Berlusconi au tapis lors des élections municipales : quelques leçons intéressantes (3 articles)

jeudi 26 août 2021.
 

Désastre électoral de la gauche italienne. Une leçon pour toute l’Europe (4 articles 15 avril 2008)

Berlusconi, un exemple d’utilisation politique des médias

Italie : Où va la gauche ? (3 articles)

Silvio Berlusconi a joué à fond la carte médiatique essentielle du libéralisme politique à savoir la désignation de boucs émissaires, s’en prenant sans cesse à "l’islamisme" et prédisant que Milan deviendrait "Tziganopolis" si la gauche y prenait la mairie. Ce baratin n’a pas suffi à rameuter une majorité de l’électorat derrière ses candidats ; c’est toujours cela de pris.

Pour les 105 villes concernées par ces consultations électorales, la droite berlusconienne tombe de 45 à 27 mairies. En fait, il perd dans les grandes villes symboliques de Milan, Naples, Cagliari, Trieste, Novare... Lors des régionales de 2010, l’électorat quittant Peuple de la Liberté (parti de Berlusconi) s’était reporté fréquemment sur la Ligue du Nord (alliée autonome de Berlusconi). Cette année, cet électorat a franchi le pas de voter à gauche.

Les deux plus grandes villes concernées par ces votes présentent un grand intérêt :

- A Naples, le Parti Démocrate avait préféré constituer une alliance de "centre gauche" pour gagner des voix sur la droite et le "centre" ; il n’a recueilli que 19,15% des voix au premier tour. Pour le second tour, il a refusé de faire liste commune avec la liste positionnée plus à gauche comprenant la Fédération de la gauche et des écologistes de gauche. La large victoire au second tour (65,37%) de cette liste "plus à gauche" menée par Luigi de Magistris sonne comme une leçon pour ces élus sociaux-libéraux qui prétendent gagner les élections en s’ouvrant toujours plus vers la droite.

- A Milan, une primaire avait opposé la liste du Parti Démocrate à celle soutenue par la gauche radicale. Cette dernière, menée par l’ancien député de Refondation communiste Giuliano Pisapia, l’avait emporté. Les caciques du PD avait vomi que ce succès parmi les militants ne se retrouverait "malheureusement" pas dans les urnes ; comme à Naples, ils se sont trompés. La liste de Pisapia prend ici aussi la mairie à la droite (en place depuis 1993) avec 55,1% des suffrages.

Ces résultats doivent être confrontés à la dernière trouvaille des prétendus experts du Parti socialiste français qui prétendent que pour gagner en 2012, la gauche doit abandonner la défense de l’électorat ouvrier et populaire, abandonner les grandes revendications du mouvement ouvrier socialiste.

Ceci dit, je ne voudrais pas donner au lecteur l’impression que je crois en une lame de fond vers la gauche en Italie. Il est hautement probable que cet élan s’échoue peu à peu vu la nature des élus du Parti démocrate qui n’impulseront pas une dynamique de satisfaction des besoins sociaux, écologiques et démocratiques.

Je ne voudrais pas non plus donner au lecteur l’impression que je défends l’option "la seule solution c’est de voter le plus à gauche possible". Les listes de Milan et Naples présentent un aspect local évident avec des têtes de liste localement porteuses. C’est là que le problème se complique car l’avenir de la gauche italienne ne peut passer pour l’essentiel par ce localisme. Il serait nécessaire de construire une force politique italienne de gauche anticapitaliste crédible nationalement (même sous forme de front). Il serait nécessaire mais peu d’éléments rendent optimistes aujourd’hui.

Les deux articles ci-dessous complètent parfaitement ce qui me paraît pouvoir être écrit sur ces élections.

Jacques Serieys

2) Elections municipales 2011 en Italie : chronique d’une débâcle

martedì 31 maggio 2011 di Olivier Doubre

Revers cinglant pour la droite italienne aux élections municipales et régionales des 29 et 30 mai 2011. Toutes les villes du Nord tournent le dos au “cavaliere”. La victoire la plus importante pour l’opposition est celle de la ville de Milan, le fief de Silvio Berlusconi. Voici revenir les “rouges” et s’affirmer de nouveaux personnages politiques de gauche comme Giuliano Pisapia, maire de Milan, et Luigi De Magistris, à Naples. Pour Berlusconi est-ce le début de la fin ?

Dimanche dernier, au matin du vote, le quotidien de la gauche critique italienne, Il Manifesto, faisait ce titre génial : « Forza Italia ! » (« Allez l’Italie ! ») Avec le sous-titre : « tous aux urnes ! ». Le lendemain, devant les résultats, il exhulte ! La gauche de gauche, la vraie, tout ce qui compte à la gauche du pâle Parti démocrate vient de remporter avec 59,4 % des voix Cagliari (capitale de la Sardaigne), et surtout Milan et Naples.

Luigi De Magistris, nouveau maire de Naples Dans la capitale du Mezzogiorno, rongée par les ordures et le crime organisé, la précarité et le chômage, le candidat de la gauche, Luigi De Magistris, juge anti-corruption, emmenant une liste très fortement marquée à gauche, bat à plats de couture le candidat berlusconien, sur lequel repose de fortes présomptions de liens étroits avec la camorra, la mafia locale. Avec plus de 65% des voix, la gauche l’emporte si fortement que l’on peut prévoir que Naples sera pour les cinq ans à venir une des municipalités parmi les plus « rouge » d’Europe. La liste du futur maire rassemble en effet militants associatifs précaires, militants radicaux des centres sociaux (mouvement des squatts), les mouvements anti-mafia, nombre d’écologistes, sachant que dans le sud, vouloir sauvegarder l’environnement est synonyme de lutte contre le crime organisé. Comme à Cagliari, frappée des mêmes maux, c’est donc d’un vote contre la corruption et pour un « bon gouvernement » dans cette ville symbole de ce sud mal administré, délaissé par l’Etat, et longtemps réserve de voix pour la droite mais qui penche désormais de plus en plus à gauche. Le challenge sera toutefois grand pour les militants élus, sans expérience bien souvent, même si le vrai raz-de-marée à gauche leur donne une écrasante majorité pour gouverner la cité.

Giuliano Pisapia, nouveau maire de Milan Autre victoire nette, avec des scores extrêmement élevés également, celle de la gauche à Milan. Là encore, la vraie. Et dans la propre ville du Cavaliere, symbole du berlusconisme (non plus) triomphant. Avec un candidat honni par la droite, Giuliano Pisapia, ancien avocat défendant les militants durant les années de plomb, jadis apparenté à Rifondazione, et une liste réunissant là encore beaucoup des forces militantes de la cité.

C’est là un véritable séisme pour Silvio Berlusconi, personnellement très engagé dans une campagne où les slogans racistes ont pullulé, qui ne manquera pas d’avoir des répercussions au niveau national, sa majorité apparaissant de plus en plus fragile. Le président du Conseil avait en effet lui-même déclaré l’élection à Milan un « test national ». Le vote des Milanais lui est donc très directement adressé. Tout comme celui d’une bonne majorité des six millions d’électeurs (1/6 du corps électoral national) appelés à remplacer l’administration de leurs villes et de certaines provinces.

Le système-Berlusconi semble donc touché au cœur. La suite dira s’il parviendra à se maintenir en place.

Olivier Doubre

Source :

http://www.altritaliani.net/spip.ph...

3) « A Milan, une tendance nationale » (Anita Sonego, refondation communiste)

Anita Sonego, de Refondation communiste, qui vient d’être élue sur la liste conduite par Giuliano Pisapia à Milan, analyse ce succès pour la gauche.

Enseignante, militante féministe et fondatrice de la Libre université des femmes, Anita Sonego, 66 ans, de Refondation communiste, a été élue sur la liste de la Fédération de la gauche pour le conseil municipal de Milan. Pour la première fois depuis 1992 et l’entrée en politique en 1994 du Milanais Silvio Berlusconi, la capitale dite morale du nord de la Péninsule a un maire de gauche, Giuliano Pisapia, avocat, indépendant, ancien député du PRC, soutenu par une coalition autour du Parti démocrate (28,6 %) et avec Sinistra ecologia e libertà (Gauche écologie et liberté, 4,7%), la Fédération de la gauche (3,1%) et d’autres forces.

Qu’est-ce qui a changé à Milan  ?

Anita Sonego. Beaucoup de choses dans la psychologie de la gauche, de la société démocratique. La nouvelle génération apprend que le pouvoir économique ne gagne pas toujours, que l’histoire n’est pas immobile, que l’on peut gagner par l’éthique, par le désir d’établir des relations différentes entre les personnes. Cette explosion de participation me rappelle 1968. Bien que je sois militante de Refondation communiste, je reconnais que cette mobilisation n’est pas le fruit d’une délégation aux partis, elle est plutôt le résultat dans l’action de mouvements, de comités, de groupes. Notre liste de la Fédération de la gauche était donnée à 1 %, effacée par les médias, mais nous sommes là car nous sommes dans les mouvements pour le logement, pour l’éducation nationale, pour les droits civils. Je crois, avec Marx et Rosa Luxemburg, que la révolution est avant tout sociale.

Comment cela va se traduire 
dans le gouvernement d’une métropole comme Milan  ?

Anita Sonego. Il faut garder ces comités et ces groupes spontanés, formés dans les derniers mois. Le programme de Pisapia n’a pas été écrit par Pisapia, ni par des experts, mais par des groupes de travail qui se sont constitués spontanément, avec plus de mille personnes. Il faut garder ces liens entre l’institution et la société et rétablir le rôle des conseils de quartier (arrondissements), supprimés par l’administration précédente.

Cette défaite dans sa ville de Milan marque-t-elle la fin de l’époque Berlusconi  ?

Anita Sonego. Il n’y a pas que Milan, c’est une tendance nationale. À Milan, après le premier tour, on était presque sûrs de la victoire, ce qui n’était pas le cas de Naples ou Cagliari. Mais il ne s’agit pas d’un miracle, c’est plutôt quelque chose qui se préparait depuis longtemps. En octobre dernier il y a eu la grande manifestation de la Fiom qui dépassait le cadre des revendications des métallos, ensuite le mouvement des étudiants, le 13 février plusieurs millions de femmes ont envahi les rues. Et puis le 6 mai il y a eu une nouvelle manifestation de la Fiom. La crise, le chômage, les jeunes qui sont obligés de chercher du boulot à l’étranger  : tout cela a alimenté le ras-le-bol général.

Un candidat de gauche comme Pisapia a pu s’imposer car il avait remporté les élections primaires contre le candidat du Parti démocrate (PD), principal parti du centre gauche. Est-ce qu’il s’agit aussi d’un succès pour ce système de sélection des candidatures ?

Anita Sonego. Je ne suis pas une fan des primaires qui me paraissent l’importation d’un système à l’américaine, je n’aime pas trop cette personnalisation de la politique, mais elles révèlent parfois leur utilité à l’égard des résistances des appareils de parti. À Milan, une personnalité telle que Pisapia a pu émerger. À Turin, le même système a porté à l’élection de Piero Fassino, ancien secrétaire général des DS (Démocrates de gauche, aujourd’hui PD). Moi, je crois plutôt à la politique avec les masses, à la politique sociale.

Entretien réalisé par 
Alessandro Mantovani publié dans L’Humanité du 1er juin 2011


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