Contre l’extrême droite islamiste "Pour un récit émancipateur"

jeudi 10 décembre 2015.
 

Dans le débat actuel sur ce que les médias réduisent au terrorisme islamiste, il est important de mettre les bons mots sur ce qui arrive parce que «  mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde  » (Camus). A-t-on affaire à des psychopathes assoiffés de sang ou des fous de Dieu menant en martyrs une guerre sainte  ? Il y a sans doute individuellement quelque chose de cela. Mais au-delà nous voyons bien que nous avons affaire, à une très grande échelle, la Méditerranée orientale et une grande partie de l’Est africain, à des mouvement politiques (Daech, al-Qaida, Boko Haram…) très structurés, abondamment financés et animés d’une idéologie d’asservissement et de déshumanisation que l’on peut sans aucun doute ranger à l’extrême droite. Elle s’apparente, sous des formes spécifiques au monde arabo-musulman, à l’entreprise totalitaire nazie  : même affirmation d’une pureté identitaire en référence non à une race mais à une religion, même rejet violent des impurs et des infidèles, même haine de l’art, du savoir et de tout ce qui fait culture et rassemble les êtres humains, la musique, le sport, l’amour, mêmes liens étroits, quoiqu’en dise Fabius, avec des puissances économiques, les monarchies obscurantistes du Golfe, la Turquie et quelques autres, États ou oligarques, non encore identifiés. L’objectif poursuivi par les auteurs des attentats est clair  : il s’agit de diviser le peuple français, de créer un état de quasi guerre civile, selon le mot de Gilles Kepel, et de provoquer une chasse aux musulmans avec un calcul simple  : inciter les Français de confession ou d’origine musulmane à se sentir rejetés et à rallier leur croisade. Il est important de déjouer ensemble ce sinistre calcul car ce mouvement ne sort pas du néant. Comme le rappelle Roland Gori, il est le produit monstrueux d’un capitalisme assoiffé de profit qui a fait du monde entier son terrain de chasse, fabriquant inégalité sociale et culturelle, déstabilisant les équilibres humains, naturels et politiques. Cette vaste entreprise de domination et d’humiliation des peuples foule aux pieds la dignité humaine et mène des guerres provoquant des réactions violentes.

Comment s’étonner que le monde arabo-musulman, aire où les colonisations, les soumissions, les guerres ont été parmi les plus tragiques, enfante une telle monstruosité  ? Mais en quoi ajouter la guerre à la guerre résoudra-t-il un problème qui demande, au contraire, paix, reconnaissance des droits des peuples, codéveloppement durable et équitable  ?

D’autant que le djihadisme, contredisant la thèse du «  choc des civilisations  », est la caricature sinistre d’un néofascisme présent partout, singulièrement en Europe et en France. Ici comme là-bas il constitue la roue de secours du néolibéralisme, destinée à reproduire d’une manière autoritaire et violente les sociétés de domination. De la même manière que le FN trouve un écho chez nos compatriotes apeurés par l’ampleur de la violence sociale et l’absence d’alternative progressiste, le djihadisme attire des jeunes Français qui «  ne viennent pas du communautarisme mais de la désocialisation  » (R. Liogier). En clair ils ne se recrutent pas dans les mosquées mais dans les réseaux de la délinquance. Une partie d’entre eux se sont fraîchement convertis à l’islam. Le concept de «  radicalisation  » est donc inopérant et désigner la communauté musulmane comme «  ennemi de l’intérieur  » est injuste et inefficace. La jeunesse vivant dans les cités populaires est la première victime du chômage et de la précarité auxquels s’ajoutent les discriminations de toutes sortes. L’éducation, la culture et le sport ont de plus en plus de mal à colmater les fractures sociales et identitaires, désormais béantes. À quels repères peuvent donc se raccrocher ces jeunes qui ont «  soif d’idéal  » mais qui sont exclus de tout  ?

L’état d’urgence dont nous avons besoin n’est pas celui qui restreint nos droits et nos libertés mais au contraire celui qui décrète la République fraternelle, égalitaire et libertaire. Face aux ténèbres qui nous menacent partout, il devient urgent de recréer l’espoir, d’inventer un autre avenir et d’écrire ensemble un nouveau récit émancipateur, humaniste et démocratique. «  J’espère en toi, marcheur qui vient dans les ténèbres, avenir  !  » Victor Hugo, l’Année terrible (1872).


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