Hollande a délégué à Valls la liquidation du parti  socialiste

mercredi 13 août 2014.
 

Le premier ministre entreprend de porter l’estocade au parti né du congrès d’Epinay en 1971, 
pour en faire une machine au service du « réformisme assumé » social-libéral qu’il défend. 
Sa stratégie : utiliser la défiance des militants à l’égard des « élites » de sa formation politique.

Comme à la croisée des chemins, le premier ministre, mandaté par le président de la République, veut-il porter l’estocade à ce «  vieux parti  » qu’il ne cesse de ringardiser  ? Et construire un nouveau PS, une machine au service du «  réformisme assumé  » qu’il défend et d’une politique exclusivement tournée vers l’aide aux entreprises  ? «  Hollande a délégué à Valls la liquidation du parti  », tranche Rémi ­Lefebvre. «  Feindre de donner du pouvoir à la base pour la décapiter, analyse le chercheur, exactement sur le modèle de ce qu’a réalisé Tony Blair en créant le New Labour.  » Jouer la base contre les courants en utilisant la défiance des militants à l’égard des «  élites  ». «  Pour Manuel Valls, le parti, sa culture du débat, de respect des textes, est un obstacle, un foyer de résistance. Il pourrait décider d’interdire les motions que l’on vote à la proportionnelle et ainsi faire disparaître de facto les différents courants.  » Un scénario de casse qui pourrait, selon lui, se compléter par une «  régionalisation des instances du parti  », restructuration qui aurait l’avantage d’éloigner les militants du cœur des débats. Une armada suffisamment mobilisable pour faire gagner une élection, mais trop peu politisée pour peser sur les orientations politiques. Une écurie de supporters en lieu et place d’un contingent de militants.

«  Hollande prend parfois 
des directions qui surprennent »

C’est une véritable hémorragie militante dont est victime le Parti socialiste. Le chiffre catastrophique de 25 000 départs depuis deux ans serait lui-même largement minoré. «  La vérité, c’est que les militants sont complètement paumés, reconnaît Pascal Cherki. Ils sont tiraillés entre la volonté que nous partageons tous de voir le gouvernement réussir, ils se souviennent des dégâts causés pendant dix ans par la droite  ; et, en même temps, ils ne comprennent pas ce que nous faisons…  »

Illustration de ce tiraillement, si Corentin, militant en Seine-Saint-Denis, pense qu’«  appelés à définir la ligne du parti, les militants ne choisiront pas forcément celle de Valls  », Lucie, à Pantin, se montre plus indulgente  : «  Il faut laisser le temps. Manuel Valls pour l’instant, ça me va. Sur certains aspects, il a un peu plus de fermeté, ce qui ne l’empêche pas de faire du social. On le taxe d’avoir des valeurs plus à droite, c’est aussi en fonction de sa personnalité.  » Pour Paguy, de Drancy, «  Hollande prend parfois des directions qui surprennent même les militants. Mais il a une légitimité qu’il ne faut pas renier, il a été élu, il n’est pas arrivé par effraction  ». Pour autant, ce vendeur immobilier tient à préciser que «  la légitimité du parti vient de ses militants. Sinon, le parti n’a plus aucun sens. Donc la direction que prendra le PS sera celle que la base aura choisie. Et la base, elle est pour davantage de protection et de justice sociale, pour une économie de marché certes, mais avec des règles  ».

Du côté des dirigeants, on s’efforce à la synthèse. «  Même s’il y a cette inquiétude, ce doute, posez-vous la question  : qui d’autre que nous pour rassembler la gauche  ? Bien entendu, il y a des débats mais il y a aussi des sujets de rassemblement  », tente ainsi le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. Loin de se résumer à une controverse théorique, les débats qui traversent le PS prennent un relief particulier à la lumière du pouvoir. Penser, c’est désormais faire. «  La question posée aujourd’hui, c’est celle de la réduction des inégalités, de l’investissement public, d’une réglementation plus sérieuse de la finance  », insiste Pascal Cherki. L’élu ne croit pas un instant à des renversements d’alliances vers le centre  : «  Un vieux fantasme de la deuxième gauche  » rocardienne. «  Je serais premier ministre, je me questionnerais  : pourquoi les autres composantes de la gauche ne sont plus avec nous  ? Pendant la présidentielle, nous avons rassemblé toutes les voix, les écologistes ont apporté leur écot, les 4 millions de voix du Front de gauche ne sont pas pour rien dans la victoire de François ­Hollande  !  » souligne-t-il, avant de conclure  : «  Je pense qu’il n’y a pas d’alternative au rassemblement de la gauche, des communistes et des écologistes.  »

Scénario remanié à la française du Syriza grec

D’autres, à l’instar de l’ex-député Liêm Hoang-Ngoc et du chercheur Philippe Marlière, «  socialistes affligés  », ne voient que deux possibilités  : soit une réorientation en interne de la ligne du parti au prochain congrès, soit, en cas d’échec, un scénario remanié à la française du Syriza grec, une alliance «  rouge, rose, verte  ». Une manière de suggérer que le devenir du PS engage celui de la gauche dans son ensemble. «  Rassembler toute la gauche derrière les orientations actuelles de François Hollande et Manuel Valls est voué à l’échec. (…) Le seul scénario qui peut conjurer le danger qui plane, c’est un rassemblement de gauche sur une politique alternative à l’austérité. C’est vers la construction de ce projet que tous les efforts doivent être tendus  », expliquait le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, dans l’Humanité du 19 juin.


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