1936 : la guerre d’Espagne et le scandale de la non-intervention

mercredi 25 avril 2012.
 

Gilbert Grellet est un passionné qui nous livre un ouvrage passionnant sur la guerre d’Espagne, plus précisément sur les premiers mois de ce conflit qui éclate en juillet 1936 à la suite d’un coup d’État militaire raté contre la jeune république espagnole et son gouvernement de « Frente Popular ».

Son propos est de restituer les journées les plus épouvantables de cette guerre civile et de les confronter aux hésitations de Léon Blum et de son gouvernement de Front populaire, d’abord tenté de venir en aide au gouvernement légal espagnol pour finalement se cantonner dans une politique hypocrite de non-intervention ou de non-immixtion telle que l’appelait Léon Blum.

Cette politique, appliquée par les seules démocraties occidentales (France, Angleterre et Etats-Unis d’Amérique) alors qu’Hitler, Mussolini et plus tard Staline ne se sont pas privés d’intervenir, a précipité la défaite du camp républicain.

Celle-ci a été, selon l’auteur, le prélude aux accords de Munich puis à l’agression perpétrée par Hitler en 1939. D’où le qualificatif d’« impardonnable » de cette politique française et anglo-saxonne, approuvé par Manuel Valls dans sa préface.

Un choix plus malaisé qu’il y paraît

Gilbert Grellet a fait toute sa carrière à l’AFP où il a occupé des postes éminents dont la direction du bureau de Madrid pendant cinq ans. Il connaît donc bien l’Espagne et son métier de journaliste. Sa description des horreurs de cette guerre est saisissante : le fer de lance de l’armée nationaliste aura été la Légion étrangère espagnole et les troupes marocaines. Fanatisées par leurs chefs, elles transposeront en Europe les méthodes expéditives appliquées durant la guerre du Rif. La légion Condor allemande et l’aviation italienne expérimenteront quant à elles les bombardements sur les populations civiles.

L’auteur semble plus indulgent pour les exactions commises par le camp républicain, notamment à l’encontre du clergé mais pas seulement. Il a néanmoins l’honnêteté de les mentionner malgré ses sympathies pour le camp républicain.

Autre aspect intéressant de son essai : la lutte pour le pouvoir au sein du camp nationaliste. L’auteur raconte comment Franco, rallié tardivement à la rébellion, plutôt méprisé par ses pairs, finira rapidement par s’imposer grâce à son habileté manœuvrière.

On aura compris que l’auteur ne nourrit aucune sympathie pour le camp nationaliste, ce qui peut-être l’amène à sous-estimer les raisons qui ont conduit les gouvernements français et anglais à adopter profil bas dans ce conflit. « Il faut aider nos amis à Madrid » aurait d’abord dit Léon Blum avant de faire marche arrière sous la pression du ministère des affaires étrangères, soucieux de ménager les Anglais, et d’une partie de sa majorité, notamment le parti radical.

Gilbert Grellet n’a pas de mots assez durs pour Alexis Léger, le secrétaire général du Quai d’Orsay, plus connu comme poète sous le pseudonyme de Saint-John Perse. C’est lui qui relaiera les inquiétudes des Anglais et sera à l’origine du pacte de non intervention que seules la France et l’Angleterre respecteront.

Les conservateurs britanniques, au premier rang desquels Churchill, penchaient en faveur des militaires, redoutant que les communistes ne prennent le pouvoir en Espagne. Ils menaçaient la France de rompre leur alliance si celle-ci intervenait.

Ne voulant pas se couper de son allié anglais et confronté à une forte opposition sur le plan intérieur, Léon Blum n’avait guère le choix. Il craignait en outre une confrontation directe avec l’Allemagne alors que la France commençait tout juste son effort de réarmement.

Dire que la crainte des communistes était un fantasme ou sous-entendre que la Seconde Guerre mondiale aurait pu être évitée si la France avait secouru le Frente Popular semble excessif.

Et force est de constater que le régime franquiste s’est mieux comporté à l’égard de la France et de la Grande-Bretagne en 1939 que les Italiens et les Soviétiques. Impardonnable, l’attitude de Léon Blum ? Il aura fait sien, certes pas de gaîté de cœur, l’adage du général de Gaulle (emprunté aux Anglais) selon lequel une nation n’a pas d’amis, seulement des intérêts.

David Victoroff


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