USA : "Banqueroute fiscale et faillite idéologique "

mercredi 17 août 2011.
 

« La crise budgétaire américaine semble grave. 
Dix ans de guerre, le sauvetage à pelletées d’or 
des banques spéculatrices, et surtout le cumul depuis trente ans de cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux plus riches ont laissé en désordre les finances publiques. L’impasse sur le plafond de la dette vient d’amener le pays au bord de la banqueroute  ; même résolue, elle fera peser la menace d’une dégradation 
du crédit américain. Cette crise en masque pourtant 
une autre, celle d’une réponse mal gérée à la crise financière de 2008. Bien que les entreprises affichent des gains record, et que la Bourse ait plus que rebondi, le bilan du peuple reste inchangé  : chômage massif, précarité de plus en plus répandue, services publics 
sous le couperet, austérité et sacrifice en mots d’ordre.

Lente agonie du peuple américain

Cette autre crise, la lente agonie du peuple américain, rend d’autant plus scandaleuse la faillite morale 
et idéologique des leaders des deux camps. Chez 
les républicains  : outre le sempiternel désir d’éviscérer 
les programmes sociaux et de mettre les grandes fortunes à l’abri du fisc, volonté de bloquer toute issue d’une crise que Barack Obama aura à endosser lors des prochaines élections. Chez les démocrates  : fausse sagesse 
d’un discours conciliateur, vantant tous les compromis pour montrer que ce parti n’est pas l’appareil stalinien dénoncé par les commentateurs d’extrême droite.

Qu’en est-il alors de la gauche, la vraie gauche, celle 
des syndicats, des chômeurs, des précaires et des laissés-pour-compte  ? L’on peut citer des exemples d’opposition organisée, notamment le Rassemblement législatif progressiste (Congressional Progressive Caucus, CPC), regroupant nombre de sénateurs et de députés, 
et son Budget populaire (People’s Budget), un projet 
de réforme fiscale où priment la réduction du chômage 
et la protection des acquis sociaux. En outre, 
Richard Trumka, président du plus grand rassemblement syndical du pays, vient de proclamer que le soutien des syndicats aux candidats démocrates, longtemps considéré comme acquis, dépendra désormais 
de leurs engagements politiques.

Electorat de gauche indigné

Derrière ses remarques se profile le trou noir 
de la politique américaine  : la présidentielle de 2012. Obama se rapproche de la droite pour attirer les indécis, aux dépens d’un électorat de gauche de plus en plus indigné et dont l’abstention dégoûtée en 2010 
a permis aux républicains de reprendre la Chambre 
des représentants. Pour empêcher une deuxième victoire de l’extrême droite, la vraie gauche s’apprête à avaler 
une potion bien amère  : se réunir et se battre pour Obama, devenu au terme d’une farouche opposition républicaine le candidat des élans dissipés, 
des allégeances reniées et des promesses non tenues. 
Le suivre  ? Il n’en est plus question. Si les forces de gauche se regroupent derrière lui, ce sera pour l’empêcher de reculer, ou même, soyons réalistes, demandons l’impossible, pour le pousser dans la bonne voie. »

par Scott Hiley, professeur à la Northwestern University 
de Chicago

Tribune dans L’Humanité


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