Après le meurtre, à quand la dissolution ?

mardi 18 juin 2013.
 

Cette semaine j’avoue que j’ai broyé du noir. Le meurtre de Clément Méric m’a sonné. Pas seulement politiquement quoi que ce soit là un grand malaise pour moi. Mais dans une dimension purement humaine. Pourquoi ce visage si jeune m’obsède-t-il ? J’ai beaucoup pensé à ce jeune homme dont je découvrais au fil des heures des aspects de la personnalité qui le rendait touchant de pure et brûlante sincérité. Et la dimension criminelle du geste qui l’a tué m’a saisi d’effroi. Clément Méric est mort quasi sur le coup parce que l’arête de son nez est entrée dans son crâne. La perforation l’a plongé immédiatement en coma phase 4. Celui qui l’a frappé à cet endroit avait nécessairement conscience de ce qu’il faisait. En effet, les amis sportifs qui connaissent quelque chose aux questions de combat m’apprennent qu’on ne peut parvenir à ce résultat à poing nu, sauf à se détruire le poing. Raison pour laquelle personne ne frappe jamais cet endroit du visage en boxe ou combat. Si donc celui qui a frappé l’a fait c’est qu’il savait son poing protégé du choc. Et donc qu’il savait la violence du coup qu’il donnait. Le procureur avait incriminé un « homicide volontaire ». Le juge d’instruction a requalifié à la baisse. J’en suis pantois. Pendant que je mâchais ces cendres, me parvenaient par intervalle les échos de la sphère médiatique. Dans une absolue irresponsabilité et paresse intellectuelle, elle renvoyait dos à dos les protagonistes du drame. D’aucun n’hésitèrent même pas à en faire quasiment une querelle de clients venus à des soldes de chiffon. Au fil des heures on a vu aussi se construire une barrière de protection médiatique autour des Le Pen pour empêcher que le lien soit fait entre les groupuscules de cette mouvance et leur vaisseau amiral : le parti de Marine Le Pen. Mon ami Alexis Corbière a publié une note qui est une véritable bombe par le nombre des renseignements qu’elle contient ! Comment comprendre que des nuées de photographes et de journalistes ont fait les beaux dans le bistrot d’Ayoub sans voir l’effroyable tableau qui se trouve derrière lui. Cette cécité est-elle le résultat d’une commande, ou seulement un effet du panurgisme médiatique, ou un effet d’auto-aveuglement ? J’en parle.

La dissolution des groupes violents comme mesure durable

Dans les suites étranges de cette séquence politique j’ai noté aussi le barrage construit contre la dissolution des groupuscules d’extrême-droite. J’ai capté qu’on consultait ici et là sur les plateaux des « experts ». On se gardait bien d’indiquer depuis quel balcon chacun parlait. Pour l’un d’entre eux au moins je savais cependant qu’il appartenait à une fondation de droite. Je connais l’argumentaire. C’est le même depuis quinze ans. Ces soi-disant experts concourent à l’expulsion des politiques, réputés « partisans », au profit de prétendu techniciens supposés impartiaux. Dans le cas qui nous occupe c’est spécialement choquant. L’expérience historique et militante est une expertise autrement plus informée que le point de vue prétendument « technique ». Le journal « Libération » aurait gagné à demander l’avis des partisans de la dissolution plutôt que de nous infliger ses deux pages prétentieuses de leçons « d’experts » pour servir la soupe très suspecte du refus de dissoudre ! Juste histoire de respecter un minimum d’équanimité entre deux séances de confusion organisée. Comment oublier que cet inepte journal pourtant issu du maoïsme militant a été capable de publier dans le même numéro un éditorial dénonçant la violence des bandes organisées et l’ambiance tendue dans la manifestation contre le mariage pour tous, et, quelque pages plus loin, un reportage valorisant « l’ambiance bon enfant » et paisible qui y régnait.

Au demeurant ici le raisonnement des adversaires de la dissolution est démenti par l’expérience historique. C’est en dissolvant les ligues fascistes que la France parvint à désorganiser la force qui partout ailleurs en Europe avait fini par prendre le pouvoir. L’exception française, celle du Front populaire au milieu d’une Europe brune, n’a pas d’autre origine. La dissolution des ligues était le point un du programme du Front Populaire. S’en souvient-on ?

Dissoudre, paraît-il, n’empêche pas la reconstitution des groupes. « Au contraire » prétendent même certaines bonnes âmes. Cet argument méconnaît un point décisif. Les groupes ne se reconstituent que si on les laisse faire. La « tentative de reconstitution de ligues dissoutes » est également répréhensible. Elle est punie. Par conséquent l’argument selon lequel la dissolution n’empêche pas les groupes de ses reconstituer ne vaut qu’en raison de la faiblesse et la pusillanimité de ceux qui dissolvent. Une fois le groupe dissout, ses membres doivent être surveillé et leurs tentatives de reconstitution peuvent être poursuivies. Ainsi la dissolution peut-elle produire tous ses effets. Le principal de ces effets est la désorganisation, la confiscation des moyens matériels et la dissuasion d’appartenir à un groupe sous surveillance. Cela revient à se demander d’où viennent et comment se propagent les pratiques et les idées. Elles ne tombent pas du ciel. Il leur faut un terreau, certes, mais pas seulement. Il y faut surtout un agent opérateur qui en tire parti et l’ensemence. Cela est vrai à droite comme à gauche. C’est une organisation qui est capable de se donner un mode opératoire, une stratégie et une tactique pour élargir sans cesse son audience ou l’impact de son action. Dissoudre brise le tout. Dissoudre ouvre un espace de récupération et donc de dilution. Pourquoi croyez-vous que madame Le Pen se prononce pour la dissolution de ce groupe sinon parce qu’elle se prépare à en accueillir les membres et davantage encore les sympathisants.

Face à des groupes de cette nature c’est la détermination qui compte. La protection médiatique accordée depuis le meurtre a été un encouragement pour cette mouvance qui s’est sentie reconnue et validée par l’impunité qui lui a semblé acquise. Loin de baisser le nez, dans la honte du meurtre et la crainte du châtiment, ils se sont enhardis. Dès le lendemain des violents attaquaient une femme voilée dans l’Oise. La queue de cortège à Rouen était aussi prise à partie. En fait une semaine après le meurtre de Clément Méric, les menaces et les provocations des groupes d’extrême-droite continuent de plus belle. Dans le Cher, le Bloc identitaire menace et fait savoir à : « tous les soi-disant antifas que, si ils viennent agresser des militants comme à leur habitude, la mort peut être malheureusement au tournant. » Ce genre de déclaration est le résultat direct des caresses médiatiques. Dans le Lot-et-Garonne, à l’occasion de l’élection législative partielle, la candidate du Front de Gauche a vu ses affiches recouvertes d’inscriptions antisémites. Dans ce dernier cas, l’activité repérée de groupuscules d’extrême-droite, manifestement Renouveau national ou Bloc identitaire, détruisant les affiches de gauche, va de pair, dans une répartition des rôles évidente avec la campagne du FN qui, elle, n’est jamais visée par ces brutes. Enfin, de nombreux témoignages attestant de violences verbales contre des militants antifascistes ou du Front de Gauche nous reviennent. Cette rage inonde aussi les réseaux sociaux, les commentaires des blogs, etc. Incontestablement, tous les indicateurs attestent une montée en puissance de l’agressivité des groupes d’extrême-droite. Si Valls tergiverse encore, s’il ne réprime pas la totalité de la mouvance, la situation s’aggravera. Jusqu’à ce qu’un nouveau palier de violence soit franchi. Ce que j’écris ici est de l’ordre de la prévision plutôt que de la crainte. Mes lecteurs militants doivent en tirer des conclusions pratiques réalistes et raisonnées. Déjà dans tous nos comités nous avons commencé la sensibilisation de nos adhérents que nous appelons à la vigilance, bien sûr, mais surtout à l’action déterminée.

Interdire les groupes d’extrême droite, c’est possible


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