Maintenant nous savons : dans l’État juif il n’y a de compassion et de sentiments humains que pour les Juifs, des droits uniquement pour le Peuple Elu. L’État juif n’est que pour les Juifs.
Les jeunes de l’État juif attaquent des Palestiniens dans les rues de Jérusalem, exactement comme les jeunes chez les gentils [1] attaquaient les Juifs dans les rues d’Europe. Les Israéliens de l’État juif se déchaînent sur les réseaux sociaux, répandant une haine et un désir de vengeance d’une ampleur diabolique sans précédent. Des inconnus de l’État juif sur une base purement ethnique. Ce sont les enfants de la génération nationaliste et raciste – la descendance de Netanyahou.
Depuis cinq ans maintenant ils n’ont entendu qu’incitations, propos alarmistes et suprématie sur les Arabes de la part du véritable instructeur de cette génération, le premier ministre Benjamin Netanyahou. Pas un mot d’humanité, de compassion ou de traitement égal.
Ils ont grandi dans le contexte de la revendication provoquante de reconnaissance d’Israël comme « État juif » et ils ont tiré les conclusions qui s’imposent. Avant même la délimitation de ce que signifie « État juif » - sera-ce un État qui met les tefilin (phylactères), embrasse les mezouzot (des rouleaux de prières enfermés dans de petites boîtes métalliques ou en bois qui sont fixées aux chambranles des portes d’entrée), sanctifie des sortilèges, ferme le jour de Shabbath et observe strictement les lois de la cashrout – les masses ont compris.
La foule a d’emblée intériorisé la véritable signification : un État juif est un État dans lequel il n’y a place que pour les Juifs. Le sort des Africains est d’être envoyé au centre de détention de Holot dans le Néguev et celui des Palestiniens est d’endurer des pogromes. C’est comme ça que ça marche dans un État juif : c’est à cette seule condition qu’il peut être juif. Dans l’État juif en cours de constitution, il n’y a même pas de place pour un Arabe qui fait de son mieux pour être un bon Arabe, comme l’écrivain Sayed Kashua. Dans un État juif, la présidente de l’Assemblée de la Knesset, Ruth Calderon (du parti Yesh Atid – inutile de préciser que c’est le « centre » de l’échiquier politique) coupe la parole au député arabe Ahmed Tibi (de la liste arabe unie Ta’al) à peine revenu, bouleversé, d’une visite à la famille de Shoafat, le jeune Arabe qui a été massacré, et le sermonne cyniquement sur le thème qu’il doit aussi faire référence aux trois jeunes Juifs massacrés (alors même qu’il venait de le faire).
Dans un État juif, la Cour Suprême autorise la démolition de la maison de la famille d’un homme suspecté de meurtre avant même qu’il ne soit condamné. Un État juif édicte des lois racistes et nationalistes. Les media d’un État juif se complaisent sur le meurtre de trois étudiants de yeshiva et ignorent presque complètement le sort de plusieurs jeunes Palestiniens du même âge qui ont été tués par des tirs de l’armée au cours des derniers mois, généralement sans raison.
Personne n’a été puni pour ces actes – dans l’État juif il y a une loi pour les Juifs et une loi pour les Arabes, dont les vies valent peu. Pas un soupçon de respect du droit international ni des conventions internationales. Dans l’État juif, il n’y a de compassion et d’humanité que pour les Juifs, des droits pour le seul Peuple Elu. L’État juif n’est que pour les Juifs.
La nouvelle génération qui grandit sous sa coupe est dangereuse à la fois pour elle-même et pour ce qui l’entoure. Netanyahou est son ministre de l’éducation ; les media militaristes et nationalistes font office de poème pédagogique ; le système d’éducation qui l’emmène à Auschwitz et à Hébron lui sert de guide.
Le sabra (natif d’Israël) d’aujourd’hui est une espèce nouvelle, piquante dehors comme dedans. Il n’a jamais rencontré son homologue palestinien mais il sait tout de lui – le sabra sait qu’il est un animal sauvage, qu’il a seulement l’intention de le tuer, qu’il est un monstre, un terroriste.
Il sait qu’Israël n’a pas de partenaire pour la paix, puisque c’est ce qu’il a ententu un nombre incalculable de fois de la part de Netanyahou, du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman et du ministre de l’Économie, Naftali Bennett. De la bouche de Yair Lapid il a entendu qu’il y a des « Zoabis » - en référence condescendante à la députée de la Knesset Haneen Zoabi (du parti Balad).
Etre de gauche ou désireux de justice dans l’État juif est considéré comme un délit, la société civile est tenue pour tricheuse, la vraie démocratie pour diabolique. Dans un État juif – dont rêvent non seulement la droite mais le supposé centre gauche incluant Tzipi Livni et Lapid – la démocratie est floue.
Le principal problème de l’État juif ce ne sont pas les skinheads mais les embobineurs moralisateurs, les voyous, l’extrême droite et les colons. Non pas les marginaux mais le courant principal qui est en partie nationaliste et en partie indifférent.
Dans l’État juif, il ne reste rien de l’injonction biblique selon laquelle il faut être juste avec la minorité ou avec l’étranger. Il n’y a plus de ces Juifs qui ont manifesté avec Martin Luther King ou fait de la prison avec Nelson Mandela. L’État juif, qu’Israël veut absolument faire reconnaître par les Palestiniens, doit d’abord se reconnaître lui-même. Au terme de la journée, après une semaine terrible, il semble qu’un État juif ce soit un État raciste, nationaliste, conçu uniquement pour les Juifs.
Traduction SF pour l’UJFP
Tout citoyen honnête, en Israël et dans le monde, doit combattre toutes les horreurs de l’occupation israélienne – qui ont peu à voir avec la construction en Cisjordanie
Par Gideon Lévy, Haaretz, 8 juin 2014
Nouvelle offensive israélienne de « Prix à payer »1 : 1 500 logements supplémentaires ont été annoncés en représailles à la création d’un gouvernement palestinien d’unité.
Il y a bien longtemps que le masque a été arraché et Israël ne cherche plus à cacher que les colonies ne sont rien d’autre qu’une punition. Mais là n’est pas la vraie punition. La vraie punition c’est la tyrannie perpétuelle. Les colonies donnent la mesure des intentions d’Israël ; elles ont été construites pour pérenniser le statu quo et détruire toute chance d’accord. La punition réelle réside dans les souffrances insupportables de l’occupation, qui, de fait, font moins parler d’elles.
Il faut arrêter de parler des colonies. Il y a bien longtemps que le nombre de colons a atteint un seuil critique qui rend la situation irréversible. 1 500 logements de plus ne vont pas changer grand chose. Leur construction prouve simplement qu’Israël entend poursuivre ses efforts de colonisation, mais les logements eux-mêmes ne sont pas le fond du problème. Le vrai problème c’est le régime totalitaire qui règne sur la Cisjordanie. C’est le plus gros problème pour les Palestiniens aussi bien que pour les Israéliens puisque leur nation est devenue une fausse démocratie.
S’il est vrai que sans les colonies l’occupation aurait pris fin, à l’instar de ce qui s’est passé dans l’occupation du sud Liban, il est tout aussi vrai que s’il y avait beaucoup moins de colons, comme dans la bande de Gaza, Israël aurait peut-être pu se désengager de Cisjordanie. Mais Gaza a prouvé que le désengagement ne suffit pas à apporter la justice : Gaza est devenue une prison et plus personne ne parle du sort des prisonniers.
Arrêter la construction des colonies, qui a représenté le plus gros effort sioniste depuis la création d’Israël, serait un geste de bonne volonté. Mais, sans une évacuation totale des colonies (ce qui est totalement irréaliste) et la création d’un gouvernement juste en Cisjordanie, la situation, au fond ne changera pas.
C’est pourquoi l’opposition internationale ne doit pas se concentrer sur les colonies de Cisjordanie mais plutôt se préoccuper de la façon dont elles sont gérées. La communauté internationale devrait se concentrer sur le fait qu’il y a ici deux peuples, l’un qui a tous les droits et l’autre qui n’en a aucun sauf celui de subir l’occupation. Arrêtez de condamner Israël pour chaque nouveau logement ou nouvelle caravane. Israël devrait être condamné et puni pour le fait de rendre la vie insupportable sous l’occupation, pour le fait qu’un pays qui prétend être parmi les nations éclairées continue à maltraiter un peuple entier, nuit et jour.
Parlez des pécheurs de Gaza sans secours quand on leur tire dessus depuis des bateaux de guerre ; parlez des enfants brutalement arrêtés en pleine nuit ; parlez des innombrables détentions sans procès, des familles déchirées entre Gaza et la Cisjordanie, entre Jérusalem et Ramallah. Parlez du doigt israélien qui effleure la gâchette ; parlez des tribunaux discriminatoires, de la dépossession quotidienne, des démolitions de maisons et de la destruction de villages ; parlez des pâturages transformés en champs de tir juste pour décourager les habitants et les expulser ; parlez des soldats qui tirent par ennui et des officiers de police qui procèdent à des arrestations juste parce qu’ils peuvent le faire.
Parlez de l’apartheid inhérent à la Cisjordanie et de l’avenir terrible qui se profile pour tout enfant palestinien cherchant à construire sa vie, ou juste à aller à la plage, même si elle est proche de chez lui. Parlez des Gazaouis qui ne peuvent pas exporter leurs marchandises ni aller où que ce soit – pas étudier, pas aller à l’hôpital, pas rendre visite à des membres de leur famille ni travailler en dehors de leur prison, la plus grande du monde. Parlez des milliers de prisonniers, dont certains sont des prisonniers politiques, qui sont confrontés à une discrimination inhumaine par rapport à leurs semblables juifs. Parlez de la bureaucratie de l’occupation qui est une autre méthode de maltraitance. Parlez des checkpoints et des injustices accablantes. Parlez des horreurs de l’occupation.
Tous ces éléments sont sans commune mesure avec quelques centaines de logements de plus dans les colonies. Tout citoyen qui se respecte, en Israël et dans le monde, devrait combattre ces agissements. On n’entend pas assez de tels combats.
Traduction SF pour l’Agence Media Palestine
1- « Prix à Payer » est un groupe de colons qui sévit en Cisjordanie, qui signe ses forfaits par le tag : « prix à payer » (« price tag »)
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