Après le décès de Margerie (21 octobre 2014), la meute politico-patronale réclame l’exclusion du PS de Gérard Filoche

vendredi 21 octobre 2022.
 

A) Solidarité avec Gérard Filoche (Jacques Serieys)

Christophe de Margerie, dirigeant de Total, a perdu la vie dans un accident d’avion à Moscou. Nous exprimons nos condoléances à sa famille comme pour tout humain. Ceci dit, nous ne pouvons participer au concert de louanges qui envahit tous les médias.

Gérard Filoche, membre du Bureau national du PS et rare vrai opposant socialiste au gouvernement a lancé sur le web le tweet suivant : « De Margerie est mort. Famille Taittinger en deuil. Les grands féodaux sont touchés. Ils sont fragiles. Le successeur nous volera t il moins ». En réponse à une première attaque patronale, il répond : « Un hommage à l’humain ? Oui ! Au suceur de sang ? Non ! » Avant d’ajouter : "Ah, les défenseurs des féodaux aveugles qui n’ont aucune compassion quand un ouvrier meurt au travail !" "Aucune forme d’irrespect chez moi envers un humain, s’est-il défendu, mais clairement Cdm était un féodal sans scrupule qui pillait notre pays."

Manuel Valls en a profité :

- pour prendre la défense du patron de Total. « C’était un ami et un grand chef d’entreprise »

- et sonner l’hallali contre Gérard Filoche qui ne « mérite pas » d’être au Parti socialiste : « Face à un homme qui, quels que soient les désaccords, meurt dans ces conditions tragiques, nous avons des pensées. Il n’y a qu’un seul mot : la dignité. Ceux qui se comportent avec des mots qu’on ne peut prononcer quand un homme disparait ne méritent pas d’être dans la formation politique qui est la mienne. »

Dans la foulée du locataire de Matignon, les personnalités de la rue de Solférino ont tapé sans cesse en faveur de l’exclusion de Gérard Filoche. « Que fait encore Gérard Filoche au Parti socialiste ? Ses propos sont abjects », a tweeté l’élu parisien Christophe Caresche. Auprès de BFMTV, le parlementaire PS François Loncle a également demandé son exclusion...

Je rappellerai ici que Dominique Strauss Kahn et Jérôme Cahuzac ont bénéficié de la part des dirigeants du Parti Socialiste d’un traitement bien plus soft, bien plus respectueux, bien plus compréhensif lors de l’éclatement de leur "affaire". Par ailleurs, Jean-Noël Guérini, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône, mis en examen pour « prise illégale d’intérêts, trafic d’influence et association de malfaiteurs » n’a jamais été exclu ; c’est lui qui a choisi de partir au bout de plusieurs mois pour être libre de se présenter électoralement hors du PS.

L’UMP n’a évidemment pas attendu avant de contribuer au lynchage général avec demande d’exclusion du Parti socialiste. Eric Ciotti, notamment, a jugé son intervention « honteuse et indigne ». « Il doit être exclu après cet énième dérapage », a considéré le député des Alpes-Maritimes. « La France perd l’un de ses plus grands patrons. Filoche, membre du bureau national du PS l’insulte », s’indigne Aurore Bergé, conseillère politique à l’UMP et proche de Valérie Pécresse. Elle aussi interpelle Jean-Christophe Cambadélis, demandant l’exclusion de Gérard Filoche du Parti socialiste.

Cette affaire est absolument symptomatique de la bienpensance médiatique politisée actuelle. Le jour même du décès de Chavez, bien des saloperies ont suinté des personnalités et des médias qui aujourd’hui reprochent à Gérard Filoche son manque de dignité lors du décès d’un humain.

Lorsque Christophe de Margerie avait dit le plus grand bien de son grand père Pierre Taittinger sur les écrans, j’avais relevé sur ce site l’absence totale de réaction dans la presse et les milieux politiques.

Or, ce Pierre Taittinger était à la fois un grand patron et un grand fasciste, fondateur en particulier des Jeunesses Patriotes qui défilaient en faisant le salut hitlérien. Ces Jeunesses sont nées en 1924 dans le cadre de la vieille Ligue des patriotes de Paul Déroulède. En 1937, les JP deviennent le Parti républicain national et social lié à Doriot dans le cadre du Front de la Liberté. De nombreux dirigeants du PNRS seront des collaborateurs actifs ; en voici trois exemples :

- l’industriel Roger de Saivre dirige les troupes de choc des JP le 6 février 1934 avant de devenir chef-adjoint du cabinet civil du maréchal Pétain.

- Jacques Schweizer, président général des Jeunesses nationales et sociales puis, après 1940, chef des Jeunes de l’Europe nouvelle, mouvement collaborationniste.

- Xavier Vallat, Commissaire général aux questions juives dans le gouvernement de Vichy.

L’affirmation de Christophe de Margerie sur son grand-père n’aurait-elle pas mérité alors, ne serait-ce qu’un entrefilet dans quelques journaux se réclamant "de gauche" comme Le Monde, Le Nouvel Observateur ou Libération ? Or, personne ne prit le risque de déplaire à un patron aussi puissant. Etait-il juste alors de faire valoir le décès du grand-père pour éviter de dire la vérité ?

Pour terminer, j’ajouterai une remarque. Les personnalités de la rue de Solférino, (dont ceux au pouvoir actuellement), cherchaient depuis longtemps la bonne occasion pour virer Filoche du Parti Socialiste. Même celles et ceux qui considèrent le tweet de Gérard un peu fort au lendemain du décès de Christophe de Margerie doivent comprendre la portée politique de l’offensive actuelle contre lui. Solidarité avec Gérard Filoche.

Jacques Serieys

B) Décès de Christophe de Margerie : l’un des leurs est parti (NPA)

Dans la nuit du 20 au 21 octobre, la presse informait du décès du PDG de Total, Christophe de Margerie. Son avion privé a heurté une déneigeuse au moment du décollage à l’aéroport de Vnukovo près de Moscou. Comme on pouvait s’y attendre, tout le personnel politique bourgeois (de droite comme de « gauche ») ainsi que la presse ont salué la mémoire d’un « grand dirigeant ». Lors de l’accident trois membres de l’équipage sont également décédés.

Selon les autorités russes, le conducteur de la déneigeuse aurait été ivre au moment de l’accident. Cependant, on ne peut pas leur faire confiance car elles pourraient vouloir faire peser toute la responsabilité sur ce travailleur de 63 ans. D’ailleurs, l’avocat de celui-ci a déclaré qu’au « moment des faits [le travailleur] n’était pas ivre (…) mon client souffre d’une maladie chronique du cœur donc il ne boit pas, ce qui peut être confirmé par sa famille et médecins ».

Les mauvaises conditions météorologiques peuvent aussi avoir pesé et ces derniers jours on a pointé la responsabilité des contrôleurs aériens russes. Les autorités de l’aéroport viennent de démissionner également. L’enquête est encore en cours.

Pragmatisme et cynisme

Dans la presse bourgeoise nationale et internationale on trouve une grande quantité d’articles rendant hommage à « un grand stratège », un homme avec un « très bon sens de l’humour », un « aventurier ».

La réalité c’est que Christophe de Margerie était un héritier d’une famille ultra riche et liée au grand capital. Côté maternel, il est le petit-fils du fondateur de la maison de luxe Taittinger ; quant à son père, Pierre-Alain Jacquin de Margerie, il a longtemps été à la tête de ce qui allait devenir le premier assureur français, AXA.

De Margerie est entré chez Total très jeune dans les années 1970, en pleine « crise du pétrole ». Grâce à son talent de négociateur et pour établir de bonnes relations avec ses interlocuteurs, il a été promu en 1992 dans l’équipe de commerce pour le Moyen-Orient. Trois ans plus tard, il devient directeur général affecté à cette région.

De Margerie était un expert des « subtilités des négociations avec les bouillants pétroliers vénézuéliens, les hiérarques russes, les potentats africains assoiffés de pétrodollars, les satrapes d’Asie centrale. Et surtout les princes du Golfe assis sur les deux tiers des réserves d’or noir de la planète » (Le Monde, 21/10). En réalité, ce qu’on essaye de présenter aujourd’hui comme un « grand atout », ce sont les affaires obscures de Margerie avec tous types de tyrans et oppresseurs des peuples de toute la planète.

D’ailleurs, De Margerie était l’un des rares dirigeants de multinationales impérialistes à afficher ouvertement sa « sympathie » envers la Russie, allant même jusqu’à condamner les sanctions économiques contre Poutine et son entourage. Evidemment, tout cela suivait une logique purement affairiste. En effet, Total a l’intention de faire de la Russie sa principale source de gaz et de pétrole.

Total « exonéré » d’impôts en France

Malgré le fait que Total soit l’entreprise française la plus riche et celle dégageant les plus grands profits, elle ne paye pas un centime d’impôts en France (comme la plupart des grands groupes français d’ailleurs).

Le prétexte mis en avant c’est que l’activité de Total en France ne serait pas rentable, et que légalement une entreprise qui a des « pertes » n’a pas à payer d’impôts. Cyniquement, De Margerie déclarait il y a quelques mois qu’il « rêvait » de payer des impôts en France ; entendez : que l’activité de Total devienne « rentable » en France.

Même si de temps à autre, certains politiciens se plaignent hypocritement de cette situation, l’Etat français est pleinement complice des magouilles financières de Total. C’est grâce à un mécanisme financier instauré par celui-ci que ce type d’entreprises ne paye pas d’impôts. Et ce, sans parler des juteux marchés que l’Etat impérialiste français offre à son « champion ». Aurait-on déjà oublié que les bombardements sur la Lybie ont aussi eu comme résultat des perspectives de gains très importants pour cette multinationale ?

Pire encore, comme si c’était une provocation, c’est De Margerie lui-même qui déclarait dans une interview aux Echos en août dernier que l’Etat devait « rétablir ses comptes publics » !

La classe ouvrière n’a rien perdu !

En effet, c’est avec le prétexte de la « non rentabilité » de son activité en France que Total prétend depuis quelques années réduire son activité dans le pays. C’est ainsi qu’en 2010, l’entreprise annonçait la fermeture de la raffinerie de Dunkerque, ce qui a provoqué une grève de solidarité au niveau national dans le secteur, laissant la France au bord de la pénurie. Ce n’est qu’une trahison des directions syndicales, qui ont subitement mis fin à la grève, qui a permis à Total de sauver sa peau.

Cependant, cette grève historique ainsi que celle menée quelques mois plus tard dans le cadre de la lutte contre la réforme des retraites de Sarkozy en 2010, ont constitué un traumatisme pour le patronat (et ses politiciens). C’est ce qui explique qu’aujourd’hui ils prennent beaucoup de précautions pour évoquer des fermetures de sites ou même la réduction de l’activité dans les raffineries en France.

Dans ce contexte, le communiqué de la fédération chimie-énergie de la CFDT est tout simplement scandaleux. On y affirme que « Christophe de Margerie était un stratège industriel reconnu de tous. Il avait initié un dialogue social de qualité dans le groupe et placé la performance sociale au même titre que les performances économiques ou environnementales. La FCE-CFDT tient à lui rendre un hommage sincère ». On se demande sincèrement jusqu’où ira la décomposition pro-patronat de ce syndicat !

Les travailleurs et travailleuses n’ont rien à regretter de la mort de Christophe de Margerie. Il était un patron sans scrupules prêt à pactiser avec n’importe quel petit tyran pourvu que cela lui garantisse de gros profits. Un des leurs est parti. Les capitalistes en trouveront rapidement un autre pour prendre sa place. La victoire définitive de notre classe ne pourra venir que du renversement de ce système d’oppression et d’exploitation.

Philippe Alcoy

23/10/2014.

Source du texte B : http://fabricadehombreslibres.blogs...

C) De Margerie : démesure des dithyrambes consacrés au décès d’un PDG. Exclure le parti socialiste du parti socialiste (Jean Ortiz, PCF)

Un homme est mort dans un accident du travail. On ne peut que le déplorer et s’incliner avec respect. Près de 600 victimes chaque année sont emportées par des conditions de travail déplorables...

Autre chose est d’oublier les fonctions que cet homme occupait (PDG du groupe Total) et le bilan de son activité professionnelle.

Il convient donc de découpler les deux dimensions.

Chaque jour en France des maçons meurent en tombant d’échafaudages, victimes eux aussi d’accidents de travail, sans parler des scandales des maladies dites professionnelles... Ils sont enterrés dans l’anonymat, le silence médiatique, l’indifférence.

Chaque jour dans le monde meurent de faim l’équivalent du nombre d’habitants d’une ville moyenne, un enfant toutes les 7 secondes, sans que les médias daignent y consacrer quelques mots. Rayés de la carte sans faire « la une », ni la deux, ni la trois... Blocus médiatique sur les maux du monde ! Ces « génocides silencieux de la misère » (Galeano) ne rentrent pas dans le menu du latifundium médiatique. Mensonge par omission.

Ce qui choque beaucoup de citoyens depuis hier, c’est la place démesurée et les dithyrambes consacrés au décès d’un PDG, et qui plus est, en oubliant qui il était, et l’attitude pour le moins anti-citoyenne de son groupe : pilleur des richesses de l’Afrique, ingérences politiques, pilier de la « Françafrique », dégâts écologiques colossaux, corruption à flots, privilèges fiscaux insupportables, profits monstrueux qui profitent surtout aux gros actionnaires, aux suceurs de sang et de sueur.

Si nous sommes, paraît-il, égaux dans la vie comme devant la mort, la disparation d’un patron mérite certes information, mais pas « en boucle » comme un quasi deuil national.

Je me souviens que lorsque l’un des plus grands chanteurs français, Allain Leprest, nous a quittés, sa mort fut presque ignorée par les grands médias et la plupart de ceux qui y firent un modeste écho n’avaient jamais parlé de lui de son vivant.

Quant à exclure Gérard Filoche du PS, je ne saurais m’ingérer dans les affaires d’un parti qui lui-même mérite d’être exclu... et j’en passe. Je me retiens !

Jean Ortiz

http://www.legrandsoir.info/exclure...


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