La visite truquée de François Hollande chez Lucette

vendredi 13 novembre 2015.
 

Pauvre Lucette !

Mais pourquoi a-t-elle accepté de recevoir le président de la République ? Personne ne lui avait annoncé ce qui arriverait ? À présent, la voici rendue à se cacher chez sa fille après être tombée et s’être fait bien mal. À présent, une grosse boule d’angoisse s’est collée sur son estomac et elle ne sait plus où elle en est. Des dizaines de journalistes sont à l’affut. Ils téléphonent de tous côtés, à elle, au maire et aux voisins, ils font des enquêtes de voisinages, ils se cachent dans les buissons autour de la maison, piétinent ses fleurs, bousculent les enfants, bloquent les places de parking, tout ça pour que nous puissions « en savoir davantage » et que notre « droit à l’information » soit respecté. Admirable profession.

Lucette, elle devait se figurer qu’elle recevrait le président et qu’ensuite elle en parlerait en famille en pesant ses mots, avec des sourires entendus et que ses amies viendraient lui parler de tout ça et même dans la rue sans doute les gens comptaient l’entreprendre sur le sujet. Évidemment, elle le savait que ce n’est pas un évènement banal. Mais comment pouvait-elle imaginer le monde de pures brutes qui allait surgir ? Des communicants roués qui la prennent pour la mère Denis, des politicards vicieux qui viendrait jouer la comédie de la compassion pour les mamies du populo et les autres, là, les journalistes ! Ouh là là ! Comment pouvait-elle imaginer qu’existent de tels gougnafiers surgissant du moindre égout pour la harceler aussi grossièrement ? Et surtout pour essayer de lui faire dire quelque chose, quelque chose qui gâcherait tout, quelque chose qui la transforme en vulgaire marionnette et la ridiculise. Ils veulent qu’elle dise que c’était un coup monté. Tout du bluff. Mais pour qui la prennent-ils ?

Pauvre Lucette qui croyait bien faire. Tout ça parce qu’elle a eu le tort de dire qu’on lui a parlé avant de recevoir le président. Bien sûr qu’elle a demandé s’il y avait des sujets qui fâchent parce qu’elle voulait bien le recevoir et ne pas être malpolie. Et pourquoi a-t-elle eu le tort de dire que le maire a offert le café ? Vous croyez quoi, vous, qu’on ne demande pas avant de recevoir un homme pareil ? Vous croyez qu’elle n’avait pas de café à offrir ou bien qu’elle pouvait dire au maire « gardez votre café ! » alors qu’il le proposait si gentiment ? Elle se doutait bien que c’était un « coup de com » pour le président. Elle n’est pas si naïve. Et dès le premier instant il n’y a pas une seule personne dans ce pays qui ait pensé une seconde autre chose tant la ficelle est grosse.

Le petit génie de la com qui a trouvé cette idée à deux balles nous prend vraiment pour des demeurés. Et Hollande qui accepte ce jeu cruel où l’on s’amuse de la sidération des gens simples, comment a-t-il pu croire que cet épisode effacerait celui des « sans dents » ? Il le confirme plutôt. Lucette voulait bien participer à une démonstration car elle pense que son cas est intéressant. C’est bien normal si ça rend service pour bien comprendre. À la télé, ils montrent des tas d’émissions comme ça où on voit des vrais gens qui parlent de leurs vrais problèmes de la vie. Fallait pas Lucette ! Là c’est du lourd. De la télé-réalité d’État ! En attendant, il faut gérer l’hystérie médiatique qui sévit contre « les coups de com politique ». Après la peste, voici le choléra !

Écoutez mon conseil expérimenté à la famille qui l’entoure. Refusez de répondre quoi que ce soit à quelque journaliste que ce soit. Quoi que vous disiez, cela se retournera contre vous et cela relancera la machine à buzz. Silence total. Ne vous inquiétez pas, ils vont repartir bien vite si vous ne dites rien. Ils ne s’intéressent vraiment à rien à fond. Ce sont juste des meutes errantes avec des mémoires de poissons rouges.

Bien sûr, si vous êtes plus coquins, vous pouvez vous amuser. Racontez-leur n’importe quoi, la première idée qui vous passe par la tête : que Hollande est le fils secret de Lucette, ou bien qu’elle est son ex, ou bien qu’il est venu demander la main de la fille. Juste pour rire. Ils le marqueront dans leurs journaux. Ils croient n’importe quoi et ne vérifient rien du moment que le papier à publier peut être gras. Pauvre Lucette. Si je viens vous voir un jour, ce sera en secret. Mais avec des fleurs.

Prompt rétablissement Lucette ! les gens simples vous comprennent et ne vous jugent pas mal. N’y pensez plus, ça ne vaut pas la peine de s’en rendre malade.

A) Une mauvaise pièce de théâtre

Source : http://www.revolutionpermanente.fr

Hollande est partout en ce moment. Dans un contexte de période pré-électorale, à cinq semaines des régionales et un peu plus d’un an avant les présidentielles, le chef de l’État essaye tant bien que mal de redorer le blason d’un Parti socialiste à la masse et en passe de subir une écrasante défaite dans les-dites régionales. Il se permet même le luxe d’aller à l’improviste chez l’habitant, pour montrer qu’il demeure un président "normal", il est donc passé dire bonjour à Lucette, parce que Lucette, elle est sympathique. Mais d’après les déclarations de cette dernière, ce n’était pas tant à l’improviste que ça.

Une visite beaucoup trop bien organisée

Le 29 octobre dernier, Hollande était en Lorraine pour prendre un petit bain de foule pré-électoral. La visite surprise à Vandœuvre-lès-Nancy, près de Nancy, a été un petit succès. Porté par un élan de sympathie générale, dans cette ville à la mairie PS, une pulsion sociale l’a poussé à aller boire un café chez Lucette, une infirmière à la retraite de 69 ans. François, il est comme ça. C’est un français parmi les autres, un président normal. Hollande se veut à proximité des français et voir où ils vivent, dans leur habitat naturel, comme dans un zoo en somme. Parce que l’Élysée, c’est pas tellement l’habitat naturel de la « plèbe » et de là-bas il n’est pas évident de se rendre compte des conditions de vie des « gens normaux ».

Mais, comme toute opération de communication, celle-ci était parfaitement préparée : Pour commencer, Lucette n’était pas une habitante lambda choisie à l’aveugle. Elle se déclare « proche du maire socialiste » de la ville, Stéphane Hablot, qui a lui-même tout organisé pour que la venue du président soit parfaite : envoi préalable d’une femme de ménage, achat de chaises et d’un gros bouquet de fleurs, bien mis en évidence, et même les cafés offerts ! Il est sympa aussi, ce maire.

Un entretien minuté et censuré

Qu’une rencontre soit préparée à l’avance dans de telles circonstances, n’a en soi rien de vraiment dérangeant. Ce qui interpelle le plus, c’est l’organisation minutieuse de la conversation entre Lucette et Hollande. Lucette déclare : « Le mardi [27 octobre], des gens de l’Élysée sont venus pour me poser des questions […] pour savoir ce que je devais dire… et ne pas dire ». En effet, toutes les questions que le Président a posées à Lucette ont d’abord été testées par « ces gens de l’Élysée ». La conversation, au final, n’était donc qu’une mauvaise pièce de théâtre.

Mais, comme elle le signale, Lucette a également été soumise à de la censure. En effet, l’infirmière à la retraite en avait gros sur le cœur car il y a « des clochards qui meurent […] dans la rue » pendant que Hollande « s’occupe beaucoup d’immigrés ». Des propos qui flirtent avec le discours anti-migrants/immigrés du FN, qui dit défendre les « SDF » mais seulement de « souche ». François Hollande et ses communicants n’ont pas hésité à censurer une Lucette, pas si libre dans ses propos quand il s’agit de faire l’apologie du FN.

Cela n’est pas sans rappeler, dans un registre légèrement différent mais toujours dans l’optique d’être « proche des français », la réunion totalement organisée par le Front National, Marine Le Pen en tête, en octobre 2013. Au cours de cette réunion, ils avaient proposé à plusieurs françaises et français de venir à une table ronde pour poser des questions à la présidente du FN. Le petit journal avait démasqué, images à l’appui, l’immense mascarade : les questions et les réponses étaient déjà toutes écrites sur les feuilles disposées sur la table et où Marine Le Pen feignait de ne pas connaître certaines personnes, qui étaient pourtant des militants FN.

Un échec de plus dans l’opération « reconquête »

Pour François Hollande, déjà frappé d’une impopularité monstre, il s’agit en somme d’un couac de plus dans sa stratégie d’hyper communication en vue de l’opération « reconquête » des régionales. Tout déplacement peut désormais s’avérer sujet à des débordements. La réponse du gouvernement consiste en une hyper-préparation qui, comme on le voit ici, peut aussi amener à des revers...

John Strempe


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