Entretien avec Myriam Martin autour du film "On est vivants" de Carmen Castillo

jeudi 16 avril 2015.
 

Myriam Martin, militante syndicale, politique est présente dans la version longue du très beau film de Carmen Castillo,"On est vivants". Nous lui avons posé quelques questions concernant le film, Daniel Bensaïd et le militantisme

1 - Tu as participé au film « On est vivants » de Carmen Castillo, on verra ton entretien dans la version longue du film à paraître en DVD. Peux-tu nous expliquer ce qui t’a amené à participer au film ?

C’est tout simplement Carmen qui m’a amenée à participer à ce film. J’ai eu la surprise de découvrir, c’était courant 2013, un message sur mon répondeur. Carmen m’avait laissé un long message dans lequel elle expliquait son projet, son film "on est vivants" et me demandait si j’étais prête à tourner dans une scène du film. J’ai aussitôt rappelé Carmen, j’étais, je dois dire intimidée, une demande comme cela n’est pas banale mais j’ai dit oui parce que le film tourne autour de Daniel et j’étais à la fois émue et enthousiaste à l’idée de participer de manière très modeste bien sûr, à ce formidable projet. Je ne connaissais pas alors personnellement Carmen, on s’est donc rencontrés à son domicile à Paris et elle m’a dit qu’elle avait aimé ma façon d’intervenir dans des initiatives publiques.

2 - Dans une longue interview que Carmen Castillo a donné à la revue Ballast elle précise le sens de son travail : « Non, je n’ai pas voulu retracer sa vie. Impossible. Ce n’est pas un film sur lui, mais un film qui part de notre amitié, de sa pensée, de tous ces affects dont je parlais. Et cette question : qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Et de quelle façon Daniel peut-il m’aider à comprendre ? ». En quoi Daniel Bensaïd nous est utile aujourd’hui pour comprendre le temps présent ?

J’ai le souvenir d’un Daniel Bensaïd à la pensée foisonnante dont l’apport était considérable quand il s’agissait d’analyser la situation à l’aune d’un marxisme ouvert non pas brandi comme un dogme mais comme un outil essentiel pour comprendre le monde, pour envisager des pistes, confronter des stratégies. Cette pensée vivante de Daniel autour de la (re) construction d’un marxisme ouvert est un précieux capital pour nos générations et celles à venir. Il y a beaucoup de choses à retenir chez Daniel, il y en a temps qu’il est difficile de savoir par où commencer ! Mais il y a une idée utile à retenir de ce qu’a transmis Daniel : la pensée est au service de l’action, la réflexion est liée à la conjoncture, exit la pensée historique déterministe.

3 - Tu as connu Daniel Bensaïd comme militant de la LCR puis du NPA, ce qui revient constamment c’est le rôle de passeur d’idées pour aller de l’avant, qu’en penses-tu ?

C’est vrai qu’on présentait souvent Daniel comme un passeur,et c’est aussi comme cela que lui même se qualifiait. Un passeur d’idées, d’expériences. Parce que militant philosophe engagé, il était tout cela à la fois. Ce n’est pas si courant. Il avait la capacité de rendre compréhensif, abordable ce qui pouvait paraître au départ complexe. Il avait le souci de transmettre mais non pas dans un rapport de prof à élève mais dans le cadre d’échanges de militant à militant.

4 - Ceux qui ont eu la chance de voir le film le 27 mars, ont été saisi par la différence de périodes, celle qui illustre le film, des luttes d’espoirs… et celle que nous traversons aujourd’hui faite de recul de progressions d’idées nauséabondes…Sommes nous devant un changement de période ? Comment les jeunes générations peuvent elles s’emparer des idées des expériences de ce film pour aller de l’avant ?

Je n’ai pas encore vu le film, j’en connais en partie le propos, il parle aussi de luttes encore récentes même si c’est vrai que nous sommes dans une période difficile faites de reculs et de reflux semble-t-il des résistances à l’ordre établi. Sommes nous en train de changer de période ? Je ne saurai l’affirmer mais ce qui est sûr c’est que ce film indique une idée forte, essentielle : on n’est pas voués à vitam æternam à subir la loi du plus fort, les inégalités sociales, la logique mortifère du système capitaliste. C’est donc forcément un message pour tout le monde, pour ceux et celles qui luttent encore, pour ceux et celles qui baissent les bras ou qui seraient tentés de le faire, et donc à fortiori pour les jeunes générations qui n’ont connu que le goût amer des défaites, de la crise et de l’austérité.

5 - Si il n’y avait qu’un seul livre de Daniel Bensaïd à lire lequel choisirais tu ?

Celui que j’ai lu avec beaucoup d’émotion, "La lente impatience" où se mêle les histoires, celle de Daniel et celle que lui et ses camarades vivent, où se mêle le "je" du militant, de l’être humain et le "nous" collectif. C’est l’histoire d’un parcours politique singulier qui se confond avec celui de l’histoire du début des années 60 jusqu’aux années 2000. c’est aussi une grande leçon militante : celle qui consiste à apprendre à dompter sa révolte impatiente qui doit composée avec le temps long. C’est aussi l’itinéraire d’un militant qui, contrairement à beaucoup d’autres, n’a jamais renoncé à son combat pour l’émancipation, parce que Daniel avait raison de penser que "ce monde peut encore changer et que nous pouvons y contribuer."


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