national. Les collectifs locaux, ont toute liberté de remettre en cause les orientations proposées qui ne leur conviennent pas, voire même de les supprimer : on ne demande pas aux adhérents du front de gauche d’être des petits soldats ou petits séminaristes prenant pour argent comptant tout texte émanant des responsables politiques élus, non pas du Ciel, mais par eux ! Ces collectifs ont pour mission de faire remonter leurs propositions, leurs modifications. D’autre part, cette vision "échelliste" haut/bas établit un vide dans la société qui n’est pas sans rappeler une vision inquiétante : l’absence des intellectuels. Où place-t-on les intellectuels organiques dont parlait Antonio Gramsci ? En haut ? En bas ? Entre les deux ? Nulle part ? Certains en haut ? D’autres en bas ?

Or, les intellectuels ont toujours joué un rôle important en amont de tout changement politique important dans nos sociétés (dont les révolutions). Les responsables politiques et les adhérents "de base" ne peuvent pas ignorer les travaux de ces intellectuels qui proposent des orientations pour construire une société nouvelle. Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie des "experts" et de "ceux qui savent" mais tout simplement prendre en compte une simple réalité sociale et historique.

Penser que, spontanément, en "partant du bas", il serait possible, sans travail intellectuel collectif très important, de construire un nouveau système économique et social relève d’une grande naïveté (les marxistes appelaient autrefois cette attitude ouvriérisme petit-bourgeois ou spontanéisme) ou de la manipulation démagogique. En outre, la complexité de nos sociétés actuelles, les interdépendances multiformes au niveau international des économies nécessitent un investissement croissant en temps de réflexion tant individuelle que collective.

Deuxième observation :

"La gauche doit assurer un programme de rupture pas seulement dans les revendications, mais vis-à-vis d’un système. C’est cette absence de remise en question du système qui fait monter le Front national. D’où mon insistance sur la nécessité de partir du bas, du peuple."

Il est inexact d’affirmer que la gauche, plus exactement le parti de gauche, ne remet pas en cause le système, au-delà des revendications sociales. Pour affirmer cela, Olivier Besancenot n’a apparemment pas lu l’ouvrage de Jacques Généreux, cofondateur du PG : "Le socialisme néomoderne" qui, non seulement conteste en profondeur les bases du système capitaliste actuel et son fonctionnement, mais propose aussi un système totalement différent à partir d’une réflexion tenant compte des apports de Jaurès, Marx,... et des sciences humaines contemporaines. Mais il n’est pas étonnant que cet ouvrage puisse avoir été ignoré par le responsable du NPA du fait que ce livre n’a fait l’objet d’aucune promotion dans les médias, à part de rares exceptions. Même l’hebdomadaire Politis n’a pas jugé utile d’interviewer Jacques Généreux sur cet ouvrage d’un intérêt pourtant exceptionnel pour l’Autre gauche.

Pour en revenir à "l’échellisme",à la conception autoritaire verticale descendante, dont une version a été le stalinisme, correspond en négatif réactionnel la conception verticale ascendante de la génération spontanée des idées par les masses en mouvement. Ces deux conceptions anti-dialectiques et fondamentalement réactionnaires ont historiquement échoué et ont engendré des désastres politiques et sociaux.

Troisième observation :

"Dans le mouvement sur les retraites, la responsabilité du mouvement ouvrier était d’assurer un bras de fer politique avec Sarkozy et pas de serrer les fesses en attendant 2012. Le mouvement ouvrier n’a pas pris la responsabilité d’aller à la grève générale. A partir de ce processus là, on aurait pu imaginer tout une série d’éléments en termes de perspectives politiques... "

Olivier Besancenot ne semble pas avoir encore compris cette évidence : le mouvement ouvrier français, fort de son expérience historique (près de trois siècles de luttes sociales derrière lui), ne va pas se lancer dans une grève générale, voire insurrectionnelle, alors qu’il sait qu’il ne dispose d’aucun programme politique alternatif cohérent crédible et unitaire, porté par un front anticapitaliste unitaire, pouvant mettre en échec le système économique et politique actuel.

"On aurait pu imaginer tout une série d’éléments en termes de perspectives politiques... ". Oui, en effet, et c’est maintenant le moment : constituer un front de gauche élargi et mutualiser les forces militantes beaucoup trop faibles, prises séparément, pour inquiéter de quelque façon que ce soit, la grande bourgeoisie et ses serviteurs politiques.

Quatrième observation :

"Un programme anticapitaliste ne s’appliquera pas simplement et tranquillement après une bonne campagne électorale. Il y aura une confrontation. Le CAC 40 ne va pas se laisser faire."

Personne au front de gauche n’est assez naïf pour penser cela ! Et c’est justement pour cette raison que l’élaboration du programme partagé ne doit pas être seulement de l’initiative des responsables politiques mais être aussi de l’initiative d’une base populaire la plus large possible. Telle est la vraie position du front de gauche qui n’a jamais considéré que tout devait se décider en tête-à-tête entre responsables des différents partis. Mais évidemment cela l’empêche pas que ces responsables se rencontrent pour coordonner et dynamiser, comme expliqué ci-dessus, l’élaboration du programme partagé.

Son élaboration, sa diffusion, son explication, le contrôle de son application en cas de succès du front de gauche demandent une implication populaire large : depuis maintenant cinq ans, je nomme ce processus : intelligence collective populaire.

Hervé Debonrivage


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