La gauche n’a plus le choix, ou elle se couche ou elle affronte la finance

jeudi 23 octobre 2014.
 

À l’opposé des recettes formatées ressassées par les libéraux et sociolibéraux qui se plient aux exigences des marchés financiers, la dépense publique, ce n’est pas le problème, c’est la solution. La nouvelle capitulation du gouvernement et de son ministre des Finances annonçant le maintien de cap vers une réduction de 50 milliards d’euros des dépenses publiques illustre de manière dramatique les enjeux de la période. Sans aucun doute, il y a derrière ce comportement digne des bourgeois de Calais la pression de la puissante Allemagne. Une pression visant à contraindre les pays de la zone euro à se plier aux exigences des marchés financiers. Il faut se rappeler que le 7 novembre 2012, Angela Merkel invitait devant le Parlement européen tous les États membres à fonder la «  politique financière commune (…) sur des marchés financiers performants et robustes  ». N’a-t-elle pas antérieurement déclaré même que «  la démocratie doit être conforme au marché  »  ?

L’art de gouverner devrait donc consister à savoir écouter non pas le peuple mais la finance. Dans une conjoncture déprimée, menacée par la déflation, la finance entend effectivement plus que jamais accroître ses prélèvements sur la société en obtenant un recul de la dépense publique et une reconfiguration du modèle social français et européen. Le message mérite que tous ceux qui, à gauche, contestent un tant soit peu la politique d’austérité et de soutien aux capitaux actuelle, des écologistes aux communistes, au Front de gauche, en passant par les frondeurs du Parti socialiste, débattent de ces enjeux. Pour sortir de l’impasse économique, sociale et politique actuelle, il ne s’agit pas de s’en tenir à des demi-mesures. Les marchés et leur chevalier blanc, Angela Merkel, n’entendent pas d’ailleurs céder un pouce à ceux qui réclament une austérité «  à visage humain  », à doses moins fortes. Il n’est dès lors point de salut hors de mesures radicales mettant en cause les prélèvements et les pouvoirs de la finance sur les peuples.

La gauche n’a plus le choix, ou elle se couche ou elle affronte la finance. Il ne s’agit pas là d’un a priori idéologique de partisans du «  toujours plus  », mais d’un impératif. Dans la crise actuelle du capitalisme, la révolution informationnelle à l’œuvre, dès lors qu’elle est engagée sous critère de rentabilité financière, est appelée à être de plus en plus dévastatrice pour la croissance et l’emploi, et les conditions sociales d’existence des populations. Si l’on veut, au contraire, qu’elle serve le développement humain, il faut la tirer des griffes des financiers.

Dans ce débat à engager à gauche, une idée mérite un intérêt particulier  : et si l’on considérait enfin la dépense publique, dès lors qu’elle vise à l’efficacité sociale, non pas comme le problème mais comme la solution à nos difficultés  ? L’engagement hardi d’une grande politique de développement des services publics, d’éducation, de formation, de santé, d’énergie, de transport… permettrait d’alimenter la demande et de proposer une offre plus efficace. La montée en puissance des qualifications dans le salariat en même temps que la création de nouveaux débouchés liés à la satisfaction des besoins sociaux donneraient un tout autre cours à la mise en œuvre des nouveaux outils technologiques. Cela suppose évidemment de trouver des sources de financement différentes de celles que les États et les entreprises tirent des marchés.

C’est à cette fin que les communistes, le Front de gauche, nombre d’économistes atterrés militent notamment pour que la Banque centrale européenne utilise sa capacité de création monétaire. Dans la crise, elle a jusqu’à présent déversé des centaines de milliards d’euros, baissé ses taux d’intérêt pour aider les banques sans réclamer de contreparties et cela a abouti à une situation de quasi-déflation. Une France bien arrimée à gauche pourrait faire fléchir la droite allemande, cela d’autant qu’il y a de l’autre côté du Rhin et en Europe des forces sociales et politiques à l’unisson.

Pierre Ivorra, L’Humanité


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