21ème siècle : Planète envahie par les séries télé

mercredi 22 juillet 2015.
 

A) Laurence Herszberg « Les séries servent de miroirs à la société »

Les séries ne sont plus une affaire de fans. Elles ont une place à part entière dans le paysage culturel. Comment expliquez-vous cet engouement ?

Laurence Herszberg Les séries ne sont plus uniquement une histoire de fans. Aujourd’hui, on aime les séries comme on peut aimer le cinéma. Empire ou Mad Men couvrent des pôles très différents. Elles sont très clairement des objets culturels car, derrière, il y a des auteurs. Elles développent des codes de narration propres. Il y a, en plus, un tel engouement et une telle exigence du public que tous les créateurs s’y mettent, notamment des gens du cinéma. Enfin, il y a tellement de producteurs, plus uniquement des studios et des chaînes, qu’aujourd’hui tout est possible en matière de création. Ce qui nous intéresse au festival Séries Mania, ce sont les séries qui racontent quelque chose.

En France, elles réunissent tous les publics, y compris ceux qui ne considéraient pas la télévision comme un espace de création. Comment expliquez-vous ce basculement  ?

Laurence Herszberg Alain Resnais était un fan de séries. Catherine Deneuve, aussi. Elle est d’ailleurs une fan de Mad Men. En France, les séries ont été vues pendant très longtemps comme quelque chose de très grand public, très fabriqué, que l’on opposait à la création qui se faisait, chez nous, au cinéma. Parce que nous sommes le pays de référence du cinéma d’auteur et que nous plaçons le réalisateur en haut des créateurs. Il a fallu que l’on comprenne que les scénarios pouvaient aussi être mis en avant car la télévision est un art du scénario, surtout.

Ce succès ne correspond-il pas aussi à une époque 
très difficile… Les séries permettraient une forme de catharsis  ?

Laurence Herszberg Le cinéma est beaucoup plus clivant que les séries télé, qui ont la capacité de rassembler tous les publics. Game of Thrones est, par exemple, très curieuse. Elle séduit les intellectuels comme le grand public, même s’ils n’y lisent pas la même chose. Ensuite, il est vrai qu’actuellement les séries parlent beaucoup plus des gens que le cinéma d’auteur. Elles décortiquent leur propre société, en tout cas celles que nous sélectionnons au festival. C’est ce que le public attend aujourd’hui. C’est un mode de narration qui renvoie, par le biais de personnages qui peuvent tout à fait être du quotidien, l’histoire de la société autour de nous, comme un miroir. C’est cela qui est assez fascinant.

Dans quelle mesure les sites de vidéo à la demande comme Netflix ou Amazon n’amplifient-ils pas cette transversalité  ?

Laurence Herszberg C’est LA question. On appelle cela séries télé, il va falloir enlever le mot télé. Il va falloir en inventer un autre mais ce ne sont plus des séries télé. La tendance n’est plus la logique des diffuseurs et celles qui vont avoir du mal, ce sont les chaînes de télévision traditionnelles. Malgré toutes leurs initiatives comme le replay, leur modèle repose sur un rassemblement autour du poste. Comment vont-elles négocier le tournant de la délinéarisation  ? Aucune chaîne de télévision européenne ne peut pour l’instant se mettre au streaming. C’est la raison pour laquelle nous accueillons pendant le festival un forum de coproduction et la Journée des assises audiovisuelles. Il faut se mettre autour d’une table et réfléchir. Si on veut à un moment pouvoir affronter la concurrence américaine sur le plan des investissements, c’est indispensable.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message