http://fr.euronews.net/2011/05/25/c...
Source : http://www.colisee.org/article.php?...
37 BLESSÉS ET 2 MORTS jeudi 26 mai 2011, par Mirian Méloua
Une partie de l’opposition politique a manifesté dans la rue du samedi 21 mai au mercredi 25 mai 2011 afin de perturber la revue du défilé militaire prévu le jour de la fête nationale, le 26 mai. Elle réclamait le départ anticipé de Mikheil Saakachvili, dont le deuxième et dernier mandat se termine en 2013.
Le film des évènements
Samedi 21 mai
A l’appel de l’Assembléé populaire animée par Nino Bourjanadzé (1) plusieurs milliers de manifestants armés de cannes blanches de plastique (2) se rassemblent à Tbilissi en trois lieux différents et convergent vers la Place de la Liberté où la circulation automobile est bloquée.
Un appel à la communauté internationale est lu estimant que "le peuple géorgien est aujourd’hui privé de ses droits constitutionnels" et que "seule la démission du président actuel permettra la tenue d’élections libres et régulières" (3).
La manifestation se dirige ensuite vers le siège de la Télévision nationale, rue Kostava, à trois kilomètres. Plusieurs centaines y restent toute la nuit (4).
A la même heure, une manifestation rassemblant plusieurs centaines de personnes est tenue à Batoumi, la capitale de la région d’Adjarie. Elle rejoint le siège de la Télévision régionale : après des jets de pierres, une bousculade s’engage entre manifestants et force de l’ordre. Certains policiers portent des vêtements civils.
Dimanche 22 mai
La pression des manifestants augmente à l’extérieur du siège de la Télévision nationale. Des incidents émaillent la journée.
Dans la matinée, une voiture de police banalisée, de marque allemande, et transportant trois policiers, est attaquée à coup de cannes de plastique. Les glaces en sont brisées. Les occupants doivent leur salut à la fuite. Les forces de l’ordre font usage de balles de caoutchouc noires et sphériques, ainsi que de grenades lacrimogènes. Plusieurs personnes sont touchées. L’une d’entre elle est transportée à l’hôpital. Le ministère de l’Intérieur proteste contre cette attaque au cours de laquelle plusieurs policiers ont été blessés. Il annonce plusieurs arrestations.
Dans l’après-midi, des manifestants sont attaqués par un groupe d’hommes en civil. Des blessés sont relevés et conduits à l’hôpital. Les organisateurs protestent contre l’envoi de "provocateurs" afin de discréditer la manifestation.
Un autre parti politique d’opposition, le Parti géorgien fondé par Irakli Okrouachvili (5), décide de faire du 25 mai "la journée de la colère du peuple géorgien". Deux de ses leaders, Sozar Soubari, ancien ombudsman de l’ère Saakachvili, et Levan Gatchétchiladé, ancien candidat à la présidence de la République contre Mikheïl Saakachvili, appellent à manifester. Irakli Okrouachvili déclare à distance, à la télévision, qu’il sera en Géorgie le 25 "pour faire tomber le président actuel" et que "l’armée ne peut pas rester neutre : elle doit faire le choix de la Géorgie".
Les partis d’opposition ne participant pas aux manifestations, parlementaires comme les Chrétiens-démocrates ou extra-parlementaires comme Notre Géorgie-Démocratie libre (6), appellent "au respect de la légalité, à la libération des manifestants arrêtés et à la suspension de ce type de pratiques". Certains estiment que le maintien de la parade miltaire prévue le 26 mai afin de célébrer la retauration de l’indépendance de la Géorgie est un risque à ne pas prendre.
Lundi 23 mai
Les manifestants, outre leurs cannes de plastique, se couvrent parfois le visage afin d’échapper à l’agression des gaz. Ils s’équipent aussi de boucliers en bois afin de se protéger des charges de la police. Certains étudiants brandissent la pancarte "ara"(non). Des moins jeunes exibent "Micha tsava" (Micha partira). Les hommes constituent la majorité des manifestants. Des jeunes femmes participent activement.
Des campements nocturnes s’organisent. La proximité de la Télévision nationale est isolée par un barrage d’automobiles dressé par les manifestants. Parfois des cables sont tendus. La circulation y est impossible. Certains journalistes appartenant à la Télévision nationale, accusée de soutenir unilatéralement le pouvoir, sont pris à partie.
Les estimations varient selon les sources, plusieurs centaines de manifestants certainement, plusieurs milliers peut-être "aux heures de pointe".
Mardi 24 mai
Le noyau des manifestants permanents s’organise. Après les feux de bois pour se réchauffer la nuit, des vivres sont portés au petit matin. La presse écrite géorgienne est examinée avec soin.
Nino Bourdjanadzé déclare que "pour une question de dignité, les manifestants ne laisseront pas le président passer en revue tranquillement le défilé miltaire du 26 mai".
Le porte-parole du ministère de la Défense déclare que les préparatifs continuent et que le défilé aura lieu comme prévu.
La Mission d’observation de l’Union européenne basée à la limite du territoire sud ossète déclare dans la soirée que la police géorgienne multiplie les patrouilles volantes. Les médias géorgiens voient dans cette information la confirmation de rumeurs circulant à Tbilissi : la mise en place d’un dispositif veillant à prévenir toute tentative de retour en Géorgie d’Irakli Okrouachvili, natif de cette région frontalière avec la Russie.
Mercredi 25 mai
La manifestation pévue par le Parti géorgien devant la résidence présidentielle (place Avlabari), dans le cadre de "la journée de la colère du peuple géorgien", est annulée (7).
La marche organisée par l’Assemblée populaire s’engage en début d’après-midi avenue Kostava afin d’atteindre la Place de la Liberté, objectif affiché. Elle s’arrête pourtant devant le Parlement, à 300 mètres. Nino Bourdjanadzé, la chef de file du mouvement, profite d’une estrade dressée en prévision de la parade militaire du lendemain et harangue ses partisans au micro. Elle appelle les membres des autres partis politiques d’opposition à se joindre aux manifestants.
5 000 personnes selon l’agence de presse française AFP (3 000 personnes selon l’agence de presse américaine AP) se sont rassemblées. Des barrières sont montées sur l’avenue Roustavéli. La circulation automobile est interrompue. Des groupes munis de cannes blanches en plastique semblent s’affronter. Les organisteurs dénoncent l’infiltration de "provocateurs".
A l’intérieur du Parlement, les autorités font baisser des grilles derrière les portes afin d’empêcher toute intrusion. Le ministère de l’Intérieur diffuse sur la chaîne de télévision Imedi et sur son website une vidéo enregistrée clandestinement : des manifestants - masqués- recrutent des hommes capables d’employer des coktails Molotov.
Le maire de Tbilissi rappelle que la manifestation a été autorisée du 21 au 25 mai. Pour le 26 mai, il propose aux organisateurs de déplacer le lieu de la protestation vers l’un des parcs extérieurs à la capitale afin de permettre le déroulement de la parade miltaire prévue le lendemain. Ils refusent.
Peu avant minuit, (heure locale), la police anti-émeute prend position avenue Roustavéli à proximité des manifestants et les enjoint de se disperser avec des porte-voix, sans résultat. Les manifestants ne sont plus que 1 500 selon l’agence de presse AP (300 selon l’agence de presse AP). Les canons à eau, les gaz lacrimogènes et les balles en caoutchouc sont mis en oeuvre. Des affrontements violents se déclenchent. Des blessés sont évacués par les ambulances. Des dizaines de protestataires sont arrêtés.
Jeudi 26 mai
L’étau se resserre aux deux extrémités de l’avenue. A minuit et demi la police anti-émeute a dégagé les abords du Parlement. Les groupes de manifestants se sont dispersé avec difficulté dans les rues adjacentes.
Peu après, le ministère de l’Intérieur déclare que 19 policiers ont été hospitalisés et 1 policier tué par un convoi de voiture qui quittait le lieu de la manifestation à grande vitesse, comme l’atteste une vidéo amateur. Ce convoi aurait eu pour mission d’èvacuer les organisateurs de la manifestation -dont Nino Bourdjanadzé- selon certaines rumeurs. Plus tard le bilan sera porté à 2 morts, 37 blessés et 90 arrestations. Par ailleurs de multiples agressions contre les journalistes, avec confiscation de caméras et d’appareils photos, sont relevées (8).
A 2 heures du matin, Nino Bourdjanadzé, jointe par téléphone par la chaîne de télévision privée Maestro, accuse Mikheïl Saakachvili de "crime contre l’humanité" pour avoir fait bloquer les manifestants sans autre issue que l’affrontement physique. Elle rappelle que les forces spéciales soviétiques -lors des tragiques évènements du 9 avril 1989- avaient bloqué les manifestants à une seule extrémité de l’avenue Roustavéli, laissant une issue de dispersion à l’autre extrémité. Elle affirme enfin que le combat ne fait que commencer.
Le 26 mai au matin, l’Association des jeunes avocats géorgiens, Transparency International Georgia et Human Rights Watch déclarent que l’intervention de la police a été "excessive" et "disproportionnée". L’ombudsman (Georgian Public Defender) publie également un communiqué en ce sens. Le représentant de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe exprime ses réserves sur l’action de la police anti-émeute.
En milieu de journée, le ministère de l’Intérieur déclare que deux personnes supplémentaires ont été arrêtées . Elles auraient conduit 2 des 6 voitures du convoi d’évacuation des organisateurs de la manifestattion à l’origine de la mort d’un policier et d’un manifestant (9).
Notes
(1) Nino Bourdjanadze est une ancienne présidente de Parlement de l’ère Chévardnadzé et de l’ère Saakachvili. Elle fut également présidente de la République par intérim à deux reprises, et l’un des trois leaders de la Révolution des Roses fin 2003 avec Mikheil Saakachvili et Zourab Jvania (décédé dans des circonstances controversées par sa famille). Durant ces derniers mois, elle a pris des contacts politiques avec la Russie et s’est déplacée à Moscou plusieurs fois.
(2) 6 000 personnes ont manifesté le 21 mai, avec une tendance régulière à la baisse jusqu’au 24 mai. L’afflux attendu le 25 a été surestimé, tout au plus 5 000 personnes ont participé.
(3) 500 manifestants étaient mobilisés la nuit du 21 au 22 mai, avec une tendance à la baisse les nuits suivantes.
(4) Se joignent à l’Assemblée populaire, Nona Gaprindachvili (championne du monde d’échecs de 1962 à 1978, Temur Chachiachvili (gouverneur de la région d’Iméréthie durant l’ère Chévardnadzé), Guia Bourjanadzé (acteur), Rézo Esadzé, (cinéaste), Guiorgui Gatchétchiladzé (chanteur).
(5) Irakli Okrouachvili est un ancien ministre de la Défense de l’ère Saakachvili. Démissionné, accusé de corruption et condamné par contumace à 11 années de prison, il a obtenu l’asile politique en France.
(6) Irakli Alassania, ancien représentant de la Géorgie aux Nations Unies de l’ère Saakachvili, est vu par certains observateurs comme un candidat crédible aux prochaines élections présidentielles de 2013.
(7) Un différent public sur la tactique de manifestation éclate entre Nino Bourjanadzé et Irakli Okrouachvili. Ils s’étaient déjà plusieurs fois opposés lorsqu’elle assurait la présidence du Parlement et qu’il dirigeait le ministère de la Défense.
(8) Reporters Sans Frontières fait état d’une série d’incidents concernant des journalistes
Un mouvement de protestation quasi permanent s’installe dans le pays, tandis que des révoltes analogues à celles des printemps arabes émergent dans d’autres pays du Caucase.
La Géorgie fait de nouveau parler d’elle. Depuis samedi, plusieurs milliers de manifestants sont réunis dans la capitale Tbilissi et à Batoumi, ville au bord de la mer Noire, pour réclamer le départ du président Mikhaïl Saakachvili. En envoyant la police lundi, le pouvoir pourrait avoir commis une erreur stratégique. Il pourrait n’avoir fait que renforcer la crédibilité de ce mouvement pro démocratique qui accuse le régime « d’autoritarisme ».
Point commun avec l’Espagne : la force du mécontentement social. Mais à la différence de ce qui se passe dans ce pays, ces rassemblements ne sont pas spontanés. Ils ont lieu à l’appel d’un des partis de l’opposition, l’Assemblée populaire, emmené par l’ancienne présidente du Parlement géorgien et figure de proue de la révolution des roses [qui a porté Saakachvili au pouvoir en 2004], Nino Bourdjanadze. Après les actions de 2009, 2007 et 2003, cette contestation, sous le nom ambitieux « le début de la révolution en Géorgie » dénonce la politique économique libérale du gouvernement et sa corruption. « Il y a deux ans, la contestation avait duré plus de cent jours, sans faire plier le pouvoir, ni obtenir de quelconques réformes sociales et économiques dont le peuple a besoin », explique un opposant, joint par téléphone.
Pour Irakli Batiachvili, porte-parole de la direction de l’Assemblée populaire et ancien directeur du service de renseignement géorgien « Saakachvili viole toutes les normes constitutionnelles, il a perdu 20% du territoire national [guerre russo-géorgienne de 2008], créé une façade démocratique et rendu impossibles des élections honnêtes. » Depuis l’arrivée au pouvoir de Saakachvili, dont le dernier mandat s’achève en 2013, les inégalités se sont creusées : 40% de la population est sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage est de 30%. La Confédération internationale des syndicats vient de faire entrer la Géorgie dans la liste noire des pays violant le droit des travailleurs « alors que le pays a signé la convention de l’Organisation internationale du travail », précise-t-elle.
Cette défiance vis-à-vis du pouvoir est aussi présente dans d’autres pays caucasiens. En Arménie, et en Azerbaïdjan, des grandes manifestations se répètent depuis mars à l’instar des révolutions arabes. Jusqu’à présent, les pouvoirs en place ont réussi à briser le soulèvement populaire arrêtant les dirigeants de l’opposition, les militants et les organisateurs. Mais des appels à manifester circulent toujours pour la fin du mois car le ras-le-bol à l’encontre des autorités demeure. Un récent sondage de l’institut américain Gallup, note que seuls 10 % des Géorgiens, Arméniens et Azerbaïdjanais sont « contents de leur existence »…
Vadim Kamenka
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