7 NOVEMBRE 1917 : LA REVOLUTION RUSSE (J. Cannon)

mardi 1er novembre 2011.
 

La transformation du Socialisme de conception utopique en doctrine scientifique fut accomplie par la publication du Manifeste Communiste en 1848 – il y a 97 ans –. La transformation du Socialisme de science en action fut accomplie 69 ans plus tard par la Révolution bolchevique russe du 7 novembre 1917.

(...)Le Socialisme ne peut pas être instauré dans un seul pays. Son instauration exige une action et une coopération internationales. Une révolution ouvrière débutant sur le terrain national, ne peut être achevée sans être étendue aux autres pays. La révolution russe fut le commencement de la révolution internationale. C’est seulement en la considérant sous cet angle, qu’on peut la juger correctement. Chaque année, depuis 28 ans, nous avons eu à répondre à des gens impatients et désillusionnés qui demandaient davantage de la Révolution russe qu’elle ne pouvait donner, et lui retiraient leur approbation, qui annonçaient prématurément la fin et la mort de la révolution, qui voulaient clore cette histoire et s’en débarrasser comme on se débarrasse d’une dette criarde. Mais les bolcheviks russes ne nous promirent pas de tenir mille ans. Ils dirent seulement : « Nous commencerons la révolution internationale en Russie, mais vous, les travailleurs d’Europe et d’Amérique, devrez la finir. »

La révolution russe ne fut nationale que dans la forme, dans son essence, elle fut le commencement d’une action internationale. A son sujet, c’est avant tout ce que nous devons comprendre.

Les chefs de la Grande Révolution russe furent internationalistes jusqu’au bout, incapables de penser en termes nationaux étroits. La théorie directrice de la révolution russe ne vient pas de Russie mais d’un juif allemand, Karl Marx, qui, exilé, vécut en Angleterre. La victoire de la révolution fut rendue possible par les contradictions internationales du capitalisme pendant la première guerre mondiale. Elle survécut pendant la période d’après-guerre grâce à la solidarité et au soutien internationaux des travailleurs des pays capitalistes, surtout ceux d’Europe. Les travailleurs d’Europe ne furent pas assez forts pour faire leur propre révolution dans les années d’après-guerre, mais ils furent assez forts pour empêcher une intervention militaire de leurs propres gouvernements, sur une grande échelle, contre la Russie.

Lénine et Trotsky lièrent directement le destin de leur révolution à la révolution en Allemagne. Ils dirent « Nous vivrons dans une forteresse assiégée jusqu’à ce que la révolution européenne vienne à notre aide. » Aucun des chefs de la révolution russe ne crut qu’elle pourrait durer très longtemps si elle demeurait seule et isolée dans un monde capitaliste.

La force de la révolution

Mais les bolcheviks russes construisirent mieux qu’ils ne le pensaient. La révolution s’avéra plus forte qu’eux-mêmes, ou n’importe qui d’autre, rêvaient qu’elle put être. La révolution russe n’a pas pu aller jusqu’au bout à l’intérieur des frontières nationales d’un seul pays, mais en dépit de cela, en dépit du retard prolongé de la révolution européenne, vers laquelle ils avaient regardé avec tant d’espoir, la révolution en Russie ne mourut pas. Elle survécut et enfonça de profondes racines dans le sol. Les bases de la propriété instaurées par la révolution – la nationalisation de l’industrie et l’économie planifiée – s’avérèrent beaucoup plus fortes que toutes les prévisions, même les plus optimistes.

Mais la révolution isolée, encerclée par un monde capitaliste hostile, ne put échapper aux ravages d’une terrible réaction qui s’établit sur le sol russe. Cette réaction conduisit à l’abandon de la perspective internationale et à une dégénérescence nationaliste sur toute la ligne. Le régime de la démocratie ouvrière, basé sur les Soviets, fut remplacé par une brutale tyrannie totalitaire. La révolution fut décapitée et une génération entière de bolcheviks fut massacrée. Le pouvoir politique des travailleurs fut renversé, mais les conquêtes économiques de la révolution déployèrent une grande vitalité. Grâce à cela, la révolution survécut à vingt années de dégénérescence bureaucratique et de trahison, et révéla une puissance énorme sur le champ de bataille dans la guerre contre l’Allemagne nazie, ainsi que Trotsky l’avait prédit.

Seul Trotsky analysa et expliqua ce phénomène, jusqu’alors inconnu et imprévu, unique dans l’histoire, d’un Etat ouvrier isolé eu au milieu d’un encerclement capitaliste, mutilé et trahi par une bureaucratie usurpatrice, mais survivant néanmoins, bien que sous une forme horriblement dégénérée.

Trotsky – et nous avec lui – eut beaucoup plus confiance que les autres dans les forces de réserve que le système soviétique d’économie déploierait dans la guerre. Nous le sous-estimâmes pourtant beaucoup. Nous sous-estimâmes même les ressources formidables de forces qui résidaient dans l’œuvre de base de la révolution des ouvriers de 1917 quand ils balayèrent la propriété privée capitaliste et réorganisèrent la production sur une base nationalisée et planifiée. L’effrayante dégénérescence bureaucratique se poursuivit à une allure accélérée pendant la guerre. Jusqu’où elle est allée et jusqu’où elle ira encore, avant que l’essor ne recommence, nous ne le savons pas. Mais nous sommes fermement convaincus que le destin de la révolution de 1917 n’est pas encore décidé. Il sera décidé dans la phase nouvelle de la guerre qu’ils appellent « la paix ».

Une leçon de l’histoire

Les révolutions sociales dans l’histoire, qui représentèrent les plus grands, les plus gigantesques efforts et dépenses d’énergie créatrice des masses, concentrée sur un seul point, ont toujours été suivies d’une période de réaction. Nous avons vu cela pendant les vingt et quelques dernières années en Union Soviétique. Mais les réactions contre les grandes révolutions de base n’ont jamais balayé leurs effets de manière à en revenir au point de départ. Considérant ce fait historique fondamental, il faut être très prudent et très circonspect avant d’effacer n’importe quelle partie de l’œuvre de la révolution russe, avant qu’il soit temps de le faire.

La grande révolution française, révolution qui détruisit la féodalité et posa les bases d’une expansion et d’un développement formidables des forces productrices de l’humanité sur une base capitaliste, cette grande révolution eut son Thermidor : la dictature napoléonienne ; elle vit même la restauration de la dynastie des Bourbons. Mais la réaction ne fut jamais assez forte pour restaurer le système féodal de propriété qui avait été balayé par la révolution.

(...)Le marxisme affirme que le système capitaliste de production est délabré et condamné. Le marxisme affirme que la révolution prolétarienne doit balayer et balaiera l’ordre capitaliste et réorganisera l’économie mondiale sur une base socialiste. C’est ce que Marx et Engels proclamèrent dans le Manifeste Communiste de 1848. Mais ni Marx, ni Engels, ni les disciples qui leur succédèrent ne promirent jamais une voie libre et facile vers le socialisme, sans défaites, sans revers, et même sans catastrophes le long du chemin.(...)

La destinée de la révolution

(...) La destinée de la révolution russe n’est pas encore décidée. Une grand part a été trahie, mais quelque chose demeure cependant. Le destin final de la révolution russe est lié à l’issue essentielle de cette période historique et sera décidé avec elle – ou la chute du genre humain ou son émancipation socialiste – telle est l’issue en présence de laquelle se trouve l’humanité aujourd’hui.

La révolution russe n’apparaît que comme une partie, et même pas la plus grande, d’un gigantesque conflit mondial entre des forces qui ne peuvent pas être conciliées. La révolution russe de novembre 1917 a montré aux travailleurs du monde entier la voie vers le pouvoir, vers le renversement du système de propriété capitaliste, vers la réorganisation de l’économie sur une base rationnelle. Il n’y a pas d’autre voie pour sauver le genre humain à l’échelle internationale que la voie de la Russie. Partant de ce point de vue, nous saluons ce soir la Grande Révolution, comme l’initiatrice et l’inspiratrice des plus grandes choses à venir. C’est en cela que réside son importance.

Si nous envisageons la révolution russe d’un point de vue exact, nous devons la voir telle qu’elle fut réellement : une action internationale de la classe laborieuse, débutant dans un pays arriéré, le pays le plus arriéré parmi les grandes puissances, la Russie tsariste, et destinée à être achevée dans le pays le plus avancé et le plus puissant : les États-Unis d’Amérique. Ce qui a été commencé dans le domaine des Tsars sera terminé dans le domaine des monopoleurs américains. Et sans considérer les victoires ou les défaites dans un pays ou dans un autre, ou même sur un continent ou sur un autre, l’issue centrale de notre époque – capitalisme ou socialisme – ne sera pas décidée en fin de compte avant qu’elle le soit aux États-Unis d’Amérique.

Nous nous préparons

(...) C’est ici, aux États-Unis, que se trouve la plus grande puissance impérialiste, un monstre exploitant et opprimant le monde entier. C’est vrai, et nous en tenons pleinement compte. Mais ici aussi il y a une puissance encore plus grande – c’est la classe ouvrière américaine combative et invaincue. Une grande responsabilité historique repose à coup sûr sur nos épaules. Les deux plus grandes puissances du monde -la puissance du mal et de la destruction et la puissance de régénération et de salut du genre humain – sont ici toutes deux.

Il n’y a pour nous qu’une seule voie pour faire notre devoir : c’est de prévoir la révolution et de la préparer. Et la manière de s’y préparer, c’est d’aller vers les travailleurs américains avec le message du parti. Allez à cette source de puissance qui est plus grande même que la puissance de l’impérialisme américain et enseignez aux travailleurs la leçon de la révolution russe. Organisez-les et inspirez-les. Conduisez-les vers la victoire du socialisme en Amérique, qui assurera la victoire du socialisme dans le monde entier.


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