Le congrès de Livourne (Italie), miroir renversé de Tours

vendredi 19 juillet 2013.
 

Un mois après leurs camarades français, les socialistes italiens se retrouvent à Livourne. Leur congrès débouche également sur une scission. Mais les débats sont assez éloignés de ceux de Tours.

25 décembre 2020 Par Romaric Godin

Ce 21 janvier 1921, une petite foule quitte le Théâtre Goldoni de Livourne, en chantant L’Internationale. Elle rejoint, à un peu moins de deux kilomètres au nord, une autre salle de spectacle, plus modeste, le Teatro San Marco. Quittant le 17e congrès du Parti socialiste italien (PSI) au Goldoni, ces militants viennent fonder le premier congrès d’un nouveau parti, le Parti communiste d’Italie (PCI). Ces 2 000 mètres tracent un fossé au sein de la gauche italienne, qui marquera le paysage politique pour sept décennies.

Un mois après le congrès de Tours, la gauche italienne se divise à son tour autour de la question du rapport à la Troisième Internationale. Mais le congrès de Livourne n’est pas la simple réplique des événements français. Bien au contraire. Le nouveau PCI est le fruit de la minorité du Parti socialiste italien et non de sa majorité. Sauf que, à la différence de la SFIO, le PSI a déjà adhéré à la nouvelle Internationale et entend bien continuer à en faire partie. Le tableau ressemble donc à un miroir inversé de celui de Tours. Dans un contexte très différent.

Pour comprendre ces débats très vifs et l’issue de ce congrès, qui n’a alors surpris personne, il faut comprendre le statut très particulier du PSI dans le contexte européen de l’époque. Le socialisme en général et le marxisme en particulier ont peiné à s’imposer dans une Italie du XIXe siècle obsédée par la question unitaire et assez peu industrialisée. Le PSI est né en 1892 à Gênes, sous le nom de Parti des travailleurs italiens, et il est le fruit de l’évolution vers le marxisme de trois traditions fortes dans la péninsule : mazzinienne (républicaine et mutuelliste), libérale et anarchiste. Ce triple berceau marquera l’histoire du parti, qui devient officiellement socialiste en 1895.

Dès les dernières années du XIXe siècle, le PSI est pris en main par des cadres issus de la bourgeoisie et marqués par les traditions mazziniennes et libérales. Leur chef de file est Filippo Turati, qui dirigera le parti jusqu’en 1912. C’est un marxisme réformateur et gradualiste, au sens d’Eduard Bernstein, persuadé que le socialisme débouchera de l’usage des libertés politiques. Le PSI est alors un des partis les plus réformistes de la Deuxième Internationale, qui joue pleinement la carte parlementaire. Mais c’est aussi un parti qui devient rapidement puissant, recueillant un cinquième des voix au début du XXe siècle. Il trouve des appuis non seulement dans la classe ouvrière, mais aussi dans la classe moyenne et parmi les paysans de Toscane, d’Ombrie et, surtout, d’Émilie-Romagne.

Le biais réformiste du PSI trouve cependant une opposition féroce dans la tradition syndicaliste révolutionnaire, elle-même issue de l’anarchisme. Si la droite du parti avait réussi à intégrer une partie de cette opposition en 1907, elle est vite prise entre les mailles de la stratégie de « transformisme » de Giolitti, l’homme fort de l’Italie d’alors. Ce dernier cherche à attirer le PSI dans un soutien plus permanent à son gouvernement. En 1911, pour obtenir son soutien à la conquête de la Libye, il propose l’élargissement du droit de vote. Lors du congrès de Reggio d’Émilie en 1912, Benito Mussolini, qui est encore socialiste, lance une offensive contre ceux qui ont accepté cette proposition. Il défend une position antiparlementariste et pacifiste et s’appuie sur le renouveau du mouvement syndical. Il parvient alors à diviser la majorité réformiste. Turati refuse de soutenir le gouvernement, la droite réformiste est expulsée. Le PSI adopte alors une position d’intransigeance révolutionnaire. Il n’abandonne pas la participation aux élections, mais refuse le jeu parlementaire. Il devient un des partis les plus intransigeants de l’Internationale ouvrière.

Comment le PSI a rejoint la Troisième Internationale

Lorsque la guerre mondiale éclate en août 1914, l’Italie est neutre mais très courtisée par les puissances belligérantes. La nouvelle majorité du PSI reste fidèle à sa position pacifiste et internationaliste, malgré l’implosion de la Deuxième Internationale et les pressions de Marcel Cachin, envoyé par la SFIO pour rallier le parti italien au camp de l’Entente. Certes, certains militants de la tendance syndicaliste révolutionnaire se laissent convaincre par les vertus d’une guerre contre l’Allemagne impérialiste. Parmi eux, le directeur du journal du parti, L’Avanti, Benito Mussolini, qui est exclu le 24 novembre 1914. En mai 1915, le PSI refuse de voter les crédits de guerre, à la différence de la SFIO et du SPD. Mais il refuse aussi d’organiser une agitation contre l’effort de guerre italien. La ligne du parti est alors résumée par cette phrase de Costantino Lazzari, un des fondateurs du PSI : « Ni soutien ni sabotage. » À l’initiative de la première tentative de reconstitution de l’Internationale en septembre 1914 avec le PS suisse à Lugano, le PSI participe aux réunions de Zimmerwald (octobre 1915) et Kienthal (avril 1916) sans défendre la position de la gauche (lire notre précédent épisode).

La position du PSI est alors celle d’une position théorique pacifiste et militariste, et d’une pratique attentiste. Elle est parfois difficile à tenir, entre les mouvements de révoltes ouvrières, comme la « grève du pain » qui secoue Turin en août 1917, et l’effondrement du front de l’Isonzo à Caporetto en novembre 1917 qui menace le pays de l’invasion austro-allemande. Ceci conduit à des arrestations en masse de dirigeants du parti. À la fin de la guerre, le PSI est donc dans une position très différente de celle de ses anciens alliés, la SFIO, le Labour ou le SPD. Sa position est plus proche de celle de l’USPD allemand. Mais avec une différence : il demeure le seul parti socialiste du pays. Son unité a survécu à la guerre et est alors considérée comme un bien essentiel pour l’organisation de la classe ouvrière italienne.

Car le PSI ressort formidablement renforcé de la guerre. En 1919, il compte plus de 200 000 adhérents, quatre fois plus qu’avant le conflit. Son opposition à la guerre a renforcé ses positions dans une classe ouvrière qui a souffert des privations et dans une classe paysanne qui a payé le plus lourd tribut humain au conflit. Sans compter que l’Italie, durement affaiblie par le conflit, est frappée par la crise de reconversion qui touche alors le capitalisme mondial. Le climat social est hautement inflammable et le PSI, en tant que seul parti anticapitaliste, en profite instantanément. Aux élections de novembre 1919, le PSI gagne un million de voix de plus qu’en 1913, récolte 32,3 % des suffrages et 156 députés sur 508. Il est le premier parti du pays avec 12 points d’avance sur les catholiques du Parti populaire.

Dans ce contexte, la révolution russe exerce une influence considérable sur le pays. L’Italie n’a guère de mal à se reconnaître dans le miroir russe. Le pays, moins industrialisé que la France et le Royaume-Uni, est organisé autour d’une oligarchie foncière et industrielle et est épuisé par le conflit. Les nouvelles de la Russie soviétique, encerclée par les Blancs et les Alliés, sont certes rares et parcellaires, mais ce flou entretient encore davantage le mythe. Pacifiste, internationaliste et formellement révolutionnaire, le PSI ne peut qu’être fasciné par l’expérience bolchévique. En décembre 1918, la direction du parti se donne pour objectif officiel la « République socialiste » et la « dictature du prolétariat ». Et, en octobre 1919, le PSI adhère en bloc et par acclamation à la Troisième Internationale, lors de son congrès de Bologne. Il est l’un des premiers à réaliser cette adhésion qui fait encore débat en Allemagne et en France.

Le « Biennio Rosso »

Le congrès de Livourne ne pose donc pas la question de l’adhésion à l’Internationale. Cette question est réglée et acceptée, y compris, malgré leurs réserves, par les réformistes qui n’ont pas quitté le PSI et ne veulent pas le quitter. La question du congrès de Livourne, c’est celle de la stratégie et de la sincérité du parti. C’est là une différence cruciale avec la France.

Car si le PSI s’est radicalisé dans les termes, il reste très modéré dans les faits. Son comportement face à la forte agitation sociale de l’époque le prouve. Entre mars 1919 et octobre 1920, le pays connaît son biennio rosso, ses deux « années rouges ». Les grèves sont fréquentes, les usines occupées, les paysans prennent le contrôle des grandes propriétés, les soldats se mutinent. Parmi les masses italiennes qui s’organisent en conseils et qui font face à la répression patronale, un seul mot d’ordre fait l’unanimité : « Faire comme en Russie. » Le PSI l’a repris officiellement, mais, face à l’agitation, la direction nationale du parti s’échine à calmer le jeu, considérant que le moment n’est pas venu et que le pays n’est pas mûr pour une aventure révolutionnaire.

En 1920, le pays est pourtant au bord de l’insurrection. En mars, l’usine Fiat s’enflamme après une décision de la direction de changer l’heure légale au sein de l’entreprise. Une broutille, mais que les ouvriers à vif prennent pour un coup de force. Lorsque les représentants ouvriers au comité d’entreprise s’emploient à bouger les aiguilles d’une horloge de l’usine, ils sont licenciés et ce licenciement déclenche une grève. La tension monte et la grève se propage à toutes les usines de Turin. Les dirigeants du PSI local, Palmiro Togliatti et Antonio Gramsci, réclament alors à Milan l’extension à toute l’Italie du mouvement. Mais la direction du PSI s’y refuse, ouvrant ce que Gramsci appelle « la scission entre les programmes sonores et les faits misérables ». Le PSI et les syndicats sont tétanisés par l’apparition de conseils d’ouvriers qu’ils ne maîtrisent pas.

Cette modération ne sera pas la dernière. Le 25 juin, par exemple, les troupes de bersaglieri, l’unité d’élite de l’armée italienne, refusent de s’embarquer à Ancône pour partir pour l’Albanie. En quelques heures, ils prennent le contrôle de la ville. Un peu partout en Italie, les cheminots se mettent en grève pour empêcher l’envoi de troupes dans le port. À Rome, à Milan et dans l’Ombrie voisine, des grèves de solidarité éclatent. Tout cela n’est pas sans rappeler la mutinerie des marins de Kiel, le 3 novembre 1918, qui emporta le régime impérial allemand. À Turin, Antonio Gramsci voit dans cette mutinerie la confirmation que « l’ordre du jour est au contrôle de l’activité gouvernementale ». Mais le PSI ne bouge pas, jugeant les soldats trop anarchistes. Le gouvernement envoie finalement deux navires bombarder la ville pour en reprendre le contrôle.

C’est en septembre que le biennio rosso atteint son acmé. Et c’est encore Turin qui en est le centre. Fin août, un conflit salarial à la Fiat débouche sur une grève perlée à laquelle la direction répond par un lock-out. L’usine est fermée, les salaires suspendus. Les ouvriers investissent alors l’usine et l’occupent. Des conseils d’ouvriers sont mis en place. Le mouvement se transmet à toute l’Italie, jusqu’aux chantiers navals de Naples. À Turin, les ouvriers en grève sont 100 000 et font tourner les usines sans cadres. Un nouveau moment révolutionnaire s’ouvre et le président du conseil, Giolitti, entend le traiter à sa façon, par le pourrissement de la situation. Contre le patronat, il estime qu’user de la force serait favoriser la révolution. Or, il sait que le PSI ne fera rien.

Encore une fois, Gramsci avait demandé de porter le combat au cœur du système, dans les banques, dans l’armée, dans l’État. Le 15 septembre, le secrétaire national du PSI, Egidio Gennari, présente un plan pour réaliser la révolution en sept jours. Mais il prévient : ce plan repose sur une offensive venant des ouvriers turinois. Togliatti refuse cette responsabilité, car la ville est encerclée par l’armée et par des banlieues hostiles. Il demande une action nationale. En vain. Togliatti comprend que le PSI veut isoler l’action des radicaux turinois et provoquer leur défaite pour prouver que le moment n’est pas encore venu. Il refuse, donc

On conçoit combien la réalité du PSI est alors peu léniniste et très prudente. Quelques jours plus tard, Giolitti propose des réformes pour faire passer les usines sous contrôle syndical. Le leader socialiste Giacinto Menotti Serrati crie à la victoire et à la fin de la propriété privée. Le mouvement s’achève le 4 octobre. La révolution italienne ne verra jamais le jour.

Les promesses de Giolitti restent lettre morte, mais la peur s’est emparée du patronat. Les capitalistes italiens ne veulent plus revivre cela. Dès juillet, ils se sont tournés vers l’ancien socialiste Mussolini, qui a créé un mouvement, le fascisme, composé d’anciens combattants et de déclassés de la classe moyenne. Ces groupes font le coup de feu régulièrement contre les socialistes et les syndicalistes, mais désormais l’argent va couler à flots. Il vient de la Confédération générale de l’industrie italienne – la Confindustria –, la confédération patronale italienne qui vient d’être créée, en mai 1920. Le fascisme s’allie avec les partis de droite aux élections municipales d’octobre et, à partir d’août, se lance dans une vague de répression systématique du mouvement ouvrier. Les escouades fascistes démantèlent le mouvement paysan d’Émilie-Romagne et font régner la terreur à Bologne en novembre 1920, lors de l’installation de la mairie socialiste. On compte neuf morts dans les rues de la ville.

La contre-révolution est en marche, conformément à la prévision de septembre de Gramsci : « Dans la lutte de classes en Italie, ce moment est la phase qui précède ou bien la conquête du pouvoir, ou bien une terrible réaction. »

Lénine tranche pour la scission

Face à l’apathie de fait du PSI, une aile gauche se forme qui met en évidence la distance des mots aux faits. Cette tendance « intransigeante » qui va bientôt prendre le nom de « communiste » est constituée de deux grands pôles. Turin, avec Gramsci et Togliatti, et Naples, avec Amadeo Bordiga. Gramsci et Bordiga vont nettement diverger l’un de l’autre dans les années 1920, mais, en 1919-1920, ils se retrouvent sur l’essentiel : les conseils ne sont pas une spécificité russe, mais le nouveau vecteur de la révolution.

Cependant, à la différence des conseillistes allemands ou néerlandais, ils reconnaissent le besoin d’une discipline de parti au sein du mouvement conseilliste et d’un appui politique à ce mouvement. Le conseil ne se suffit pas à lui-même. Cela les amène à accepter les positions de Lénine définies dans le courant de l’année 1920 : il faut un parti d’avant-garde, discipliné, structuré pour la prise du pouvoir. Malgré les réticences de Bordiga à l’action parlementaire, il accepte la position de Lénine dans ce domaine : une participation au jeu électoral mais pas au jeu politique. Gramsci et Bordiga ne sont donc pas visés par les critiques de Lénine envers les « gauchistes » conseillistes au cours de l’année 1920.

Bien au contraire, la tendance communiste devient le fer de lance de la Troisième Internationale. Ils estiment que l’occasion manquée de la révolution italienne s’explique par la modération du PSI et cette modération ne peut s’expliquer que par la stratégie d’unité du parti. Au sein de ce dernier, la tendance majoritaire dirigée par Serrati est dite « maximaliste », mais elle défend en réalité une position centriste du parti. Elle proclame un discours révolutionnaire, mais elle estime qu’il faut élargir la base sociale et culturelle de la révolution. Dans une adresse à Lénine publiée début 1920 dans Avanti !, Serrati résume sa position : « Il faut procéder de façon à ce que la révolution éclate au moment opportun. Ni coup de main ni lenteur exagérée, voilà ce que doit être la tactique. Nous devons attendre sereinement, en agissant, que les événements mûrissent pour nous. » Dans cette attitude attentiste, il faut conserver l’unité du parti pour développer ses forces et élargir l’audience du parti.

Mais pour l’aile communiste, c’est bien cela le problème. Pour maintenir au sein du PSI la tendance réformiste de Turati, la direction du parti applique le programme gradualiste de ce dernier et vide de sens la position officielle du parti. Elle se retrouve donc constamment en décalage avec le mouvement de la base et est incapable de le traduire en opportunité politique. Bordiga estime, dès la fin de 1919, que cette position rend la scission inévitable. Reste à savoir laquelle : faut-il expulser les réformistes ou les communistes doivent-ils quitter le parti ? Ce sera la vraie question qui se posera dès le printemps 1920 et qui sera tranchée à Livourne le 21 janvier 1921. Mais en réalité, l’affaire est entendue depuis l’été 1920.

La décision va être prise à Moscou, lors du 2e congrès de la Troisième Internationale, celui de l’hégémonie russe. Le pouvoir bolchévique est très attentif au cas italien. Les déboires de la révolution allemande, l’existence d’un parti puissant membre de la Troisième Internationale et la situation quasi insurrectionnelle de l’Italie en font un point stratégique majeur en Europe occidentale. Mais, pour cela, il faut un parti décidé à l’action et non passif. Il faut donc une clarification de la position du PSI, son passage au communisme dans le nom du parti et l’expulsion des réformistes. Pour Moscou, l’affaire est entendue : de gré ou de force, il faut un parti communiste débarrassé des réformistes.

Dans Le Gauchisme, maladie infantile du communisme, le pamphlet que Lénine distribue aux 208 participants du congrès et qui attaque les positions conseillistes, il consacre quelques lignes à l’Italie, sans ambiguïté. Il y fustige le dogmatisme abstrait, car « avec la seule répétition de la vérité du communisme pur, on ne réalise rien ». C’est une critique indirecte de la position maximaliste. Mais, surtout, il défend la position de Bordiga contre Turati : « Si le Parti socialiste italien veut être effectivement pour la Troisième Internationale, [qu’il] stigmatise et chasse de ses rangs messieurs Turati et compagnie et devienne un parti communiste aussi bien par son nom que par ses œuvres. »

Certes, Bordiga est aussi critiqué pour son antiparlementarisme, mais ce dernier y renoncera rapidement et deviendra, avec Gramsci, le champion de Lénine durant le congrès. Car Lénine n’est pas opposé, puisque l’Europe occidentale a échoué à réaliser la révolution, à la participation aux parlements et même à des compromis avec des partis réformistes ou bourgeois. Pourvu que la cohésion interne du parti, gage de l’objectif final, reste préservée. C’est le sens du message qu’il envoie le 27 juin à Serrati : « Expulsez les réformistes et, si c’est utile, faites ensuite une alliance avec eux », explique le leader russe.

Mais Serrati ne varie pas. Il accepte la Troisième Internationale et ses 21 conditions, sans difficulté. Mais il réclame l’autonomie du parti quant aux choix tactiques. Pour lui, le tempo de l’application de ces conditions doit être adapté aux conditions propres de l’Italie. Il affirme que Turati a toujours été loyal au parti et qu’il est un bon marxiste. Peut-être quittera-t-il de lui-même le parti, mais le socialisme italien aujourd’hui est plus fort avec lui que sans lui.

Comment comprendre cette position, qui est la position majoritaire ? Sans doute l’histoire du socialisme italien et de ses divisions originelles est-elle centrale dans la position de Serrati. L’équilibre entre les traditions du libéralisme réformiste et de l’anarchisme révolutionnaire est à la fois difficile et central pour la force du parti italien. C’est cet équilibre que le congrès de 1912 avait construit en préservant Turati, que le chef du PSI tente de sauvegarder ici.

Mais Lénine ne s’intéresse guère à ces considérations. Il veut de la clarté. Il réclame alors un congrès du PSI pour décider entre les thèses bolchéviques et celles de Serrati et Turati. Devant les protestations de Serrati qui ne comprend pas qu’on le confonde avec Turati, Lénine réplique : « Personne ne confond Serrati avec Turati, sinon Serrati lui-même quand il le défend. » La thèse de l’adaptation nationale des règles du Komintern défendue par la majorité socialiste italienne vient d’être réduite en cendres par le leader russe. Dès lors, la messe est dite. Si les maximalistes du PSI ne veulent pas accepter l’expulsion de l’aile droite, l’aile gauche quittera le parti.

Le congrès et l’ultimatum de l’Internationale

Les trois courants vont cependant coexister encore ensemble pendant six mois, jusqu’à ce mois de janvier 1921. Une coexistence complexe, marquée par le désastre des grèves de septembre et la violence de la réaction fasciste, mais aussi par des victoires notables aux élections municipales d’octobre. Notamment à Livourne. Et c’est précisément le nouveau maire de cette ville portuaire qui sera un bastion rouge de l’Italie, Uberto Mondolfi, qui est le premier orateur du 17e congrès du PSI, le 15 janvier, pour souhaiter un « noble banquet d’idées ». Membre de la majorité, il prévient que certains veulent transformer le Goldoni en « théâtre anatomique où l’on va réaliser des amputations ». « Si nous devons amputer, amputons », continue-t-il, en déclenchant un premier échange de hurlements et d’accusations dans la salle. Le décor est planté. Chacun sait que ce congrès sera celui de la séparation.

C’est l’option que viennent défendre deux orateurs étrangers au poids considérable. Le premier, dès le 15 janvier, c’est Paul Levi, au nom du parti unifié d’Allemagne (VKPD). Levi n’est pas un léniniste orthodoxe, c’est plutôt un disciple de Rosa Luxemburg. En octobre 1920, au congrès de Halle, il a fusionné le Parti communiste allemand (KPD) avec le Parti socialiste indépendant (USPD), les dissidents internationalistes de la social-démocratie allemande. Le nouveau parti a adhéré à la Troisième Internationale et Levi a une position assez proche de celle de Serrati – construire un rapport de force parlementaire et culturel suffisant avant la révolution. Position qu’il paiera par une exclusion de son propre parti, un mois plus tard.

Pourtant, il défend à Livourne l’expulsion des réformistes ou la scission communiste. Il rappelle que les réformistes, en Allemagne, ont assassiné Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg et que la cohérence doit l’emporter sur l’unité. « La leçon que je viens vous porter est que l’unité du parti n’est jamais un bien suprême pour le prolétariat », affirme-t-il avant de conclure : « Nous saluons le prolétariat italien dans l’espoir qu’il saura construire l’arme pour la victoire. »

Le lendemain, la parole est au représentant de la Troisième Internationale. Les difficultés administratives ont bloqué la possibilité d’envoyer un grand nom du bolchévisme à Livourne. On attendait Zinoviev ou Trotsky, mais voilà qu’arrive un Bulgare inconnu, Khristo Kabakchiev. Son discours en français est traduit simultanément en italien. La dureté de son discours tranche avec le statut de seconde zone de ce membre du Parti communiste bulgare.

Mais le propos est directement offensif et pose immédiatement les bases de la nouvelle Internationale : « On doit tirer la plus grande leçon de la Révolution russe » que « le prolétariat russe et l’Internationale communiste tirent profit, depuis le début de leur mode d’organisation et de la lutte des révolutionnaires russes ». Bref, les règles de la Troisième Internationale sont avec raison dictées par Moscou. Ceux qui veulent agir en révolutionnaires doivent donc agir selon les décisions russes.

Et la plus importante d’entre elles est l’expulsion des réformistes. Kabakchiev passe donc à l’attaque directe contre Serrati. Ce dernier « nie que la situation et l’époque soient révolutionnaires ». En refusant l’expulsion des réformistes, il passe « dans le camp des opportunistes qui soutiennent la “paix civile” avec la bourgeoisie ». « Il est contre l’action révolutionnaire des paysans comme des ouvriers parce qu’il est, en général, contre la révolution », conclut le Bulgare. Chacun ne peut alors s’empêcher de songer aux événements récents à Turin et Ancône. Et Kabakchiev finit par tracer le choix du congrès : « Les centristes de Serrati ont la liberté de choisir une de ces deux voies : ou bien accepter les décisions du Komintern, ou bien décider de sortir de l’Internationale avec les réformistes. » « Il n’y a pas de place pour un centre dans la révolution, le centre sera emporté par l’ouragan révolutionnaire », termine le représentant de l’Internationale.

La vigueur de l’attaque portée par un inconnu déclenche un vent d’indignation dans le congrès. « C’est le pape de Moscou ! », « Voilà la bulle d’excommunication ! », « Nous sommes libres ! », « Nous ne voulons être les esclaves de personne ! ». Tout cela résonne dans le Goldoni. « J’ai eu l’impression qu’une main de fer s’abattait sur le congrès », déclare immédiatement Adelchi Baratono, alors proche de Serrati. L’ultimatum de Moscou est aussi vigoureusement rejeté par une des consciences du parti, Costantino Lazzari.

Cet ouvrier typographe de formation, autodidacte de 64 ans, a été l’ami d’Engels. Il est le fondateur, en 1882, du premier parti socialiste italien à Milan, le Parti ouvrier. Il compte cinq décennies d’engagement et a toujours été au centre du parti. Secrétaire général après le congrès de Reggio de 1912, il est par excellence l’homme de la synthèse. Il chasse d’un revers de main les déclarations de Kabakchiev : « Ne vous êtes-vous jamais rendu compte combien les conseils de Moscou et Petrograd, pour devenir de parfaits membres de la Troisième Internationale, sont beaux et pédagogiques ? Beaux et magnifiques, mais pas pour nos paysans et nos ouvriers. Nous, vieux socialistes d’Italie, nous ne nous sentons ni des pygmées ni des géants face aux hommes de l’Internationale parce que nous avons un passé dont nous pouvons répondre et un devoir à remplir devant l’avenir. L’unique bien indestructible que nous avons à notre disposition est l’unité et c’est avec lui que nous pouvons apporter à la Troisième Internationale une force réelle, sûre et dévouée. »

Le drame est noué, l’ultimatum de Kabakchiev est rejeté par les « maximalistes ». La division sur ce que doit être la Troisième Internationale est indépassable. Le communiste Umberto Terracini, futur signataire de la Constitution républicaine italienne en 1947, donne le coup de grâce. « Le PSI comme il est organisé aujourd’hui, avec les hommes qui le composent, ne peut pas réaliser cette fonction » de créateur de l’esprit révolutionnaire. « Le PSI a créé des organisations syndicales fortes, un parti, des mutuelles, des coopératives, des organes de résistance et de défense, mais il n’a jamais créé un programme d’action pour la conquête du pouvoir », ajoute-t-il. Et voilà pourquoi il faut écouter la leçon russe et l’appliquer dans un nouveau parti. Et de finir : « Nous, communistes, nous acceptons intégralement la révolution russe. » Et, dès lors, « si les réformistes ne sont pas expulsés, nous sortirons du parti pour créer le parti communiste ».

La tension ne cesse alors de croître. Le 18 janvier, le député Vincenzo Vacirca, proche de Lazzari, critique la politique de la violence léniniste et la compare à celle des fascistes. Sous les quolibets, il agite un poignard devant les délégués communistes en les qualifiant de « révolutionnaire au couteau ». Nicola Bombacci, un des dirigeants communistes, qui, plus tard, se ralliera au fascisme, dénoncera le bolchévisme et sera exécuté avec Mussolini en 1945, surgit et menace Vacirca d’un pistolet. La confusion est extrême. On suspend le congrès.

Le 19 janvier, Amadeo Bordiga, partisan de toujours de la scission, confirme l’irréductibilité de la division entre les communistes et le reste du parti. Il fustige le gradualisme et la position attentiste du PSI. « Pour les réformistes, les conditions de la révolution n’étaient pas réunies en 1914 parce que le capitalisme était trop florissant et, maintenant que le capitalisme ne fonctionne pas et crée de la misère, ils disent que la machine est trop abîmée pour en prendre les commandes ! Leurs sophismes finissent toujours de la même façon : la révolution, oui, la dictature, oui, mais pas maintenant, pas ici, demain, ailleurs. » Et de retourner l’accusation selon laquelle les communistes briseraient l’unité : « Nous, si nous devons nous en aller, nous emporterons avec nous l’honneur de votre passé. »

C’est au tour de Serrati de prendre la parole. Mis en cause par Kabakchiev, il doit défendre sa position en apparence paradoxale : maintenir le PSI dans la Troisième Internationale sans modifier l’équilibre du parti. Il repousse l’accusation d’opportunisme et affirme vouloir rester dans l’Internationale. « Nous voulons être dans l’Internationale, nous voulons être avec les Russes dans la lutte parce qu’ils sont la révolution internationale et que nous sommes révolutionnaires. Le problème n’est pas ici, mais dans la façon d’appliquer les 21 conditions », résume-t-il. Pour lui, l’exclusion des réformistes, en portant au sein du mouvement révolutionnaire la dissension, sera sa « ruine ». « L’unique espoir pour la Russie des soviets en Europe occidentale, c’est le parti socialiste uni, compact et fort », ajoute le leader socialiste. Mais cette idée, rejetée par Lénine en juillet, n’est plus en mesure de convaincre ceux qui veulent partir.

L’oubli du fascisme

Les débats sont finis, place au vote. Les dernières heures sont de plus en plus tumultueuses. Le 20 janvier, avant le vote des délégués, une nouvelle rixe éclate sur la scène alors que Kabakchiev répète, une nouvelle fois, que « l’unité du parti est une formule équivoque qui veut dire unité entre communistes et ennemis du communisme ». Les représentants des 216 000 inscrits au parti finissent par passer au vote autour des trois motions : celle des unitaires-maximalistes de Serrati, celle des communistes de Bordiga et celle des réformistes de Turati.

Les premiers obtiennent 56,8 % des voix, contre 34 % pour les communistes et 8,5 % pour les gradualistes. Les résultats sont proclamés à 9 h 45, le 21 janvier. Bordiga prend alors la parole : les délégués communistes sont convoqués au Teatro San Marco, à 11 heures, pour le congrès inaugural du Parti communiste d’Italie, section italienne de la Troisième Internationale. Le cortège se forme et, dans la journée, la nouvelle formation politique sera constituée. Ceux qui restent au PSI votent, en même temps et à l’unanimité, un ordre du jour confirmant l’adhésion du parti à la Troisième Internationale.

Le congrès de Livourne est donc assez éloigné dans ses discussions du congrès de Tours. La question n’est pas celle de l’adhésion à la Troisième Internationale, mais celle des modalités de cette adhésion. Au soir du 21 janvier 1921, l’Italie compte deux partis qui revendiquent leur participation au Komintern. La question est moins celle de l’internationalisme que celle d’un certain équilibre entre les deux grandes traditions du socialisme italien : l’action révolutionnaire et le réformisme. Le PSI comporte, de Bordiga à Turati, des positions extrêmes dans chacun de ses camps. La position majoritaire, fidèle aux décisions du congrès de Reggio, consistait à ne pas choisir entre les deux pour conserver l’unité : tenir un objectif révolutionnaire et agir sur le plan électoral et parlementaire.

La séparation trahit également une vision différente de la réalité italienne d’alors. Et c’est elle qui détermine l’attitude des deux partis dans l’Internationale, beaucoup plus que des considérations théoriques. Le choix des communistes est celui d’une priorité donnée à l’action parce que la situation était alors, en Italie, révolutionnaire. Dans ce cadre, l’acceptation de la voie russe était la garantie que le moment propice serait enfin saisi. Pour Bordiga, l’adhésion à la Troisième Internationale répondait donc aussi à des préoccupations nationales. Il n’y a pas, chez lui, de soumission aveugle à Lénine, mais l’utilisation d’un moyen de sortir enfin de la passivité. À son départ pour Moscou en mars 1920, il avait prévenu : « Si un jour la révolution russe et les bolchéviques démontraient qu’ils ne savent pas jouer correctement leur rôle, nous, nous ne changerons pas une virgule de notre programme. »

À l’inverse, maximalistes et réformistes se retrouvaient dans l’idée que le temps de l’action révolutionnaire n’était pas venu. Pour Turati, la méthode en soi n’était pas la bonne, et pour Serrati, il fallait davantage travailler les masses italiennes par le jeu parlementaire. Aussi avait-il besoin des « avocats » réformistes mais sincèrement marxistes pour préparer les masses. Sa demande d’une voie particulière dans la Troisième Internationale ne tient qu’à cette question.

Ce qui semble étonnant, a posteriori, c’est que ces deux grands thèmes du congrès ignorent un fait qui va devenir majeur dans les prochains mois : le phénomène fasciste. Il est, dans les discussions, à peine évoqué. Le seul à pointer le danger est le réformiste Giacomo Matteotti, qui sera victime des hommes de main de Mussolini en 1924. Il est à peine écouté. Or, la répression antisyndicale et politique des squadre fascistes, qui a débuté à la fin de l’été, réduit les structures de mobilisation du prolétariat et de la paysannerie italienne. L’occasion manquée de septembre 1920 ne peut plus se représenter et la force électorale du parti va s’effondrer, sous la pression des élites économique et la menace du manganello, ce gourdin utilisé par les fascistes.

Dès lors, ce sont les deux options du socialisme qui s’effritent. Celle de l’action révolutionnaire disparaît et, lors des élections de 1921, le PCI ne gagne que 4,6 % des voix. Quant au PSI officiel, il reste le premier parti d’Italie mais perd sept points, soit plus que les transferts de voix vers les communistes, à 24,7 %. Mais surtout, l’influence fasciste croissante affaiblit ses points forts d’Émilie-Romagne et empêche toute influence par le jeu parlementaire. En 1922, Mussolini arrive au pouvoir et va progressivement instaurer sa dictature. En 1926, seul le Parti national fasciste est légal.

Que fera la gauche face à ce danger ? La position de Bordiga reste celle du rejet de toute collaboration de classe et d’alliance avec les réformistes. Pas question, donc, de faire front avec les socialistes, même lorsque ceux-ci se déchirent et finissent, en 1922, par expulser les réformistes. Pour lui, le parti a pour fonction d’organiser les masses et cette organisation est la seule réponse à la violence fasciste comme à la violence capitaliste. Mais il est déjà trop tard. Mussolini quadrille le pays par la violence. Les ouvriers ont perdu leur foi dans la révolution. Bordiga perd le contrôle du PCI en 1926 au profit de Gramsci, qui défend une offensive au cœur de la société. Mais ce dernier est arrêté et déporté la même année. De son côté, le PSI ne sortira guère de son attentisme et à aucun moment ne tentera de mobiliser les masses pour répondre au durcissement du régime. Sans doute, le temps était-il passé. L’unité était bloquante en 1919-1920, et la division est incapacitante en 1922-1926.

Le poids de Livourne sur l’histoire de la gauche italienne

Comment Livourne a-t-il pesé sur la gauche italienne depuis un siècle ? Jusque dans les années 1950, la question était encore brûlante. Le PSI, réunifié après la guerre avec les réformistes sous le nom de Parti socialiste d’unité prolétarienne (Psup), avait retrouvé l’équilibre de 1912-1922 : un discours révolutionnaire et une pratique réformiste. Cela avait conduit son dirigeant Pietro Nenni à rejeter l’atlantisme de la SFIO ou du SPD et à chercher une alliance électorale avec le Parti communiste italien (nouveau nom du PCI depuis 1943). Cette expérience unitaire, unique en Europe occidentale, débouche sur le départ des réformistes atlantistes (qui fondent le parti social-démocrate, PSDI) et sur un désastre électoral en 1948. En 1956, le PSI brise, après les événements de Budapest, son alliance avec le PCI. C’est le dernier acte de Livourne.

Reste que la gauche italienne n’en avait pas fini avec la problématique de Livourne. Alors que le PSI rejoint le PSDI dans les alliances avec la Démocratie chrétienne (DC), le PCI découvre les dilemmes du PSI de jadis. Dans les années 1960-1970, il se retrouve dépassé par la résurgence de la tradition révolutionnaire qui donne lieu à un vaste mouvement d’occupation d’usines à partir de 1969 et à une pratique d’action directe. Il lui faut choisir entre sa pratique parlementaire, ses organisations inscrites dans la République et l’action révolutionnaire.

Entre l’insurrection et le transformisme parlementaire, le PCI se retrouve dans la même nasse stratégique que le PSI des années 1910 et 1920. Il tente aussi, par l’expérience eurocommuniste, une forme de synthèse qui échouera. Dès lors que la vague révolutionnaire s’éteint dans les années 1980 et que la référence au communisme devient caduque en 1989, le rôle du PCI ne pourra être que de se substituer à un PSI qui avait abandonné toute référence révolutionnaire et qui va disparaître dans les malversations de Benito Craxi et l’opération Mani Pulite.

La vraie conclusion de Livourne, c’est donc le congrès de Bologne de 1991, qui transforme le PCI en Parti démocratique de la gauche (PDS), qui deviendra l’actuel Parti démocrate (PD) en agrégeant le reste du centre-gauche. Ce congrès provoque à nouveau une scission : l’aile gauche du PCI forme le Parti de la refondation communiste (PRC), qui, après une expérience malheureuse de participation au gouvernement Prodi en 2008-2009, perdra tout poids dans la vie politique italienne.

Aujourd’hui, il existe encore un Parti communiste italien, né en 2016 et fruit d’une série de scissions au sein du PRC, qui a participé à l’alliance Potere al Popolo lors des élections législatives de 2018, où l’ensemble de cette alliance a obtenu 1,13 % des voix. En 2019, il n’est pas parvenu à recueillir assez de signatures pour se présenter aux européennes. Le Parti communiste (Italie), autre parti issu du PRC, a obtenu 0,88 % des voix aux européennes et 0,33 % aux législatives. De son côté, le PSI s’est dissout en 1994. Il a été refondé en 2009 à partir d’un groupe d’anciens socialistes. Il s’est allié en 2018 à l’alliance Italia Europa Insieme (0,6 % des voix) et aux européennes de 2019 à l’alliance libérale et pro-européenne + Europa (3,11 % des voix).

En perdant sa référence à la tradition révolutionnaire anarchisante, qui ressurgit en Italie sous des formes parfois complexes et paradoxales, comme le Mouvement Cinq Étoiles, la gauche italienne s’est définitivement convertie à un réformisme néolibéral. Ce mouvement est évidemment mondial, mais la quasi-disparition de la gauche dans ce pays où, pendant longtemps, elle fut la plus forte d’Europe, tient en grande partie à la rupture de cet équilibre délicat entre ses traditions. Le fascisme a été le produit de cette rupture après Livourne, la situation actuelle est le produit de la rupture inverse du congrès de Bologne.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message