L’État-nation reste l’élément de base de toute démocratie

vendredi 1er février 2013.
 

Il est temps, grand temps que nous revendiquions de nouveau le drapeau rouge et le drapeau tricolore pour l’alliance desquels tant de communistes ont donné leur vie.

Comment s’articulent aujourd’hui les concepts de nation, d’État-nation, d’Europe dans la mondialisation capitaliste  ? Comment s’exprime la souveraineté populaire après 2005  ? Quelle articulation aux plans européen et international entre souveraineté populaire et souveraineté nationale  ?

Un État souverain est délimité par des frontières territoriales établies, à l’intérieur desquelles ses lois s’appliquent à une population, et est constitué d’institutions par lesquelles il exerce une autorité et un pouvoir effectifs. Cette définition de l’État, et des attributs de la souveraineté, populaire et d’État associé, est aujourd’hui mise à mal par l’organisation du capital mondialisé. Les entreprises transnationales (adjectif significatif  !) agissent à partir d’un territoire, éventuellement virtuel, localement sur chaque territoire, de façon globale. De grands marchés échappent au contrôle des États, pendant que l’émergence de problèmes planétaires maîtrisables seulement à ce niveau (réchauffement climatique...) bouscule les frontières et les prérogatives des États. Le concept de frontière est désormais à plusieurs dimensions, l’État agit à différents niveaux, hors de ses frontières traditionnelles par l’interconnexion dans laquelle se trouvent les nations du fait de l’émergence de problèmes qui ne s’inscrivent plus stricto sensu dans les frontières territoriales. Pourtant, l’État-nation est encore et pour longtemps l’élément de base de toute démocratie, l’espace dans lequel s’exprime la souveraineté populaire qui confère la souveraineté nationale.

Les nations occidentales se sont constituées comme forme sociale de la structure capitaliste et de la gestion de ses contradictions. Cette construction s’est faite à partir d’un territoire, et d’un peuple héritier d’une histoire. 
La nation, ainsi, combine sur un territoire et dans un cadre technique donnés – niveau de développement des forces productives – une activité de production, de répartition, exercée par une population divisée en classes. La nation, par son caractère de classe, par l’histoire dont elle hérite, est donc porteuse de contradictions et de conflits.

L’État est la forme qui permet l’homogénéisation de la nation, que ce soit par le droit, la force brutale ou l’idéologie, ou un combiné des trois. Bien que le capitalisme soit commercialement mondialisé depuis plusieurs siècles, la nation est une étape dans l’histoire de l’enracinement territorial de la production, de la consommation et des techniques. Les fonctions de production et de consommation ont été mises en œuvre de façon différenciée dans l’espace mondial par des bourgeoisies autonomisées au sein de nations. Ces bourgeoisies se sont développées sur le fondement de nations, et ont mené ainsi la concurrence des capitaux.

Bien que la nation occidentale apparaisse comme une forme sociale capitaliste, le prolétariat, sans remettre en cause la domination du capital, a par ses luttes investi les infrastructures de production et de financement de la nation (services publics, nationalisations) tout en améliorant sa position dans la consommation individuelle et collective, et sur la répartition de la valeur créée. Sur la base même de la citoyenneté mise en place par la bourgeoisie, les catégories populaires ont conquis une place dans la nation, contribuant ainsi à la réorientation du phénomène national. La population s’est approprié le fait national, qu’elle a contribué à démocratiser et à défendre (programme du CNR).

La nation a joué, au plan politique et économique, le même rôle que la raison au plan de la connaissance. Toutes deux «  inventées  » par la bourgeoisie, elles ont été transformées par les luttes en armes de sa critique. C’est ce qui fait que la nation est une forme sociale moderne et progressiste, potentiellement appropriable par les exploités. Elle peut devenir le terrain privilégié de création sociale et devenir ainsi un bien collectif. C’est pourquoi le capital européen veut créer une Europe des régions, afin de rendre plus difficile la remise en cause de son pouvoir.

La forme actuelle de l’État tend à ne plus être celle de l’État-nation mais celle de l’État concurrentiel, comme une entreprise. Le chef de l’État en voyage joue le rôle de représentant de commerce. On est passé du marché dans la société à la société de marché et aujourd’hui à la société-marché.

Et puisqu’il s’agit pour certains d’écrire une constitution européenne, rappelons que, dans la période que nous vivons, l’Europe n’a pas vocation à devenir nation. La vocation des institutions françaises est de concourir à la formation d’une citoyenneté basée sur des valeurs forgées au cours de l’histoire  ; le service public, le droit du sol, la laïcité…

La nation française est et demeure le niveau le plus pertinent d’articulation du particulier et de l’universel.

Par Ivan Lavallée, professeur à l’université Paris-VIII.


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