Les multiples pièces de l’échiquier ukrainien ( Monde diplomatique)

samedi 25 juin 2005.
 

Après la victoire sans grande surprise de M. Viktor Iouchtchenko, le 26 décembre, l’Ukraine doit encore conquérir la démocratie et le progrès social. Pièce maîtresse sur l’échiquier eurasien, ballottée entre les Russes et les Occidentaux, elle n’en a pas forcément fini avec les soubresauts pouvant mettre en péril son unité. Sur la route du pétrole, on trouve toujours les Etats-Unis. Et l’Ukraine ne fait pas exception.

Stratège américain, ancien conseiller pour la sécurité du président Carter, M. Zbigniew Brzezinski avait prédit et préparé le « refoulement » en cours de la puissance russe, l’Ukraine devant jouer un rôle décisif :« L’extension de l’orbite euro-atlantique rend impérative l’inclusion des nouveaux Etats indépendants ex-soviétiques, et en particulier l’Ukraine. (1) ». Nous y sommes. Le bouleversement géopolitique qui s’amorce serait le plus important depuis la désintégration de l’URSS et de la Yougoslavie. Il consisterait à faire basculer dans le camp euro-atlantique un pays plus vaste que la France, de 48 millions d’habitants, doté d’un réseau performant d’oléoducs et d’un gazoduc par où s’écoulent 90 % du gaz sibérien livré à l’Europe. Le passage à l’acte a eu lieu, la « révolution orange », dans la capitale, Kiev, et à l’ouest du pays, répliquant aux « fraudes massives » lors de l’élection présidentielle des 31 octobre et 21 novembre 2004.

Les effets combinés de ce soulèvement populaire, du soutien des Etats-Unis, de l’Union européenne et de médias internationaux quasi unanimes ont renforcé les chances de victoire, au troisième tour, du dirigeant de la coalition libérale-nationale, M. Viktor Iouchtchenko. A la mi-décembre, la vague orange fait même contagion dans les régions de l’Est et du Sud, bases du candidat du pouvoir et vainqueur officiel du deuxième tour, le premier ministre Viktor Ianoukovitch. Russophones, russophiles, industrielles, ces régions ne se sont pas activement mobilisées pour leur candidat : la méfiance règne envers les pratiques d’un régime corrompu. Le Parti communiste de M. Piotr Simonenko, marginalisé mais influent, a refusé l’alignement sur l’un des deux blocs, l’un comme l’autre dirigés, aux yeux de nombreux travailleurs, par « des oligarques qui se sont scandaleusement enrichis avec les privatisations ».

Les solidarités de l’Est et du Sud, plutôt qu’une adhésion au pouvoir, expriment les intérêts de couches populaires redoutant les fermetures de mines et d’entreprises en cas de libéralisation radicale et craignant le nationalisme ouest-ukrainien. Ceux qui entendent « rester du côté du manche » se préparent d’ailleurs à l’éventualité du règne de M. Viktor Iouchtchenko. Mais l’orientation « euro-atlantique » rencontre de solides obstacles : le poids de Moscou - le gaz, les dettes pétrolières ukrainiennes, le nucléaire - et le fait que les régions orientales assurent la majeure partie des revenus du pays. Sans parler du cas spécifique de la Crimée, déjà autonome, et de la base navale russe de Sébastopol. Le candidat de l’Ouest en est très conscient : une « victoire totale » est impossible.

Dès lors, comme le constate une étude américaine, « la défaite de la Russie n’est pas complète (2) ». Engagée dans la sous-traitance de la crise, l’Union européenne ne souhaite pas que les feux orange allument l’incendie sur le fleuve bleu de « son » gaz naturel. La recherche d’un compromis s’impose si l’on veut éviter un scénario meurtrier. Le coup de force « orange » survient pourtant au moment propice. Un Etat ukrainien déliquescent, une société rompue par la misère, saignée par l’émigration, socialement et culturellement fractionnée, le dégoût envers les mœurs criminelles qui ont marqué, ici comme en Russie, le partage de la propriété et du pouvoir : il y avait là une occasion de déstabilisation, frayant aux Etats-Unis et à l’OTAN un chemin plus ample sur l’échiquier eurasien. Il y avait d’ailleurs urgence : sur fond de reprise économique, tant en Ukraine qu’en Russie, se profilait le chantier d’un nouveau « marché commun » euro-asiatique, à l’initiative de Moscou.

La « révolution orange » a été préparée de longue date. L’administration Bush aurait dépensé 65 millions de dollars en faveur de M. Viktor Iouchtchenko (3). Le coup d’envoi de la « révolution » fut donné le 17 février 2002 à Kiev. Dans le cadre de la prestigieuse fondation de M. George Soros (4), l’ancienne secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Mme Madeleine Albright, invite les représentants de 280 organisations non gouvernementales (ONG) d’Ukraine à contester le pouvoir en place et à surveiller le déroulement des élections parlementaires de mars. La technologie de la « révolution des roses » a fait ses preuves en Géorgie (lire Dans l’ombre des « révolutions spontanées »). Le 30 janvier 2004, au forum de Davos, la présidente du National Democratic Institute of the USA désigne l’Ukraine, mais aussi la Colombie, le Nigeria et l’Indonésie comme les « quatre démocraties-clés » du proche avenir.

Indignations sélectives A Kiev le 21 février, faisant miroiter les perspectives d’adhésion rapide de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN, Mme Albright rappelle la lettre du président George W. Bush, du 4 août 2003, enjoignant à M. Leonid Koutchma de ne plus briguer de mandat présidentiel ou officiel quelconque (5). « Le sauvetage de la démocratie en Ukraine », exige-t-elle en mars, doit faire partie « du même agenda que sa promotion au Proche-Orient ». Et d’annoncer que, en cas d’élections frauduleuses, non seulement l’Ukraine serait sanctionnée, mais ses dirigeants seraient privés « de leurs propres comptes bancaires et de privilèges de visa (6) ». Les médias occidentaux, mobilisés pour la cause, restent discrets sur le rôle d’encadrement d’un vaste réseau d’institutions et de fondations américaines. Celles-ci en tirent pourtant fierté : leur mission n’est-elle pas de répandre partout la démocratie ?

Les cibles de leurs campagnes sont bien ajustées : des régimes corrompus et leurs fraudes électorales. Indignations certes sélectives : les présidents Boris Eltsine, Vladimir Poutine, Edouard Chevardnadze ou Leonid Koutchma ont été ménagés tant qu’ils restaient utiles, comme le sont encore le régime autoritaire d’Azerbaïdjan, qui tient les robinets du pétrole de la mer Caspienne et d’oléoducs « occidentaux » stratégiques, ou celui du Turkménistan, aux sources du gaz.

Le western coloré de nos petits écrans, où s’affrontent le bon pro-occidental et le méchant pro-russe Viktor Ianoukovitch, se déroule apparemment dans la candide inconscience du scénario du pire qu’on ne peut exclure : la dislocation de l’Ukraine. A tel point que l’ancien président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), M. Jacques Attali, invite les Européens à se souvenir du « désastre yougoslave (7) ».

En septembre 2004, dans un appel au durcissement envers Moscou, Mme Madeleine Albright et l’ex-président tchèque Vaclav Havel, suivis par de nombreuses personnalités de toutes tendances, ne disent curieusement pas un mot sur la guerre en Tchétchénie (dont tout le monde parle au lendemain de la prise d’otages à l’école de Beslan, début septembre), mais soulèvent un thème nouveau, celui des menaces russes sur « la sécurité énergétique de l’Europe (8) ». Discours codé, mais révélateur des enjeux, les vrais.

La crise ukrainienne coïncide avec d’autres événements ayant en commun d’affaiblir la Russie et de figurer sur les routes du pétrole et du gaz (ou à côté) : aménagement de « corridors énergétiques » destinés à soustraire leur exportation aux réseaux russes, tentatives répétées de mise à feu de la poudrière caucasienne. Au nord, en Tchétchénie, la guerre russe et le terrorisme des radicaux se défient dans l’escalade de la barbarie. La tragédie de Beslan, en Ossétie, à majorité chrétienne, ajoute un brûlot religieux à la fournaise. Le Daghestan multiethnique voisin est menacé d’y tomber. Au sud, les conflits séparatistes couvent en Géorgie (Abkhazie, Ossétie du Sud) et en Azerbaïdjan, confronté dans le Haut-Karabakh à l’Arménie.

Les défaites géopolitiques de M. Vladimir Poutine, de même que la crise démographique et sociale en Russie, incitent certains analystes de la CIA à envisager une désagrégation de la Russie dans les dix années à venir (9). M. Zbigniew Brzezinski imagine dès 1997, une confédération de trois Etats russes - une Russie européenne, une république de Sibérie et une autre extrême orientale - et la désagrégation du Nord-Caucase russe en 2004 (10). L’OTAN pourrait être amenée à y intervenir, les républiques du Nord-Caucase étant, selon M. Brzezinski, de « petites enclaves ethniques (...) toujours sous domination russe (11) ». Le cofondateur de la Trilatérale (club fermé de hauts responsables américains, européens et japonais) explicite les fins et les moyens d’une stratégie dont l’Europe devrait être la tête de pont : empêcher la Russie de reconstituer une puissance, coloniser la Sibérie, maîtriser les ressources énergétiques. Les enjeux d’une nouvelle guerre froide, qui a ses antécédents lors du conflit du Kosovo.

Dès 1989-1991, la disparition du « bloc socialiste » impliquait la réintégration de son espace au système capitaliste. Elle a lieu dans un monde transformé : mondialisation des marchés, rôle-clé des firmes transnationales, hégémonie des Etats-Unis, dominance de l’idéologie néolibérale. Dans ce contexte, les anciens pays de l’Est sont conviés à des rôles précis de fournisseurs de main-d’œuvre à bon marché, de matière grise et de savoir-faire, de quelques beaux restes d’industries aéro-spatiales. Tout en ouvrant leurs marchés aux produits compétitifs du monde extérieur, ils devront surtout extraire et acheminer de l’énergie vers la Chine et la « triade » Etats-Unis, Europe et Japon (12).

Les Etats issus de l’URSS abordent cette intégration à armes inégales. La Russie de M. Boris Eltsine, la mieux pourvue en hydrocarbures exportables, la plus « respectable » en tant que puissance nucléaire, la plus décidée à entamer la thérapie de choc libérale, obtient naturellement la priorité des faveurs occidentales. L’Ukraine de M. Leonid Kravtchouk, dépourvue de toutes ces qualités (elle accepta de se laisser dénucléariser), ne pouvait qu’être négligée. Le président George Bush père ne lui avait-il pas conseillé de modérer son « nationalisme suicidaire » ?

C’est après coup que se révèlent les avantages d’une Ukraine séparée de la Russie et dressée contre elle. Corridor énergétique, voie de pénétration de l’Occident au cœur et aux marches méridionales de la Russie, riveraine de la mer Noire, voisine du Caucase et du bassin de la mer Caspienne : c’est une haute valeur ajoutée en termes stratégiques.

Or, la dislocation de l’URSS profite à la Russie devenue souveraine, là où elle déshérite l’Ukraine indépendante. Celle-ci perd l’avantage de l’énergie aux prix soviétiques. Le pétrole et le gaz lui sont vendus aux cours mondiaux. Bientôt écrasée de dettes, l’Ukraine les échange contre des prises de participation russes dans ses entreprises. Or, les deux pays ont besoin de synergies pour reconstituer des chaînes technologiques disloquées en 1990-1991. Après une décennie d’effondrement - plus de la moitié du produit intérieur brut en moins - et de paupérisation absolue pour le plus grand nombre, l’Ukraine connaît un rebond de croissance et d’investissements, en même temps que la Russie.

Le Kremlin n’est donc pas dépourvu d’atouts ni d’alliés. Ses amis ukrainiens ne sont pas ses vassaux. En 2004, le gouvernement de Kiev a préféré, à l’appropriation russe du gazoduc, une cogestion russo-ukrainienne. M. Viktor Ianoukovitch aurait refusé, lors de récentes privatisations, tant les avances russes que les offres américaines, privilégiant un groupe est-ukrainien. En fait, c’est un régime clanique hérité de l’époque soviétique qui gouverne les relations industrielles. Un clan règne sur le Donbass, un autre à Dniepropetrovsk, un troisième à Kiev.

Les pratiques népotiques et mafieuses ne sont pas moins répandues à l’Ouest, quoique différemment. Le banquier Viktor Iouchtchenko soigne les investisseurs occidentaux. Sa coéquipière, Mme Ioulia Timochenko, aurait détourné à son profit quelques flux de gaz sibérien. Mais, à l’Ouest également, les technologies russes ont été choisies pour de nouvelles centrales nucléaires. C’est dans ce contexte que se met en place un espace économique unique - Russie, Belarus, Ukraine, Kazakhstan - « alternatif » à l’Union européenne. Depuis 1999, la Russie multiplie les initiatives industrielles, pétrolières, militaires, commerciales visant à restaurer sa puissance et à contrer la pénétration américaine dans l’espace ex-soviétique.

Les projets eurasiens du président Vladimir Poutine, sa relance des programmes d’armement nucléaire, sa mise au pas de certains oligarques pétroliers, le réexamen des privatisations « illégales » des années 1990 sont autant de signes de la vigueur nouvelle de la Russie et de sa « capacité de nuire ». La crise en Ukraine est l’occasion de signifier à M. Poutine qu’il dépasse les limites. Or, le président russe s’enhardit. Dérogeant à sa proverbiale prudence, il accuse, sans les nommer, les Etats-Unis - ses « alliés stratégiques » depuis le 11-Septembre - de « dictature » dans les affaires internationales et de volonté unipolaire. Des idéologues anti-occidentalistes, tel M. Alexandre Douguine, préconisent un choix « eurasien » pour la Russie.

Affaiblir la Russie La guerre froide qui s’amorce n’a pas le sens d’un affrontement de systèmes opposés comme jadis. C’est un « capitalisme en puissance », la Russie, que l’on cherche à affaiblir au moyen d’un autre, l’Ukraine, beaucoup moins engagé dans la voie libérale souhaitée. Même si des querelles idéologiques persistent et enveniment les relations entre Moscou et Kiev, entre Donetsk et Lviv.

Au moment où déferle la « révolution orange », un hebdomadaire culturel russe paraît avec, à la « une », un photomontage montrant une rangée de supposés députés européens lilliputiens s’attaquant aux Gulliver de l’armée rouge en uniformes de la guerre de 1941-1945. A la page 2, on voit l’image de manifestants de l’Est ukrainien exhibant une pancarte : « Non à la Banderovchtchina (13) ». Le message ? La victoire sur l’Allemagne nazie en 1945, dont les ex-Soviétiques s’apprêtent à célébrer les 60 ans le 8 mai 2005, serait bradée en Occident, au Parlement européen (14), et dénigrée dans l’Ouest ukrainien. C’est la revanche du « chef fasciste Bandera (15) ».

Il faut dire que Russes et Ukrainiens ne lisent plus les mêmes livres d’histoire. Les combattants de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), collaborateurs de l’Allemagne hitlérienne et complices du génocide nazi pour les Soviétiques, sont partiellement réhabilités à Kiev. L’armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) et Stepan Bandera sont présentés comme des patriotes ayant combattu sur deux fronts, contre les totalitarismes « nazi et stalinien (16) ». En Galicie et à Ivano-Frankivsk, la révision du passé va jusqu’à rendre hommage à la division SS « Galicie ». Le centre culturel russe de Lviv a été maculé de svastikas et de slogans antisémites, la dénonciation des moskali-kike (moscoutaires « youpins » ) revient au goût du jour. M. Iouchtchenko, pourtant soutenu par certains partis d’extrême droite, s’est démarqué des plus radicaux, nostalgiques des SS.

Officiellement, sous le régime de M. Leonid Koutchma, on a tout à la fois célébré les hauts faits de l’armée rouge et requalifié ses adversaires nationalistes de mouvement de libération nationale face à un régime stalinien accusé du « génocide du peuple ukrainien » lors de la famine de 1932-1933.

Dans ces enjeux de mémoire et de reconquête des âmes, un rôle essentiel, explique l’historien ukrainien Taras Kuzio, est joué par la diaspora d’Amérique - principalement originaire de Galicie et politiquement très influencée par les diverses branches de l’OUN - , qui, mis à part une minorité fascisante, est dévouée à la cause de la démocratie. Après 1991, en Ukraine, elle a largement investi les domaines de l’éducation, de la culture et des médias. Son prosélytisme est remarquable, comparé au vide idéologique de l’ex-nomenklatura (17).

Le renouveau de l’« idée ukrainienne » rivalise avec l’énorme attrait de l’Occident dans la jeunesse, qui se détourne à la fois du passé de l’URSS et du présent de la Russie. L’intellectuel russe national-conservateur Alexandre Tsipko (18) déplore la perte de la « Russie historique » en Ukraine orientale et méridionale, mais il reconnaît au centre et à l’ouest le surgissement d’une « nouvelle nation politique ». Une génération y a grandi qui n’a pas connu la communauté soviétique et ne vit pas, comme l’Est ukrainien, en symbiose avec la Russie actuelle.

C’est cette génération-là qu’on a vue sur les places de Kiev. La Russie et l’Est ukrainien ne pourraient s’en rapprocher qu’en optant pour une libéralisation plus radicale. Les libéraux russes espèrent une « contagion orange » chez eux. Politiquement défait en Russie, le parti de l’Union des forces de droite est venu saluer à Kiev, par la voix de son leader Boris Nemtsov, la victoire de ses alliés de Notre Ukraine. Et de dénoncer avec virulence son propre pays comme leader d’Etats voyous.

En ce début de 2005, la bataille continue pour les législatives de 2006. La recomposition politique sera d’autant plus déterminante que la réforme constitutionnelle voulue par le président Leonid Koutchma, refusée par les tenants de la vague orange et leurs sponsors américains, a finalement été votée à la Rada (soviet suprême) le 8 décembre avec l’assentiment de M. Iouchtchenko, en échange de garanties sur l’« honnêteté » du scrutin du 26 décembre et d’une relative mise à l’écart de son rival, M. Ianoukovitch, contraint d’abandonner son poste de premier ministre. Cette réforme devrait, en principe, aboutir à remplacer l’actuel régime présidentiel par une démocratie parlementaire.

En même temps, le débat sur l’éventuelle fédéralisation du pays est relancé. Mais la désagrégation de l’Ukraine a bien commencé. Plurielle et divisible, saura-t-elle se préserver dans un nouveau modus vivendi ? La crise ukrainienne soulève d’autres questions. Quels avantages l’Europe et l’Ukraine trouveraient-elles à se rapprocher pour jouer contre la Russie plutôt que de jouer ensemble avec elle ? En quoi seraient-elles servies par une guerre froide concoctée outre-Atlantique avec des relais à Prague, à Riga et à Varsovie ? L’Union européenne pourrait-elle d’ailleurs honorer les promesses d’intégration rapide de Mme Albright ?

Face à des déstabilisations auxquelles il n’a évidemment aucun intérêt, le Kremlin va-t-il continuer à se laisser tailler des croupières, tout en quémandant des strapontins... et les investissements qui lui sont indispensables, notamment pour entretenir la rente pétrolière ? Il serait surprenant que la crise ukrainienne ne soit suivie de sérieuses retombées à Moscou.

Jean-Marie Chauvier. Par Jean-Marie Chauvier

(1) Zbigniew Brzezinski, Le vrai choix, Odile Jacob, Paris, 2004, p. 141.

(2) Peter Zeihan, « Russia, after Ukraine », Stratfor, 10 décembre 2004.

(3) Mat Kelley, Associated Press, 11 décembre 2004.

(4) International Renaissance Foundation (IRF) déclare avoir dépensé pour ses œuvres, entre 1990 et 1999, 50 millions de dollars.

(5) Zerkalo Nedeli, Kiev, 28 février - 2 mars 2004, www.obozrevatel.com.

(6) New York Times, 8 mars 2004.

(7) Le Figaro, 7 décembre 2004. Débat avec Mme Hélène Carrère d’Encausse.

(8) « Cessons d’embrasser Poutine », Le Monde, 30 septembre 2004.

(9) The Independent, Londres, 30 avril 2004.

(10) Zbigniew Brzezinski, Le Grand Echiquier, Bayard, Paris, 1997.

(11) Zbigniew Brzezinski, Le Vrai Choix, op. cit., p. 135

(12) « Quelle place pour la Russie dans le monde ? », in « Les guerres antiterroristes », Contradictions, Bruxelles 2004.

(13) Du nom de Stepan Bandera, ancien chef de l’Organisation des nationalistes ukrainiens, dont s’est réclamée l’Armée d’insurrection ukrainienne à partir de 1942.

(14) Des députés du Parlement européen ont appelé au boycott des cérémonies devant marquer, le 8 mai 2005 à Moscou, le 60e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie.

(15) Literatournaïa Gazeta, 1-7 décembre 2004.

(16) Lire Bruno Drweski et autres : « L’Ukraine, une nation en chantier », dans La Nouvelle Alternative, n° 36, décembre 1994, et, pour les points de vue de l’historiographie ukrainienne récente, Mykola Riabtchouk, De la « Petite Russie » à l’Ukraine, préface d’Alain Besançon, L’Harmattan 2003, et Olivier de Laroussilhe, L’Ukraine, coll. « Que sais-je ? », PUF, Paris, 2e édition mise à jour, 2002.

(17) Sur l’influence de la diaspora et, en son sein, de l’OUN, lire Taras Kuzio dans Courrier des pays de l’Est, n° 1002, Paris, février 2000.

(18) Ancien idéologue du PC soviétique, où il fut pionnier dans les attaques contre le marxisme à la fin des années 1980, Alexandre Tsipko s’est allié à M. Boris Eltsine, puis s’en est séparé. Il défend, avec d’autres, une « idée nationale » où la Russie conserverait une partie de ses héritages tsariste et soviétique, bénéfiques à sa modernisation.


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