Cécile Duflot compare Jean-Luc Mélenchon à Paul Déroulède !

jeudi 28 mai 2015.
 

J’étais hier soir l’invité de « On ne va pas se mentir » animé par Audrey Pulvar sur I Télé. Nous avons d’abord eu un court échange sur la réforme du collège. Vous connaissez déjà mon opinion et mon opposition sur ce projet, je n’y reviendrai pas mais je ne peux m’empêcher de signaler ici que le gouvernement a reçu le soutien de Mme Laurence Parisot ancienne présidente du Medef et de M. Alain Madelin ultra libéral bien connu qui se félicite fort logiquement de « l’autonomie des établissements » que promet cette réforme. Inutile d’en dire plus.

Je vais par contre écrire quelques mots à propos de la tribune (ou plutôt tribunal ?) rédigée par Cécile Duflot dans Libération, (http://www.liberation.fr/politiques...) et violemment dirigée contre Jean-Luc Mélenchon et son dernier livre « Le hareng de Bismarck » (édition Plon). Je passe vite sur le caractère manœuvrier et de circonstance qui est à l’origine de ce texte, car cette tribune vise essentiellement à essayer de sortir EELV des troubles internes en revenant dans une « autonomie électorale » plutôt tournée vers un retour dans le giron PS. Elle veut donc démontrer ainsi qu’elle n’est plus si favorable à l’alliance avec nous (qu’elle soutenait pourtant il y a peu). La réalité du terrain est assez différente car la base militante écolo voudrait toujours faire liste commune mais beaucoup d’élus (pas tous néanmoins) sont tentés vers l’entrée au gouvernement de M. Valls. La rupture est donc proche. Pas sûr que ce texte de Duflot modifiera quoi que ce soit. J’ai lu que de grandes figures d’EELV avaient prévu coûte que coûte de lancer très bientôt une association qui soutiendra le PS Claude Bartolone dès le premier tour lors des régionales en Ile-de-France, alors que c’est Emmanuelle Cosse elle même, actuelle secrétaire nationale d’EELV qui voulait être tête de liste en Ile-de-France ! Quelle confusion.

C’est donc d’abord cette tempête interne qui est la première explication à cette tribune maladroite de Cécile. Elle cherche à recoller ses morceaux sur notre dos. Faisant cela, elle parle davantage à ses amis sur le pas de la porte de sa formation qu’à la société et à l’ensemble des forces qu’il faudrait rassembler. Je me trompe ? Quelque part je le souhaiterais car il reste utile dans la période qui vient que nous nous rassemblions à gauche contre la politique du gouvernement actuel afin de proposer une alternative à vocation majoritaire. Et cet appel s’adresse aussi à mes amis la motion B (appelés aussi « les frondeurs ») du PS actuellement en congrès et dont je souhaiterai la victoire.

Une fois cette mise au point effectuée, et qui a échappé à peu de monde qui observe le « mundillo » d’EELV, il me semble que tout ne peut rester sans réponse et seulement dans une observation distanciée. Cécile Duflot ose écrire dès le début de sa tribune que le livre de Jean-Luc aurait « des accents parfois quasi déroulédiens ». On pourrait sourire de la forme ampoulée de l’attaque. Mais le fond n’est pas drôle, car elle compare mine de rien mon camarade Mélenchon à Paul Déroulède, un des pères du nationalisme d’extrême droite en France. Bigre. Si le « hareng » de Jean-Luc est resté paraît-il à travers de la gorge de Cécile Duflot, moi c’est son « Déroulède » qui me reste en travers de la mienne. Est-ce bien raisonnable d’écrire de telles choses ? A mes yeux une telle insulte n’est pas tolérable et pas seulement pour des raisons de savoir vivre. Pourquoi tant de haine ? Sait-elle seulement qui était Paul Déroulède ? Il participa à la répression par le sang de la Commune de Paris et détestera les drapeaux rouges toute sa vie. Il voulut renverser par la force la République avec le Général Boulanger aux cris de « Le régime parlementaire, voilà l’ennemi ! ». Il affronta en duel Jean Jaurès, etc… et c’est à cet homme d’extrême droite à qui Jean-Luc est comparé ? Voilà une attaque nauséabonde qui sent bien plus fort que du hareng fermenté. Honteux et absurde. Et puis, à qui servira cette bouillie intellectuelle où l’on compare les gens de gauche à leur pire adversaire ? A part les authentiques nationalistes (ce qui est différent de "Patriote") qui entourent les Le Pen que cela banalise, je ne vois pas à qui cela sert et je fais remarquer à Mme Duflot que jamais elle n’a écrit chose pareille contre les déclarations de Marine Le Pen. Et puis, Cécile Duflot accepterait-elle que, faisant des comparaisons historiques stupides et des parallélismes intellectuels douteux, je la traite demain dans une tribune de « daladiériste » ou de « munichoise » au nom de sa tiédeur face au gouvernement allemand et ses attaques répétées antifrançaises ? Bien sûr que non. Alors pourquoi se croit-elle autorisée d’aller si loin dans l’injure contre nous ? Vraiment, je ne comprends pas ce ton blessant.

Car a-t-elle lu attentivement le livre de Jean-Luc ? Comme je la sais intelligente je m’interroge. Il s’agit d’un pamphlet qui, sous une forme facile d’accès pour le grand public, révèle la réalité souvent méconnue du capitalisme allemand et met en garde contre la nouvelle arrogance de la droite (CDU-CSU) dirigée par Mme Angela Merckel. Jamais il ne fait des allemands un ensemble « essentialisé » sans contradictions ni divergences d’intérêts de classe. La preuve est que ce livre a reçu le soutien de nos amis de Die Linke et particulièrement notre cher camarade Oskar Lafontaine.

Ouvrons les yeux ! Pour des raisons politiques et économiques, dues notamment à son vieillissement de population et son système de retraite, cette droite allemande prend l’ensemble des gouvernements d’Europe à la gorge à commencer par nos amis de Syriza que nous avions pourtant soutenu ensemble avec Duflot. Car finalement, à quoi sert-il alors de faire meeting commun avec le Front de gauche à Paris et souhaiter la victoire de M. Alexis Tsipras en Grèce pour ne plus les soutenir réellement ensuite, après qu’il ait gagné, quand il se heurte à l’arrogance et la brutalité de la droite allemande. L’enjeu contemporain du livre de Jean-Luc est bien là, dans ce rapport de force européen actuel. Pourquoi embrouiller les choses par des approximations ? Non, chère Cécile, jamais nous n’avons dit ni écrit « A bas l’Allemagne ! » comme tu sembles le prétendre, mais ce n’est pas seulement avec nos slogans sympathiques mais assez creux en 2015 comme « Une autre Europe est possible » que nous allons aider nos amis grecs et faire reculer la droite allemande et ses alliés. La question utile est : qui est-ce qui bloque le plus pour que cela ne soit pas possible ? Pourquoi par exemple taire que les dirigeants allemands traitent la France, l’Espagne et l’Italie de « pays clubs med » où les salariés ne travailleraient pas vraiment, alors qu’en réalité la productivité des travailleurs y est plus importante qu’en Allemagne ? D’autres exemples de la violence verbale de la droite d’Outre Rhin fourmillent dans le « Hareng de Bismarck ».

Pourquoi dès lors sous-entendre que tout rapport de force politique et intellectuel engagé avec la droite allemande est une forme de germanophobie et pire « une conception de la nation française (..) trop étroite » ? Pourquoi ne pas prendre au sérieux le fait que la conception de la Nation en France, née dans l’élan de la Révolution Française, n’est pas la même que la façon dont elle s’est forgée en Allemagne, sur le sang et l’origine ? Pourquoi sitôt que l’on considère que l’universalisme français inspiré des Lumières, loin d’être une vieillerie est au contraire une clef d’une grande modernité pour faire sauter le verrou de l’ultralibéralisme égoïste et l’idéologie qui l’accompagne règnant en Europe, se voir repeint en nationaliste ? Avec de telles simplifications et en proférant de telles outrances, Cécile Duflot aide les libéraux allemands à progresser et prend le risque de couper les jambes de tous ceux qui se redressent et veulent avancer précisément pour changer les choses. Et je rajouterai enfin que la seule volonté de rallier l’UE et le cri de « Vive l’Europe » n’est pas une identité politique suffisante pour faire de celui qui les portent un simple progressiste quand on regarde dans le détail l’Ukraine et ses néo-nazis qui siègent au gouvernement pro UE.

Débattre sans concession est une chose, mais injurier les autres en les traitant mécaniquement de promoteur d’une pensée puisée dans l’extrême droite française en est une autre. A l’heure où, la bataille culturelle contre les véritables idées xénophobes et réactionnaires demeure l’enjeu majeur de la période, la tribune confusionniste de Cécile Duflot, dans le seul but de maintenir des équilibres internes à EELV, est irresponsable et particulièrement décevante.


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