Dans le capitalisme financiarisé, la corruption a un caractère systémique

jeudi 17 septembre 2015.
 

Une affaire qui a éclaté récemment est pleine d’enseignements. Une quinzaine de grandes banques ont manipulé les taux d’intérêt des prêts entre établissements sur ce que l’on appelle le marché interbancaire, un marché de milliers de milliards de dollars concernant le crédit à la consommation, les prêts immobiliers, les prêts étudiants ou encore les obligations à taux variable. Sont impliquées un peu plus d’une quinzaine de grandes banques, notamment Barclays, UBS, Deutsche Bank, Bank of America, JPMorgan et, pour la France, la Société générale et le Crédit agricole.

Ces banques se sont concertées pour fixer à la hausse ou à la baisse ces taux en fonction de leurs intérêts du moment. Elles y ont gagné des dizaines de milliards de dollars. On le voit, la prétendue loi du marché n’est rien d’autre que le marché de la loi des plus forts.

Une autre affaire vient d’éclater. De grandes banques mondiales, notamment BNP Paribas, sont impliquées dans la manipulation des taux sur le marché des changes, un marché où transitent quotidiennement 5 300 milliards de dollars.

Plusieurs autres enquêtes du même type sont engagées par la Commission européenne, sur les indices pétroliers, les produits dérivés. Mais pour quelques ententes frauduleuses mises à jour, combien restent dissimulées  ? Selon un rapport de la Commission, la corruption coûterait quelque 120 milliards d’euros par an aux 28 pays de l’Union européenne.

Concernant la France, l’OCDE, dans un rapport d’octobre 2014, s’étonne d’ailleurs qu’«  aucune entreprise française n’ait à ce jour fait l’objet de condamnation définitive en France du chef de corruption transnationale, alors que des condamnations de ce chef ont été prononcées à l’étranger contre des sociétés françaises  ».

À vrai dire, dans le capitalisme mondialisé et financiarisé actuel, la fraude, la corruption ont un caractère systémique. La faiblesse de la croissance exacerbe la concurrence, l’énormité de l’accumulation de capitaux rend plus difficile leur valorisation et incite à tout faire pour tenter de l’emporter. Par ailleurs, les marges considérables que laisse entrevoir la spéculation justifient tous les coups tordus.

La société peut pourtant reprendre la main. En Europe, la BCE a les moyens de jouer son rôle de contrôle du système bancaire. Elle peut faire davantage et couper l’herbe sous les pieds des fraudeurs. En imposant à toutes les banques des critères d’utilisation de l’argent et d’attribution des crédits dissuasifs à l’égard des pratiques spéculatives et en incitant au financement d’activités créatrices d’emplois et de valeur ajoutée.

Pierre Ivorra, L’Humanité


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