Quand soufflera la tempête

mercredi 20 mars 2013.
 

Les mesures autoritaires mises en place par les bras politiques de l’ultralibéralisme financier vont atteindre leurs limites.

Quand soufflera la tempête.

On voudrait nous faire croire que la crise que traverse l’emploi industriel serait dûe à la crise financière de 2008 ou quasi exclusivement à la poussée des pays émergents . Or dans le rapport de mai 2012 du ministère des finances et de l’industrie intitulé "L’impératif industriel", on peut lire :

"Depuis 1973, elle (la France) a perdu plus de 2 millions d’emplois industriels. Entre 1960 et 2004, elle n’avait connu que 5 années de solde négatif de ses échanges industriels (entre 1987 et 1991) avant de retrouver cette situation depuis 2004, en raison principalement d’une balance négative avec la Chine et l’Allemagne…"

Certes, ces deux éléments constituent des causes expliquant en partie la destruction des emplois industriels mais cela ne saurait suffire, pas plus que d’autres arguments techniques du type recherche – innovation insuffisante.

En réalité, la financiarisation de l’économie est le facteur structurel de cette destruction d’emplois avec le développement du néolibéralisme depuis 1973.

Un autre aspect de l’ultralibéralisme est ce qui est pudiquement appelé "modération salariale" c’est-à-dire la stagnation du salaire médian en France depuis plus de 25 ans qui ne favorise pas la demande et freine l’activité.

Mais les auteurs du rapport ont raison de ne pas tomber dans un pessimisme décliniste. Il est rappelé que : "Les discours sur la désindustrialisation ne doivent pas faire oublier le poids important de l’industrie dans l’économie européenne en valeur réelle. L’industrie européenne regroupe 2,3 millions d’entreprises, représente directement environ 20% du PIB et 18% des emplois de l’Union (environ 37 millions de personnes) selon les chiffres de la Commission européenne. L’industrie européenne a mieux résisté que d’autres pays occidentaux à la montée en puissance du monde émergent. Avant la crise, en 2006, l’Union européenne représentait 21% des échanges mondiaux de produits manufacturés face aux Etats-Unis (13,8%) et au Japon (10,5%) dont le poids a considérablement régressé au bénéfice notamment de la Chine qui a doublé sa part en 10 ans"

Source : http://www.economie.gouv.fr/files/l...

Mais la destruction de l’emploi ne touche pas simplement le secteur industriel mais quasiment l’ensemble des secteurs. Le nombre de chômeurs supplémentaires prévus pour 2013 s’élève entre 300 000 et 500 000 personnes soit un accroissement de l’ordre de1000 chômeurs par jour.

En même temps, s’est développée une politique de la gestion de l’État, d’inspiration libérale se calquant sur celle des entreprises privées, depuis 2006 avec la LOLF (loi organique des lois de finances votée en 2001) et la RGPP (révision générale des politiques publiques votée en 2007) devenue MAP ( modernisation de l’action publique à partir de 2012).

Le sociologue Albert Ogien, dans son dernier ouvrage Désacraliser le chiffre dans l’évaluation du secteur public montre comment s’est opérée cette tyrannie de l’évaluation. On peut écouter ces explications très claires en archives à France Culture : http://www.franceculture.fr/emissio...

C’est d’ailleurs aussi le titre d’un livre d’Angélique Del Rey (Ed. La découverte) : La tyrannie de l’évaluation, livre très instructif en la matière.

Même dans le secteur hospitalier, l’introduction de la taxation à l’acte (médical) pour déterminer les budgets des établissements sanitaires, transfert la notion de productivité (jusqu’ici propre aux entreprises du secteur privé produisant des biens matériels) au domaine médical conduisant ainsi à une déshumanisation du travail des soignants. En bonne santé ou malade, la vie de l’humain est réduite à des colonnes de chiffres.

Tous ces dispositifs quantitativistes aboutissent à une réduction en moyens humains des services publics provoquant des dysfonctionnements et des tensions de tout ordre. La notion même de bien commun, d’intérêt général qui disparaît, engloutie sous un océan de chiffres.

La mise en œuvre des politiques ultralibérales depuis 30 ans dont la politique d’austérité actuelle est un nouvel épisode, crée de la misère matérielle et morale, une croissance du chômage, une augmentation du nombre de travailleurs pauvres et précaires, contribue à l’éclatement des familles soumises à une violence économique croissante, disloque les repères de solidarité, etc.

Cela engendre une montée de la délinquance sous des formes toujours plus variées, entraîne le renforcement du communautarisme et du nationalisme, la montée des intégrismes religieux.

Parallèlement à cela, le développement multiple des mouvements sociaux dont l’action syndicale constitue toujours un axe important, ne va pouvoir qu’augmenter en intensité.

Pour faire face à cette situation de plus en plus instable et imprévisible, les pouvoirs politiques en place, qui sont les principaux responsables de cette même situation sociale dégradée, développent des moyens d’intimidation, de surveillance et de répression de plus en plus sophistiqués et radicaux. Les sociaux libéraux défendant sur le fond le même système économique très inégalitaire générateur de violences, sont dans la continuité de leurs prédécesseurs même si certaines inflexions peuvent être concédées.

En outre, ils espèrent tirer, comme le pouvoir précédent, des gains électoraux de la frange du corps électoral la plus sensible aux discours sécuritaires. mais ils oublient que cet électorat là est insatiable car structurée par la peur de l’Autre.

À cela s’ajoutent les mêmes techniques de diversion pour occuper les esprits : après la viande kasher voici les lasagnes à la viande de cheval matin, midi et soir sur toutes stations et à toutes les sauces.

Nous sommes entrés dans l’ère de l’autoritarolibéralisme  : surveillance accrue, répression croissante pour les petites gens, liberté et affranchissement de l’autorité des lois pour les puissants qui font circuler les capitaux et spéculent comme bon leur semble, mettent en place toutes les astuces possibles pour échapper à l’impôt.

Illustrons par quelques exemples récents cette atmosphère de l’ultralibéralisme autoritaire .

- A Strasbourg comme à Nantes, Montreuil, Toulouse, Mayotte, Villiers le Bel, Montbéliard, Montpellier, Chefresne et ailleurs, la police continue d’utiliser le flashball et occasionne parfois des blessures graves. Ainsi, le mercredi 6 février 2013, alors que des salariés en lutte d’Arcelor Mittal menacés par leur patron viennent défendre leur emploi en manifestant à Strasbourg, les forces de l’Ordre ont délibérément fait feu au flashball (Lanceur de Balles de Défense) dans le visage d’un manifestant : John, intérimaire, a perdu un œil. (Voir par exemple, Dernières nouvelles d’Alsace http://www.dna.fr/actualite/2013/02... )

- En janvier 2012, sept militants sont interpellés par la police lorsqu’ils diffusaient dans le troisième arrondissement de Paris, L’Humanité-Dimanche, sous prétexte d’atteinte à l’ordre public. http://www.humanite.fr/medias/un-ra...

- Un lycéen, militant du NPA, se fait convoquer (à la demande du proviseur) par le service des renseignements intérieurs après avoir distribué des tracts. http://www.rue89.com/2012/02/23/con...

Après une période de répression syndicale et associative de l’ère Sarkozy, l’air ne semble pas complètement renouvelé puisqu’il il a fallu arracher la loi sur l’amnistie sociale, d’ailleurs incomplète.

Martine Billard indique sur son blog : " Seront aussi exclus du champ de l’amnistie, sans plus d’explication d’ailleurs, les militants de RESF, les militants antipub, les militants antinucléaires, les militants qui se battent contre Notre Dame des Landes etc .. Avec ce gouvernement, les actions militantes pour défendre l’environnement ne sont pas amnistiables." http://www.martine-billard.fr/post/...

Comme le montre l’exposé en vidéo de Jean-Luc Mélenchon et Martine Billard, le climat de répression ou d’intimidation est loin d’avoir disparu : http://www.jean-luc-melenchon.fr/20... Ainsi est-il indiqué dans cet exposé, qu’un militant du Front de gauche a été convoqué par les services des renseignements intérieurs du Val-d’Oise pour avoir des explications sur son action militante. Et la chasse aux Roms continue de plus belle.

Mais cette surveillance et exigence d’évaluation ne s’applique pas à tout le monde ! Gestion par le stress, ultra rationalisation des tâches dans les entreprises, dans les administrations et services publics d’un côté, jeu boursier aléatoire de casino de l’autre, jetant dans la misère des millions de travailleurs, étudiants et retraités, pendant que les capitaux brûlent en pure perte sur l’autel des bulles financières.

Et pendant ce temps les superprofits des actionnaires continuent de croître crise ou pas crise. Aide aux entreprises débloquées par dizaines de milliards d’euros, allégements fiscaux depuis plus de 20 ans aux entreprises sans évaluation réelle à posteriori de leur efficacité en termes de création d’emplois et d’innovation.

Une telle situation ne peut durer éternellement car toutes les couches sociales se trouvent progressivement frappées par la crise à la fois structurelle et conjoncturelle du capitalisme financier. Viendra le moment où les propos de Mélenchon ne seront plus considérés comme "excessifs, trop violents, trop à l’emporte-pièce" mais trop modérés. La proposition de Frédéric Lordon de nationaliser toutes les banques deviendra majoritaire.

Lorsque le vent va tourner par le souffle croissant de la colère sociale, et avant la tornade, les élus socialistes vont se désolidariser progressivement, pour une part non négligeable d’entre eux, des responsables gouvernementaux dont la politique va créer et nourrir la tempête.

La scission du parti socialiste effectuée par la création du Parti de Gauche en 2008 est passée quelque peu inaperçue car Mélenchon et ses amis n’ont pas été largement suivis par d’autres membres de leur parti initial. La scission deviendra, en revanche, à ce moment médiatisée car le PS néolibéral deviendra minoritaire en raison de sa politique désastreuse. Les dirigeants socialistes vont alors commencer à perdre de leur arrogance à l’égard du Front de gauche.

Le programme L’humain d’abord deviendra alors incontournable.

Mais un tel scénario n’a rien d’automatique : le Front National a été créé pour neutraliser les forces anticapitalistes et a le soutien tacite des grands médias.

Le Front de gauche est donc devant une responsabilité historique : sera-t-il capable de mettre en jeu les forces militantes et un haut niveau d’organisation pour que ses idées deviennent majoritaires ?

Hervé Debonrivage


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