L’anti libéralisme

lundi 29 mai 2023.
 

Nous essayons ici de définir le concept d’anti libéralisme malgré la diversité de sens dont est investi le mot anti libéralisme.

4 – L’antilibéralisme.

Ce chapitre fait suite aux trois précédents sur l’anticapitalisme et l’anti libéralisme.

Partie 1 : le capitalisme. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Partie 2 : l’anticapitalisme. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Partie 3 : le libéralisme. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

4. 1 L ’anti libéralisme philosophique.

Face à un essorage sémantique intégré dans une stratégie de brouillage déployée par les libéraux de la droite républicaine et de l’extrême droite d’une part et à l’effondrement sémiotique de ce terme engendré par les contradictions internes du libéralisme et par la perte de légitimité de son système économique, d’autre part, poursuivons avec méthode le développement précédent : capitalisme – anticapitalisme ; libéralisme – antilibéralisme

Jean-Luc Mélenchon dans son discours lors de la convention nationale du PG le 14/10/2013, explique l’importance de rester vigilant sur le sens des mots et de faire face aux opérations de brouillage engendrant la confusion. Il cite d’ailleurs une phrase de Platon " la corruption de la cité commence avec celle des mots." Voir l’excellente vidéo , entre la 33ème 36 ème minute.

http://www.jean-luc-melenchon.fr/20...

Etre antilibéral, c’est s’opposer au libéralisme défini dans notre troisième partie. Nous allons donc reprendre ici frontalement les conceptions philosophiques et économiques du libéralisme décrites dans le précédent chapitre.

Notre objectif n’est pas de développer ici un cours de philosophie politique sur le libéralisme comme pourrait le faire un professeur de philosophie (le lecteur pourrait alors se reporter par exemple au site de Sylvain Reboul, bien documenté : http://sylvainreboul.free.fr/Libera... ),

mais de développer une démarche politique critique du libéralisme et du néolibéralisme en reprenant l’essentiel de leurs principes fondateurs et de montrer qu’il est ainsi possible de donner un sens précis au terme anti libéralisme sans forcément tomber dans un dogmatisme oppositionnel systématique où tout ce qui serait libéral « serait à jeter » d’autant que, l’un des critiques les plus radicaux du capitalisme et du libéralisme, Marx, n’aurait pu développer sa théorie sans les apports de tous les économistes et les philosophes libéraux qui l’ont précédé. Il a passé sa vie à les étudier. Le marxisme est un héritage critique du libéralisme, et Marx est loin d’avoir "tout jeter".

Mais l’anti libéralisme (et l’anticapitalisme d’ailleurs) s’est développé avec les idées socialistes et les expériences du socialisme réel. De même que le libéralisme présente plusieurs variétés d’écoles, il en est de même du socialisme. L’anti libéralisme n’est pas figé mais a évolué avec le temps au gré des réussites et des échecs des épreuves de l’expérience historique.

Il n’est pas question ici de retracer l’histoire du socialisme d’autant que ses origines peuvent remonter assez loin : par exemple la parution en 1516 du livre Utopia de Thomas More (1451-1530) influença par exemple Saint-Simon et Fournier nommés aussi pour cette raison promoteurs socialisme utopique.

Ce travail a déjà été fait sur ce site. Se reporter à l’étude de Jacques Sérieys : Socialisme ! histoire, anticapitalisme, idéal, camp social, théorie, parti http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Cette histoire montre que l’anti libéralisme ne s’est pas simplement forgé dans les salons philosophiques mais dans une longue histoire de luttes sociales acharnées. L’anti libéralisme est donc un produit de la lutte de classes.

Mais au-delà de la diversité, en adoptant une démarche semblable à celle de Jacques Généreux , nous avons essayé de définir les constantes inhérentes à l’anti libéralisme c’est-à-dire ce qui fait le substrat idéologique (philosophique et économique) du socialisme tout en le resituant en ce début du XXIème siècle.

La question de la "nature humaine".

Comme Jacques Généreux, nous n’hésitons pas à utiliser ce terme de "nature humaine" car nous ne voulons pas laisser le monopol de son utilisation à ceux qui ont une conception métaphysique, substantialiste ou religieuse de l’être de l’humain. Pour nous ce terme est synonyme de Homo sapiens ou être humain.

A) La question de l’individu comme atome de la société.

Être antilibéral, ce n’est pas avoir conception atomistique et substantialiste de l’individu.Pour un antilibéral, l’individu est une construction sociale et historique. Cette conception non libérale de l’individu n’est pas une nouveauté. Lucien Sève, dans son livre Qu’est-ce que la personne humaine ? (Ed. La dispute) rappelle : "Lorsque ; dans sa 6e thèse sur Feuerbach, Marx fait en peu de mots la critique radicale du concept naturalisant de l’essence humaine chez Feuerbach en lui opposant que cette essence « n’est pas une abstraction inhérente à l’individu pris à part. Dans sa réalité, c’est l’ensemble des rapports sociaux », il ne pose pas simplement l’objectivité déterminante de ces rapports sociaux compris comme des choses, ainsi que le fera plus tard un Durkheim ; il pose du même mouvement que cet ensemble objectif n’est rien d’autre que l’humanitas subjective même des hommes objectivée – travail – outillages, langages, rapports familiaux, économiques et politiques, etc., et aussi, justement, ordre de la personne – par l’appropriation biographique de quoi chaque individu s’hominise en son tréfonds. Il n’y a donc pas l’être humain d’un côté et la chose sociale de l’autre : des deux côtés nous avons l’humanité, sous sa forme individuelle et sous sa forme collective, ce qui change tout" (p56-57)

Une telle affirmation, qui était révolutionnaire dans les années 1850 est maintenant une banalité à la lumière des sciences humaines et neurosciences contemporaines. Mais c’est loin d’être encore une évidence pour de nombreux penseurs libéraux. I () l est vrai que la culture scientifique est quelque peu défectueuse même dans les pays développés puisque environ un tiers des Européens (russes inclus) penseant que c’est le soleil qui tourne autour de la Terre et 45 % des Américains ne savent pas que le soleil est une étoile...)

Nous ne reprendrons pas toute la démarche de Félix Guattari dans son chapitre "le mythe d’une essence humaine" (Lignes de fuite,P. 28), nous ne retiendrons modestement que cette phrase : « L’individu est entièrement fabriqué par la société, particulièrement par ses Équipements collectifs… L’idée d’un sujet transcendantal irréductible aux processus de contamination et d’assujettissement sémiotique est une fiction… » (P.29)

Jacques Généreux, dans son excellent ouvrage l’Autre société développe la même idée. "L’être humain est un être social, bien au-delà de ce qu’en- tendaient les philosophes libéraux en parlant d’« animalsocial ». Ce n’est pas seulement, comme ils le comprenaient les libéraux que l’homme a toujours vécu en société parce qu’il a besoin des autres pour vivre. C’est encore et surtout parce qu’il a besoin des autres pour être". (p. 64)

Les anti libéraux (du moins les matérialistes) n’acceptent pas cette conception métaphysique de l’individu qui, avant même sa naissance, posséderait en lui une essence humaine dont les potentialités seraient définies par la génétique (version moderne) ou par la grâce de Dieu (version ancienne mais qui subsiste toujours sous sa forme substantialiste).

Être antilibéral, c’est considérer, en s’appuyant sur le développement des sciences contemporaines, que l’individu humain se construit en interaction permanente avec son environnement tant par des processus physico-chimiques (alimentation, respiration, activité corporelle, etc.) que par des processus informationnels complexes (développement du langage et des mécanismes socio – cognitifs par interaction avec le milieu social).

La notion même d’individu ou d’individualité a évolué au cours des siècles et a pu prendre différents contenus selon les civilisations. Raison pour laquelle les anti libéraux considèrent l’individu non pas comme une substance intemporelle mais comme une construction historique, vision qui est en concordance avec les apports de l’ethnologie et de l’anthropologie.

L’anthropologue Philippe Descola définit quatre types de civilisation s’articulant sur un principe universel : la séparation entre physicalité (apparence physique extérieure des existants) et intériorité (monde intérieur et invisible, qui dans notre civilisation occidentale, peut être assimilé à l’âme l’esprit, la conscience, etc.). À partir de là il existe 4 articulations possibles entre ces deux mondes : matrice naturaliste (la nôtre), matrice animiste, matrice analogiste, matrice totémiste. Nous te développerons pas ici comment les êtres porteurs de chacune de ces matrices perçoivent et conçoivent le monde. Voir : Par de là nature et culture http://agorange.net/conf_decola.PDF Dans chaque type de civilisation la conception de l’individus et de l’individualité est totalement différente au point même que le concept d’individu peut ne pas avoir de sens.

Sans aller aussi loin dans notre décentrage ethnoculturel, n’oublions pas que dans la philosophie bouddhiste, le moi n’est qu’une illusion. Cette manière de voir est maintenant approchée par les neurosciences contemporaines. Voir par exemple le livre de Francisco Varela : L’inscription corporelle de l’esprit (Ed. du seuil) . Mais revenons à notre petit monde naturaliste où s’affrontent libéralisme et antilibéralisme.

L’ antilibéral considère que l’individu est au carrefour d’un réseau multidimensionnel tant spatial que temporel.

– Réseau spatial car l’individu se construit en interaction permanente avec son environnement : milieu naturel, milieu familial, cadre scolaire ou universitaire, médias relations amicales et amoureuses, milieu professionnel, cadre rural, urbain, régional, national et plus généralement cadre civilisationnel induisant notamment une certaine langue et une certaine culture.

– Réseau temporel car l’individu se construit à partir d’un patrimoine culturel (us et coutumes, apports des sciences et des techniques, des arts, etc.) qui s’est édifié au cours des siècles et au travers plusieurs civilisations disséminées sur la planète. Ainsi par exemple notre manière de mesurer le temps avec nos montres a été inventé par les babyloniens le système sexagésimal ( numération à base 10 et base 60) il y a 5000 ans. Une telle manière de voir conduit à considérer tous les individus comme appartenant à la même famille humaine et exclut tout racisme xénophobie et nationalisme

Les deux catégories d’acteurs civilisationnels du point de vue anthropologique permettant cette hominisation sont les créateurs (chercheurs, savantants et inventeurs, artistes) et les transmetteurs (enseignants qui transmettent les connaissances et les métiers , certains écrivains et journalistes). Remarquons que les libéraux accordent peu d’importance à ces deux

Remarquons au passage que les libéraux n’accordent pas une importance fondamentale à ces catégories si l’on en juge par le niveau relativement bas de salaire et de revenu des chercheurs et des enseignants, sans même parler de leurs conditions de travail souvent très difficilees.

Je ne développerai pas ici cet aspect que Jean-Claude Guillebaud a bien abordé dans son livre La Refondation du monde en expliquant comment les néolibéraux détruisent les piliers de notre civilisation et sont en quelque sorte des néobarbares. http://ultraliberalisme.online.fr/R...

B) La question de l’individu égoïste et prédateur.

À cette conception de l’humain considéré, par nature, comme foncièrement égoïste et prédateur, conduisant son action au motif de la défense de son intérêt personnel, les anti libéraux opposent une conception de l’humain comme foncièrement altruiste (ce qui ne signifie pas bon), comme un être capable naturellement de partager et capable de ressentir les états émotionnels de ses semblables par cette aptitude appelée empathie .

"Précisons toutefois qu’à l’origine, notre sociabilisation n’est pas due à l’empathie : la biologie de l’évolution nous enseigne que les comportements altruistes sont apparus avant l’acquisition de cette capacité" (voir dossier de la revue pour la science. No 63, avril – juin 2009. L’acquisition de l’empathie http://www.pourlascience.fr/ewb_pag... ) Jacques Généreux, dans ses deux ouvrages précités montre que cette conception égoïste de l’humain est en contradiction avec les données scientifiques contemporaines. Comme nous l’avions déjà indiqué dans le chapitre précédent, l’ouvrage de Matthieu Ricard qui est paru récemment et intitulé : Plaidoyer pour l’altruisme est étayé par des données scientifiques nombreuses. Rappelons que cet auteur n’est pas marxiste mais bouddhiste.

Mais il n’est pas nécessaire d’être antilibéral pour avoir une telle conception, il suffit d’être tout simplement éclairé et non asservi par l’idéologie libérale. Ainsi peut-on lire sous la plume du célèbre philosophe Michel Serres, dont chacun connaît l’étendue de sa culture scientifique et classique : « Le plus apte est celui qui, dans l’espèce humaine, invente à un moment l’altruisme. Contrairement à ce qu’on pense, le plus fort, celui qui gagne, le battant est peut-être dans l’histoire de l’humanité celui qui amène la régression Le progrès de nos civilisations paraît passer par la protection des faibles... et peut-être avance quelquefois à partir des plus misérables. »

Les libéraux objectent alors que voir l’humain de cette manière c’est faire preuve d’angélisme et ne pas reconnaître que l’histoire est constamment parsemée de nombreux conflits et de guerres.Mais en réalité, les anti libéraux ne nient pas que l’être humain puisse être violent et égoïste. Ils considèrent que cette violence et cet égoïsme ne sont pas inscrites dans la nature de l’être humain mais sont des comportements engendrés par des systèmes sociaux inégalitaires où le groupe dominant, le plus souvent prédateur, modèle le monde à son image. Jacques Généreux aborde aussi cette question en montrant qu’il existe en quelque sorte des institutions sociales ou politiques pathogènes induisant des comportements asociaux.

Une approche marxiste explique cette violence par la division de la société en deux classes antagoniques, la classe dominante défendant par tous les moyens, dont la guerre, ses privilèges. Le développement des inégalités engendre la pauvreté tant matérielle que morale génératrice de violence, dont la délinquance n’est qu’un aspect parmi d’autres.

L’idéologie libérale de l’homme prédateur qui nourrit tant d’œuvres littéraires et cinématographiques légitime la prédation du groupe dominant qui, en outre, est dédouané de sa responsabilité dans la survenue des violences sociales, les "activistes", les "rebelles" étant par nature des jaloux, des envieux, des violents. Cette idéologie de l’homme prédateur joue aussi un rôle démobilisateur considérable pour la population la moins consciente politiquement. Puisque tout humain est un prédateur en puissance (c’est la nature humaine qui veut ça !) et que ce sont ceux-là qui, le plus souvent gagnent, à quoi bon vouloir lutter contre les inégalités et pourquoi vouloir considérer comme anormal que certains gagnent en une journée ce que d’autres gagnent en une vie ?

C) La question de l’individualisme et l’utilitarisme.

a) Les anti libéraux privilégient la coopération, la solidarité au lieu de la compétition et le chacun pour soi. Une association ou un syndicat n’a pas simplement pour rôle la défense des intérêts matériels et moraux individuels de ses adhérents, des intérêts catégoriels mais aussi de développer des solidarités collectives, d’affirmer le rôle d’un groupe solidaire pour défendre l’intérêt général.

Ainsi, par exemple, un syndicat d’enseignants n’a pas simplement pour rôle de défendre le niveau de salaire et les conditions de travail de ses adhérents, mais a aussi pour fonction d’améliorer les conditions de travail des élèves ou étudiants dans l’objectif de former au mieux culturellement les individus, les futurs citoyens, les futurs travailleurs et d’élever ainsi le niveau de formation générale du pays. Mais l’idéologie libérale dominante a tendance à donner un caractère assuranciel aux syndicats.

On entend sans cesse des pleurnicheries d’un certain nombre de représentants politiques déplorant le manque de coordination entre les pays européens sur le plan économique, social ou autre. Mais comment pourrait-il en être autrement, alors que ces mêmes gens ont voté pour un traité constitutionnel européen fondé sur la compétition et la concurrence et interdisant la coopération ? Si les anti libéraux gouvernaient l’Europe, la coopération et la solidarité internationale seraient possible.

b) La contamination possible des anti libéraux par l’idéologie libérale utilitariste.

Que faut-il entendre par cette formule figurant dans le statut de nombreux syndicats : « défense des intérêts matériels et moraux des adhérents » ? Défend-t-on aussi le groupe, en tant que groupe solidaire ? L’adhérent n’est-il adhérent que pour défendre ses intérêts personnels ? Est-il adhérents pour aussi défendre l’intérêt des autres ? Le syndicat n’est-il pour lui qu’un instrument au service de ses intérêts ? On peut craindre ici une instrumentalisation du groupe par le simple intérêt individuel. C’est d’ailleurs dans cette optique que les libéraux sont favorables aux associations.

On peut transposer cette situation aux partis politiques qui deviennent de simples instruments pour les promotions individuelles conduisant aux attributions de sièges dans les diverses assemblées, avec, en outre, cette différence de taille : la situation est aussi lucrative et narcissiquement gratifiante ! On se souvient de cet égoïsme de clan pour la question des parrainages lors d’élections présidentielles. On comprend donc quelle est la source idéologique de l’esprit de clan ou de boutique et de la dégénéréscence de certains syndicats en simples prestataires de services, type compagnies d’assurances.

Il est intéressant de savoir si cette conception de "défense des intérêts", selon nous d’essence libérale, était présente chez Marx. Agnès Heller, a fait cette recherche pour nous, dans son livre La théorie des besoins chez Marx (Collection 10/18 traduit de l’allemand . 1978)

« En rejetant l’usage ontologique général du concept d’intérêt, Marx ne se limite pas à la notion du dit intérêt "individuel" ; il se saisit également des catégories d’intérêt général ou social, et des catégories utilisées dans un sens analogue. La polémique est ouverte dans l’Idéologie allemande, et même par endroits dans les Grundrisse ; le rejet apparaît plus tard, quand Marx ne se sert pas (ou très rarement et dans un sens très général) de cette catégorie.

Ce qui frappe particulièrement, c’est qu’il n’utilise pas non plus (ou très rarement et dans un sens très général) la catégorie d’intérêt de classe. C’est en vain qu’on cherche ce concept dans des ouvrages comme les Grundrisse, le Capital, Salaire, prix et profit, théories de la plus- value, il n’apparaît pas une seule fois, pas même quand Marx parle de la lutte des classes. Non pas, dit Marx, qu’il n’existe pas d’intérêt de classe ; mais il s’agit, à son avis, d’un mobile qui n’est interprétable que dans le cadre de la réalité fétichiste de la société capitaliste, et qui est lui-même de caractère fétichiste ; C’est pourquoi le mobile de la lutte des classes, qui transcende la société capitaliste ne .peut pas être « l’intérêt de classe » - le vrai mobile, non fétichisé, se trouve représenté par les besoins radicaux de la classe ouvrière..." (86-87)

Ainsi, on constate que Marx se garde utiliser une expression du type "défense des intérêts de la classe ouvrière" qui serait une reprise de l’idéologie libérale utilitariste et fétichiste.

La transposition au niveau d’un groupe d’appartenance de cette notion de défense d’intérêts individuels (souvent matériels), groupe, qui plus est, joue un rôle de reconnaissance identitaire pour ses adhérents, peut faire émerger un nouveau phénomène que j’appelle égo clanisme. Celui-ci s’exprime alors comme générateur de divisions entre collectifs devenus "groupes d’intérêts". Le groupe peut être ainsi perçu par la population comme corporatiste.

Ce point de vue converge avec celui de Guattati : « Qroi qu’il en soit, il nous semble qu’un des obstacles majeurs à ce qu’une orientation autogestionnaire puisse gagner du terrain, de façon décisive, sur l’échiquier politique, c’est que la plupart des défenseurs et de ses promoteurs ne la conçoivent que comme devant se limiter à la seule sphère des problèmes matériels et éco-miques. Ainsi apparaissent-ils, alors aux yeux de I’opinion, comme des gens cherchant avant tout à arranger leurs propres affaires, en fonction de leurs propres affaires, en fonction de leurs propres dérirs et pas tellement en fonction de ceux du reste de la société" (Lignes de fuite, p.145)

Cette accusation de corporatisme se développe sur un terrain particulièrement favorable en France et constitue une ligne de force idéologique permanente utilisée par les libéraux, puisque la très libérale révolution française a supprimé les corps intermédiaires "... Il n’y a plus de corporation dans l’Etat ; il n’y a plus que l’intérêt pde chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporations" (Le Chapelier 14 juin 1791)

Les libertés syndicales acquises en 1884 et associatives en 1901 ont été arrachées de haute lutte et sont l’objet de remises en cause permanentes sous différentes formes. Le taux de syndicalisation en France (7 %)) est le plus faible de l’ensemble des pays de l’OCDE.

D) La question de la liberté.

Les anti libéraux ne partagent pas cette conception individualiste de la liberté assoiffée de l’autonomie individuelle et considérant le lien social comme pouvant être un obstacle à son épanouissement. À l’inverse, les anti libéraux considèrent que la liberté d’un individu (et son originalité) se construit par la diversité et la richesse de ses liens sociaux. Cela ne signifie pas qu’il ne puisse pas exister des liens aliénants mais il appartient précisément à l’individu de les remplacer par des liens qui ne le soient pas. C’est précisément en raison de sa structuration par des liens non aliénants que l’individu tire sa capacité de neutraliser ceux qui le sont. Là encore, Jacques Généreux a approfondi cette question :

"De son côté, le socialisme, héritier de la philosophie des Lumières et du libéralisme, reconnaît les progrès accomplis grâce aux libertés politiques et aux droits de l’homme, mais constate l’incapacité de la méthode libérale à accomplir la promesse faite à tous les hommes d’une égale et réelle liberté de mener leur vie. Parce que le droit libéral s’arrête aux portes des entreprises et livre les échanges à la concurrence entre des acteurs inégaux, la société libérale instaure l’inégale liberté, la domination des plus forts et des plus riches, l’aliénation des travailleurs à la merci des détenteurs des moyens de production. Le socialisme n’entend donc pas abolir purement et simplement le libéralisme. Il entend accomplir la promesse bafouée de la Révolution française, celle d’une égale liberté pour tous, en construisant une société solidaire et démocratique, non comme fin en soi, mais comme instrument d’une émancipation complète de l’humanité. Il s’agit, pour les socialistes, de construire la liberté par la bonne société. […] Il ne s’agit plus, comme le croyaient les libéraux, de construire la société par la liberté des individus, mais de construire la liberté réelle de tous les individus par la transformation de la société ; l’émancipation ne surgira pas de la simple destruction des liens sociaux anciens, livrant les individus à la fausse liberté de la compétition des intérêts privés ; elle progressera grâce au remplacement de ces liens qui aliènent par les liens qui libèrent (les droits sociaux, la fraternité, la solidarité, la libre association)". (On retrouve ce texte à : http://neomoderne.fr/ )

E) La question de l’égalité.

Concernant l’égalité, libéraux et anti libéraux partagent cette idée que les individus naissent égaux en droit. Mais les libéraux ne contestent pas les inégalités économiques résultant par exemple de l’accumulation de richesse et même de l’exploitation de son prochain. Ils aiment aussi avancer l’idée de "l’inégalité des talents"la plus ou moins grande capacité d’initiative des individus pour justifier ces inégalités. Pour John Ralws (voir plus loin), il existerait même des inégalités justes dans la mesure où par un processus de distribution, les moins chanceux, les laissés-pour-compte pourraient bénéficier de cette inégalité.

En effet pour les libéraux, l’inégalité est un facteur de dynamisme social et motive les gens à travailler et à se hisser socialement en espérant un jour pouvoir approcher la situation des plus favorisés. Cela repose évidemment sur une vision très individualiste et utilitariste.

À l’inverse les anti libéraux contestent cette inégalité économique essentiellement fondée sur l’exploitation de la force de travail par les propriétaires des moyens de production. Pour les anti libéraux, il ne s’agit pas de nier qu’il puisse exister des différences de salaire de revenus entre les individus si ces différences sont liées à des différences de qualification, d’expérience, de responsabilité, de pénibilité, d’utilité sociale par l’exercice d’un travail. En outre cette différence de revenus ne doit pas être excessive et rester dans une fourchette définie démocratiquement par les organisations des travailleurs.

F) La question de la solidarité et de la fraternité.

Ce terme n’est adopté ni par la constitution de 1791, ni par la constitution de l’an I en 1793. Adopté sur proposition de Jean-Baptiste Belley, ( un des premiers députés noirs, représentant de Saint-Domingue) le terme apparaît pour la première fois dans les textes en 1848 à l’article IV de cette constitution : « Elle (la République française) a pour principe : la liberté, l’égalité et la fraternité. » (Source :http://fr.wikipedia.org/wiki/Libert... ) Ceci étant rappelé, il convient immédiatement de distinguer les termes de fraternité et de solidarité souvent considérés comme synonymes – à tort !

Le mot fraternité n’a pas eu un très grand succès dans la littérature politique pour deux raisons. D’un côté ce terme, souvent utilisé par des gens d’Église et figurant dans la Bible avait une connotation religieuse pour les anti libéraux et pour les libéraux ; de l’autre côté, pour les libéraux, le terme de solidarité était préférable car il constituait un correctif moral nécessaire aux inégalités économiques considérées comme inévitables voire nécessaires selon eux. Il existe d’ailleurs un "libéralisme solidariste" (voir plus loin)

On peut se reporter à un texte mis en ligne intitulé : Solidarité ou fraternité : un enjeu politique majeur de Bruno Mattei, professeur de philosophie honoraire à l’université de Lille texte figurant dans la revue Nouvelle cité : http://www.nouvellecite.fr/IMG/pdf/...

Ce texte de 5 pages est particulièrement éclairant et convaincra aisément le lecteur que la notion de fraternité est totalement en accord avec les thèses non individualistes des anti libéraux mais entre violemment en contradiction avec celles du libéralisme. Chose amusante, les encycliques sociales du Vatican ne parlent pas "d’économie sociale et solidaire" mais les guillemets anglais d’économie civile et de communion".

Mais la notion de solidarité a été particulièrement traitée par le solidarisme de Léon Bourgeois. Les bases théoriques de cette nouvelle doctrine politique née après 1848 sont la théorie de la « dette sociale » et du « quasi-contrat ». « Sur le constat que la Révolution française et la déclaration des Droits de l’Homme ont consacré un individualisme et proclamé — dit Léon Bourgeois — une fausse liberté. » Or l’homme n’est pas une abstraction, mais un être concret qui a des obligations, des devoirs et qui est dépendant de ses relations avec les autres (influence du sociologue Émile Durkheim).

Ainsi, tout être se trouve être redevable vis-à-vis de ceux qui l’ont ouvert à l’existence (parents, professeurs, la société et tous les groupes concernés). Chaque homme doit donc « payer sa dette » et la solidarité devient un droit, elle est aussi un devoir auquel l’État doit obliger légalement chacun à contribuer. Pour ce faire, Léon Bourgeois propose la mise en place d’un salaire minimum, d’un système d’assurances protecteur (en cas d’accident, de maladie ou de chômage), de l’impôt sur le revenu (pour participer à l’entretien des services communs), d’un enseignement entièrement gratuit. (Source : Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Solidarisme )

La reconnaissance de la Mutualité en 1898 et la création de la fédération nationale de la Mutualité française en 1902 doiveant beaucoup au solidarisme. Ce solidarisme a été intégré d’une part par le courant socialiste et d’autre part par le libéralisme donné naissance au libéralisme solidariste.

G) La question de la responsabilité individuelle.

La notion de responsabilité individuelle , sans cesse rabâchée par les hommes et femmes politiques de la droite libérale, constitue l’un des fers de lance privilégié dans leurs offensives idéologiques sachant encore que l’individu porte quasiment seul tout le poids de cette responsabilité notamment lorsqu’il est amené à commettre des actes délictueux.

Selon eux les anti libéraux n’accepteraient pas cette notion en faisant porter l’essentiel de la responsabilité sur la société. On les les actuse alors d’angélisme, de laxisme, d’encourager la paresse, l’assistanat et j’en passe.

Évidemment il n’en est rien : les anti libéraux considèrent simplement que tout individu est le résultat d’une construction familiale et sociale, comme vue ci-dessus, et que de ce fait, on ne peut faire l’économie de la prise en compte d’un certain déterminisme social dans le comportement d’un individu. Cela explique que les anti libéraux sont autant attachés à la notion de prévention qu’à la notion de sanction et ne se laissent pas dériver dans la démagogie sécuritaire où l’on peut entendre : « la meilleure prévention, c’est la sanction ! ».

Les anti libéraux insistent plus aussi sur la notion de responsabilité collective que les libéraux Les médias libéraux préfèrent laisser la parole à un individu particulier qui ne représente que lui-même plutôt qu’à un représentant d’une organisation syndicale de salariés qui représente une responsabilité collective. La parole syndicale témoignant d’une responsabilité collective est quasi inexistante dans le champ médiatique. Comme alibi à cette censure de l’expression des représentants syndicaux, les médias invoquent ce qui serait le parler "langue de bois" de ces derniers et le parler vrai et sincère des individus. Ce fait rejoint une conception complètement individualiste de la liberté d’expression qui ignore quasiment la liberté d’expression collective

Les anti libéraux ne partagent évidemment pas une telle étroitesse de vue. Pour leur donner raison, citons Alain Soupio : "Mais c’est surtout la reconnaissance de libertés collectives qui a été la marque distinctive de l’État providence et a permis à l’État de restaurer sa légitimité. Sa grande force a été de ne pas imposer aux hommes une vision â priori de leur bonheur, mais de s’appuyer au contraire sur l’àction et les conflits collectifs pour en.convertir l’énergie en règles nouvelles. La supériorité de I’État providence sur les États totalitaires n’a pas résidé en effet dans I’octroi de protections sociales (souvent moins ambitieuses et plus précaires que celles des États fascistes ou communistes), mais dans la garantie de ces droits d’action collective, qui autorisent les dominés à objecter aux dominants leur propre conception d’un ordre juste. Les syndicats, la grève, la négociation collective sont devenus les pièces d’une machinerie institutionnelle qui transforme des rapports de force en rapports de droit." (Homo économicus , Essai sur la fonction anthropologique du droit. Alain Supio. Page 233. Édition du Seuil)

Or on connaît l’acharnement des libéraux à discréditer l’action syndicale des salariés et on sait que les transformations de cette action en lois est aussi pour eux l’objet d’une lutte parlementaire permanente face aux forces progressistes.

H) La question de la propriété.

La notion de propriété est aussi particulièrement importante. Elle est, pour les libéraux, fondamentale et absolue. Le Code civil définit la propriété dans son article 544 : "La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements."

En droit civil, on attribue au droit de propriété des caractères suivants : c’est un droit absolu, exclusif, perpétuel, c’est-à-dire héréditaire, imprescriptibles et inviolable. Le droit civil prévoit évidemment des exceptions à ces caractères.

Ce droit de propriété s’exerce sur un bien meuble ou immeuble, corporel ou incorporel. Elle se divise traditionnellement en trois droits réels : le fructus : le droit de recueillir les fruits du bien, l’usus : le droit de l’utiliser, l’abusus : le droit d’en disposer c’est-à-dire de le détruire en tout ou partie, de le modifier, ou de le céder à un autre. Ces trois droits peuvent être séparés, démembrant la propriété. Il peut en résulter un usufruit, un usage, une emphytéose ou une servitude.

Le clivage entre les libéraux et antilibéraux (termes ici utilisés d’une manière quelque peu anachronique pour le XVIIe siècle !) concernant la propriété remonte aux XVIIème et XVIIIème siècle. Pour les libéraux, c’est un droit naturel. Il été formalisé pour la première fois par par John Locke auteur aussi de ce qu’on appelle l’individualisme possessif. Il fut aussi celui qui inventa la notion de démocratie parlementaire comme moyen de concilier propriété et liberté. C’est en quelque sorte le père du libéralisme politique.

Jacques Attali, dans son livre Au propre et au figuré : une histoire de la propriété (Ed. Fayard), relate dans quelles circonstances historiques au XVIIe siècle en Angleterre, le droit de propriété fut un enjeu conflictuel schématiquement entre trois groupes (époque de Cromwell) : les petits propriétaires (les levellers et les diggers), les gros propriétaires et la noblesse. Les petits propriétaires sont spoliés par les gros et ces derniers sont spoliés par le roi. Les deux types de propriétaires n’avaient pas la même vision de la propriété et après s’être uni contre le roi, Cromwell organisa une répression contre les petits propriétaires en alliance avec les lords. Les diggers se radicalisent et considèrent alors que "l a propriété pourrit la société. Pour éviter qu’elle ne constitue une classe exploiteuse, elle doit être limitée" ou encore : "les choses n’iront bien en Angleterre que lorsque tout appartiendra à tous, il n’y aura ni serf, ni seigneur, et que nous seront tous égaux" (page 273) On voit sur cet exemple comment l’enjeu de la propriété provoqua déjà un clivage de classes et lia la notion de propriété à celle d’égalité.

En France, les anti libéraux sont des héritiers de Jean-Jacques Rousseau qui avait une vue assez négative de la propriété. Rappelons ce texte célèbre : "Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eut point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant un fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne…" Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, seconde partie. Diderot développa dans son Supplément au voyage de Bougainville l’idée que la propriété engendre la convoitise et les conflits.

Mais le philosophe français Helvétius, au contraire, considérait que la propriété individuelle, à condition qu’elle soit bien répartie socialement, est nécessaire pour la stabilité sociale et éviter le despotisme. "La multiplication des hommes sans propriété, et la concentration des richesses dans quelques mains a ruiné l’équilibre de l’État de lois, fondé pour assurer à chacun la possession de sa personne et de ses biens ; lorsque .les non-propriétaires composent la plus grande partie d’une nation, l’égalité est rompue.entre les citovens. Les plui pauvres deviennent les esclaves des riches et des lois cruelles développent le germe du despotisme[…] Alors tous sont esclaves et la loi a cessé de régner. Le droit de propriété, fondement du pacte civil, n’existe plus. Nulle loi ne garantit alors aux citoyens- la propriété de leur vie, de leurs biens et de leur liberté. Faute de cette garantie, tous entrent en état de guerre et toute société est dissoute. Le pacte social est ainsi rompu, il n’y a plus de citoyens…" (Source : Anthropologie et histoire au siècle des Lumières de Michèle Duchet. P.390, d’après l’ouvrage de Helvétius De l’Homme, vol.4 des œuvres complètes).

Malheureusement les libéraux ne retinrent de cette analyse qu’une seule partie : l’absence de propriété engendre la catastrophe mais ignorèrent les désastres que peuvent produire une trop grande concentration de la propriété. Rappelons-nous que nous avions précisé dans un autre chapitre, 1 % de la population la plus riche possède 25 % du patrimoine total de la France et les 10 % les plus riches 60 %. Les libéraux absolutisent la propriété en la fondant sur l’intérêt individuel.

Les anti libéraux la considèrent, non pas comme un droit naturel, mais comme une conception historiquement et socialement construite. Ils la relativisent au regard de l’intérêt général, du bien commun, ce qui peuvent les conduire à une limitation du droit de propriété qui ne satisfait pas libéraux. Enoutre, ils accordent une importance à la propriété publique, à la propriété collective. Les libéraux luttent contre cette vision de la propriété sociale car elle va à l’encontre des intérêts privés. Et on comprend alors leur politique de privatisation des biens publics sur le long terme

I) La question de la justice.

Nous ne retracerons pas ici le sentier de l’histoire philosophique de la justice. On peut se référer pour cela à : http://www.maphilo.net/justice-cour...

La conception libérale de la justice. Dans la continuité de la pensée d’Aristote qui mesurait la la justice à la juste répartition des avantages et à l’équilibre des échanges entre les hommes, les penseurs libéraux du XVIIIe siècle associent la justice à la notion d’intérêt individuel : l’intérêt de tous étant la globalisation de ses intérêts individuels. "Ainsi l’intérêt personnel est le motif originel de l’établissement de la justice ; mais une sympathie avec l’intérêt public est la source de l’approbation morale qui accompagne cette vertu. »" disait Hume dans son Traité de la nature humaine.

C’est l’intérêt personnel et le calcul rationnel qui permettent de maximiser cet intérêt mais avec la régulation de la sympathie pour autrui de manière à ce qui est avantageux pour soi-même le soit aussi pour l’autre : cela exige une coopération intéressée. Pour Bentham, la justice est aussi fondée sur l’utilité personnelle : c’est ce qui produit le « plus grand bonheur pour le plus grand nombre, chacun comptant pour un ». Dans la continuité des idées figurant dans la république de Platon, Kant considère que la justice se réalise pas l’existence d’un gouvernement idéal attribuant le maximum de liberté.

La conception de la justice de Rousseau est dans la continuité des réflexions de Montaigne Pascal sur la justice, et s’oppose aux conceptions libérales des autres philosophes des Lumières. C’est par l’établissement d’un contrat social entre tous les individus et la constitution d’une communauté politique dans laquelle peuvent s’identifier chaque citoyen porteuse d’un intérêt général résultant d’une volonté générale et de l’idée du bien commun, que la justice peut être constituée. Cette communauté politique est l’État et la nation Il s’oppose à l’idée que la justice puisse être rendue dans la seule perspective de la défense équitable d’intérêts particuliers On peut se reporter un excellent cours de classe prépa en vidéo résumant bien la genèse des conceptions de la justice, d’une manière concise et pédagogique en cliquant sur le lien : le paradoxe de la justice chez Rousseau http://www.dailymotion.com/video/xz...

Le philosophe John Ralws, référence au XXe siècle pour le libéralisme politique reprend des éléments de la pensée de de Kant, Locke et de Rousse. Il remet en cause l’utilitarisme classique et se détache d’une vision contractualiste trop individualiste et vise le bonheur pour le plus grande mais n’exclut pas la possibilité de laissés-pour-compte. Il cherche à établir compatibilité entre la liberté et l’égalité qui est très difficile à réaliser pour les libéraux. Il appuie sa théorie de justice sur la notion d’équité et d’égalité des chances. Sa théorie, difficile à rendre opérationnelle, est à la fois critiquée par des libéraux comme Nozick, Dworkin qui lui reprochent, entre autres, une trop grande intervention de l’État (voir : le néolibéralisme et les droits fondamentaux de Guy Lafrance http://www.erudit.org/revue/LTP/199... ) et aussi par le philosophe marxiste Jacques Bidet dans son livre John Rawls et la théorie de la justice. http://www.erudit.org/revue/ei/1996...

Concernant la gestion libérale actuelle de justice en France, on peut se référer aussi à l’ouvrge critique du juriste Antoine Garapon (secrétaire général de l’Institut des Hautes Etudes sur la Justice et producteur du Bien Commun, le jeudi de 15h à 15h30 sur France Culture) "La raison du moindre État. Le néolibéralisme et la justice" http://www.alternatives-economiques...

Les anti libéraux s’appuient sur le concept de justice sociale particulièrement combattue par l’ultra-libéral Hayek http://fr.wikipedia.org/wiki/Justic... .

L’Organisation internationale du travail a été constituée à la fin de la Première Guerre Mondiale sur l’affirmation selon laquelle « une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale » et a adopté en 2008 la « Déclaration sur la justice sociale pour une mondialisation équitable ». Elle produit des normes et met en œuvre un programme pour "un travail décent pour tous". Le texte de la déclaration (10 juin 2008) :http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/pu...

On peut se reporter au livre de Fraser, Nancy, Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et distribution, Éditions la Découverte, 2005

La propriété sociale rend possible la justice sociale selon Jaurès.

Nous reproduisons ici un petit texte figurant dans le dictionnaire de l’autre économie, sous la direction de Laville et Cattani (Ed. folio Gallimard, p. 52–53) qui a l’intérêt de présenter à la fois la conception de la propriété sociale et de la justice sociale de Jaurès. Cette citation aurait pu aussi bien être intégrée dans le paragraphe sur la propriété. "Le projet collectiviste que défend au même moment Jaurès ne se résume pas plus à un socialisme d’État.

En 1895, il évoque déjà ce qui sera le système économique soviétique. Livrer aux hommes d’État et aux gouvernants, déjà maîtres de la nation armée et de la diplomatie nationale la direction effective du travail national, leur donner Ie droit de nommer à toutes les fonctions directrices du travail [...] serait donner à quelques hommes une puissance auprès de laquelle celle des despotes d’Asie n’est rien, (Jaurès, 1931, p.345-346). Il précise que cette propriété, ces biens appropriés collectivement, la Nation doit les déléguer, sous des conditions déterminées, à des individus ou à des groupes d’individus, ainsi la propriété souveraine que le collectivisme veut attribuer à la nation n’exclut en aucune manière la propriété des individus ou des associations particulières " (ibid., p. 165). Le rôle de l’État consiste alors à assurer à tout citoyen la copropriété des moyens de travail devenus propriété collective.

Et pour Jaurès, seule la démocratie permet d’organiser cette copropriété. Tel est le cæur de sa théorie de la propriétè sOciale (Chanial, 2001). Qu’il s’agisse de la èollèctivisation de I’industrie, du développement et de la gestion des services publics ou de la mise en œuvre des assurances sociales, chaque fois Jaurès mobilise ces deux aspects de la propriété sociale : la propriété sociale comme mise en commun, comme mutualisation (des moyens de production, des services, des protections et des sécurités) et la propriété comme socialisation des pouvoirs, réalisant ce vieux rêve ouwier de faire ses affaires soi-même. La propriété sociale pour Jaurès n’est donc pas seulement une propriété commune, mise en commun, et à ce titre ( propriété des sans-propriété, mais tout autant une propriété civique, ( pouvoir des sans-pouvoir).

Par la propriété sociale, se réalise tout autant l’idéal de justice sociale que I’impératif de liberté et de citoyenneté sociale.

Propriété civique, la propriété sociale suppose à ce titre une extension de la démocratie en assurant la participation directe des ouwiers associés à Ia puissance économique. Plus fortement encore, comme le montrera Fournière (1910), le principe d’association, déployé comme « autogouvernement des citoyens associés » constitue en fait le seul moyen de réaliser conjointement Ie socialisme et la démocratie." En fait pour Jaurès, comme pour tous les anti libéraux, la justice sociale ne peut se concevoir sans la propriété sociale car l’existence d’une classe sociale dominant toute l’économie ne permet pas la réalisation concrète de cette justice.

4.2– L’anti libéralisme économique.

Etre antilibéral, c’est aussi refuser les dogmes économiques du libéralisme économique (décrits dans le chapitre précédent sur le libéralisme) qui conduisent à penser que l’entrepreneur et le consommateur sont l’alpha et l’oméga de nos société subordonnées alors au marché. Il ne s’agit pas seulement, pour les anti libéraux, de dénoncer les formes actuelles du libre-échangisme aveugle, de la "dictature des marchés", la financiarisation de l’économie, le productivisme et de pointer du doigt son cortège de désastres, mais aussi de dénoncer le caractère non naturel des théories libérales et de démonter les logiciels d’asservissement idéologique qui fonctionnent jour et nuit dans la médiasphère.

Cela implique aussi une déconstruction des mécanismes de domination. Bref, être anti-libéral, ce n’est pas seulement dénoncer les fantastiques profits des patrons du CAC 40 alors que des dizaines de milliers de personnes sont sans abris. (on pourrait considérer que cela réulterait d’un "mauvais fonctionnement" du capitalisme), c’est comprendre les raisons structurelles et fonctionnelles de cette situation. En résumé, l’anti-libéralisme s’oppose à l’idéologie légitimant le capitalisme. Cela implique donc l’anti-capitalisme comme défini ci-dessus (et évidemment pas la défense d’une société productiviste).

Le néolibéralisme déploie une stratégie d’investissement total de la société toute entière par l’économisme libéral. De ce fait, le néolibéralisme est une forme de totalitarisme. Des secteurs comme la santé, la justice, l’éducation nationale sont de plus en plus assujettis à des normes de productivité et de gestion semblables à celles existant dans les entreprises privées capitalistes.

Les anti libéraux s’opposent au déploiement tentaculaire de cette pieuvre capitaliste dans tous les secteurs de la société en défendant la notion de service public de qualité pour la satisfaction des besoins fondamentaux du plus grand nombre. Ils s’opposent à une marchandisation généralisée de tous les services. Nous ne reprendrons pas ici toutes les positions décrites dans le chapitre anticapitalisme qui qui s’appliquent ici. Rappelons que l’anti libéralisme économique ne se confond pas avec l’étatisme ou la collectivisation totale des moyens de production et d’échange comme nous l’avons vu avec Jaurès et comme nous allons le revoir.

4.3 La question de l’Etat et l’anti libéralisme.

Une falsification sémantique du terme anti libéralisme consiste à considérer comme antilibéral tout système (ou agent) économique ou politique accordant à l’État un rôle important notamment dans la vie économique.

a) Des libéraux… anti libéraux… !

De la sorte, les libéraux seraient, à contrario, opposés à toute intervention de l’État. – Pourtant l’un des principaux fondateurs libéralisme économiques, Adam Smith, ne niait absolument pas une intervention de l’État.

"La première tradition faisant appel à l ’intervention - lilnitée - de I’Etat se trouve. paradoxalentent chez Adam Srnith, lequel est loin d’être ce partisan du libératisrne le plus absolu que I’on a souvent présenté. Dans La "Richesse des nations" (1776), il propose « « « « « d’élever et d’entretenir ces ouvrages et ces établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages, mais qui sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris et entretenus par un ou quelque particuliers » faute de rentabilité ou de moyens suffisants. Il cite les routes. les canaux. les ponts. les ports, mais aussi « les institurions pour l’instrtrction du peuple de tout âge ». Mais il va plus loin : il est favorable à une lirnitation du taux d’intérêt, pour éviter, écrit-il. que I’argent ne soit prêté « à des incliviclus prodigues et aux spéculateurs, les seuls qui acceptent de payer des intérêts aussi élevés ». Il justifie le protectionnisme iorsque la défense nationale est en jeu (« la défense est une chose beaucoup plus irrtportante que l’opulencs »)…" (Source : revue Alternative économique hors série sur l’État , p. 25)

– Les libéraux considèrent comme nécessaire l’existence d’un Etat, au moins régalien et pour fixer un certain nombre de règles (voir code des sociétés, code du droit commercial) qui définissent notamment les rapports économiques contractuels Par exemple, un homme politique libéral comme Walter Lippmann défendait, vers la fin des années 30, un libéralisme étayé par un État relativement interventionniste au niveau juridique et économique dans le fonctionnement du marché. La lecture de sa biographie (voir Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Walter... ) est riche d’enseignement pour comprendre les débats parfois acharnés qui opposaient des penseurs libéraux entre–eux dans l’intervalle des deux guerres. Ce débat sur l’importance à accorder ou non à l’État dans l’économie a agité la cour suprême des États-Unis au début du XXe siècle.

– D’autre part, selon les périodes historiques, l’Etat est utilisé par la bourgeoisie de différentes manières. En période de crise politique, notamment en économie de guerre, l’Etat joue un rôle central dans l’économie. La politique économique keynésienne d’après guerre accordait à l’Etat un rôle important dans l’économie des différents pays développés, ce qui n’empêchait pas ces pays de rester capitalistes et d’être dirigés par une droite défendant le libéralisme économique.

– Le capitalisme régulé par l’Etat de type fordo-keynésien, et dénoncé, à l’époque comme capitalisme monopoliste d’Etat par le PCF, n’a pas affaibli l’influence du monde de la finance sur l’Etat ou le Politique bien au contraire, et nous en constatons l’héritage maintenant où l’interpénétration des pouvoirs est totale dans un contexte de libre-échangisme généralisé , sans oublier une osmose encore accrue avec le pouvoir médiatique .

Ainsi, un certain dirigisme économique par l’Etat ne signifie aucunement un affaiblissement du pouvoir des capitalistes et de l’idéologie libérale. N’oublions pas que les privatisations, depuis les années 80, ont été techniquement préparées par des hauts fonctionnaires imprégnés d’idéologie libérale : il existe de (trop) nombreux hauts fonctionnaires ultra-libéraux ! Cette idée, répandue par les médias, selon laquelle tout ce qui émane des cabinets ministériels serait de nature antilibérale, relève de la manipulation politique.

– Même en cette période de "néolibéralisme" où l’Etat social est attaqué de toutes parts (assèchement programmé des recettes de l’Etat pour créer les déficits publics, création d’organismes régionaux et supranationaux,...), celui-ci continue de verser des subventions aux capitalistes, de prendre des mesures protectionnistes aux USA, de financer les groupes d’armement,...

Jacques Généreux dans son ouvrage que la La dissociété indique même qu’en cette période de néolibéralisme, l’État reste un instrument privilégié pour servir les intérêts de la classe dominante. " Le projet néolibéral n’est pas un désengagement de l’État, mais, au contraire, son réengagement au service d’intérêts particuliers et d’un autre modèle de société.[...](p108) [...]Encore une fois, le but des néolibéraux n’est pas d’affaiblir l’État, mais de disposer à leur guise d’États assez puissants pour imposer, à l’intérieur comme à l’extérieur, un ordre conforme à leurs intérêts et à leur vision du monde.[...](p109) [...]L’engrenage pervers de la privatisation de l’État-providence prépare et nourrit le cercle vicieux de la violence sociale et de sa répression par un État-pénitence." (p128)

En effet, le stress au travail, le développement du chômage et de la misère qui frappent certaines couches sociales engendrent des comportements agressifs ou dépressifs et même une délinquance multiforme. Cette violence sociale crée un sentiment d’insécurité généralisée amplifié par les médias et justifiant ainsi l’intervention d’un État de plus en plus répressif et policier. Se déploie alors un libéralisme de type policier. Antilibéral ? Pendant le même temps l’État sous le contrôle des commis politiques des puissances de l’argent ne se donne pas les moyens pour lutter contre le secret bancaire et la fraude fiscale massive des délinquants non seulement en col blanc mais aussi en haut de forme. Voir le livre d’Antoine Peillon : ces 600 milliards qui manquent à la France. (Ed. du Seuil) http://www.alternatives-economiques...

– Il n’existe pas forcément de contradiction entre dirigisme politique et libéralisme, contrairement à ce que les libéraux font croire. Napoléons, Hitler, Franco, Pinochet,....étaient-ils anticapitalistes ? Evidemment non. Alors comment auraient-ils pu être anti-libéraux ?  Nous aborderons plus loin le mythe du nazisme antilibéral propagé par les … libéraux.

b) De Gaulle, un antilibéral … !

Il est très intéressant de voir comment De Gaulle, homme à qui on ne peut reprocher de ne pas avoir eu "le sens de l’Etat", celui qui a dit que "la politique ne se fait pas à la corbeille" (de la bourse) se situait par rapport au libéralisme. Voici un texte de lui, très peu connu...

"...Cependant, depuis longtemps, je suis convaincu qu’il manque à la société mécanique moderne un ressort humain qui assure son équilibre. Le système social qui relègue le travailleur- fût-il convenablement rémunéré au rang d’instrument et d’engrenage est, suivant moi, en contradiction avec la nature de notre espèce, voire avec l’esprit d’une saine productivité. Sans contester ce que le capitalisme réalise, au profit, non seulement de quelques-uns, mais aussi de la collectivité, le fait est qu’il porte en lui-même les motifs d’une insatisfaction massive et perpétuelle. Il est vrai que des palliatifs atténuent les excès du régime fondé sur le « laissez faire, laissez passer », mais ils ne guérissent pas son infirmité morale.

D’autre part, le communisme, s’il empêche en principe l’exploitation des hommes par d’autres hommes, comporte une tyrannie odieuse imposée à la personne et plonge la vie dans l’atmosphère lugubre du totalitarisme, sans obtenir, à beaucoup près, quant au niveau d’existence, aux conditions du travail, à la diffusion des produits, à l’ensemble du progrès technique, des résultats égaux à ceux qui s’obtiennent dans la liberté.

Condamnant l’un et l’autre de ces régimes opposés, je crois donc que tout commande à notre civilisation d’en construire un nouveau, qui règle les rapports humains de telle sorte que chacun participe directement aux résultats de l’entreprise à laquelle il apporte son effort et revête la dignité d’être, pour sa part, responsable de la marche de l’oeuvre collective dont dépend son propre destin.

N’est-ce pas là la transposition sur le plan économique, compte tenu des données qui lui sont propres, de ce que sont dans l’ordre politique les droits et les devoirs du citoyen ? C’est dans ce sens que j’ai, naguère, créé les comités d’entreprise. C’est dans ce sens que, par la suite, étant écarté des affaires, je me suis fait le champion de 1’« association »..." (Charles De Gaulle. Mémoires p 998 Ed. Gallimard)

Ce texte, qui n’est pas dépourvu de hauteur de vue, contient une certaine critique du libéralisme et de la toute puissance du marché mais cela suffit-il à dire que De Gaulle était un anti-libéral ? Non, car il n’a jamais remis en cause le pouvoir du monde des affaires. Il pensait que l’Etat avait un rôle à jouer dans l’économie et la reconstruction industrielle de la France. Et n’oublions tout de même pas qu’il nomme Valéry Giscard d’Estaing comme ministre des finances 18 janvier 1962, homme politique qui incarne le libéralisme et les connexions politiques avec l’oligarchie financière.

c) Des hauts fonctionnaires au service de l’économie capitaliste très … anti libéraux !

Bernard Denni et P.Lecomte, dans leur cours de sociologie du politique de l’IEP de Grenoble rappellent que : "...Ces données montrent de façon éloquente que la Cinquième République a rapproché les hauts fonctionnaires du coeur du pouvoir politique, favorisant ainsi une forte interpénétration entre celui-ci et le pouvoir administratif, pour aboutir à leur fusion, réalisée aux dépens des professionnels de la politique, puisqu’une proportion significative de non-parlementaires ( de 39% à 18,5 % ) accède désormais aux fonctions gouvernementales après un passage dans les cabinets ministériels. Cette évolution est étroitement liée à la volonté réformatrice de l’État qu caractérise la période gaulliste.

Les hauts fonctionnaires sont alors chargés -éventuellement contre les hommes politiques -de mettre en oeuvre leur conception de la rationalité économique pour promouvoir la modernisation de la France. Ministres ou membres des cabinets, ils contrôlent et orientent la marche de l’économie en participant à différents organismes de planification dans lesquels ils rencontrent les grands industriels et financiers. L’État entrepreneur favorise donc délibérément l’institutionnalisation des relations entre la haute administration, le pouvoir politique et le monde des affaires, ce qui entraîne une intensification des flux d’échanges entre ces trois pôles de pouvoir."(L’interpénétration des catégories dirigeantesT2 ; p122 Ed. PUG)

Cela rejoint le concept de technostructure imaginé par le keynésien de gauche Kenneth Galbraith ( http://fr.wikipedia.org/wiki/John_K... ) : dans les grosses entreprises se constitue une couche de cadres de haut niveau prenant en charge la gestion, le management, les orientations économiques de l’entreprise. (Le nouvel état industriel, 1967). Cela reste le cas en France pour des entreprises comme Areva.

Mais au début des années 80, après une période de conflit entre technostructure et actionnaires, le néolibéralisme impose le pouvoir des actionnaires.

Le même phénomène de formation d’une technostructure se déploie au sein des États (technocratie économique constituée pour l’essentiel d’anciens élèves des grandes écoles et universités) et au sein des institutions européennes. Cette technicisation n’implique aucunement un quelconque anti libéralisme, bien au contraire, puisque les multinationales imposent aux États, tant à leurs technocrates qu’à leurs décideurs politiques, leurs contraintes économiques mondialisées. Mais cette subordination ne l’oublions pas, a été le résultat de décisions politiques de nature néolibérale.

Dans son livre : Europe : La trahison des élites, Raoul Marc Jennar montre d’une manière précise comment fonctionne cette technostructure dans les institutions européennes et internationales. Voir résumé du livre . http://users.skynet.be/idd/document...

d) Qui sont donc les anti libéraux ?

– L’anti-libéralisme serait synonyme d’étatisme ou de dirigisme. Une telle conception est archi-fausse. Être anti libéral ne signifie aucunement vouloir donner toute la puissance à l’Etat et étouffer toute liberté individuelle. Il s’agit simplement de donner à l’Etat un rôle de protection sociale pour l’ensemble de la population et un rôle économique dans certains secteurs où il peut être dominant (éducation, énergie…) et de privilégier aussi l’économie sociale et solidaire qui reste marginale dans le système capitaliste actuel. Il ne serait être le seul acteur économique, politique. Être antilibéral c’est favoriser les différentes formes de propriété publique sans pour autant abolir toute forme de production privée. Comme nous l’avons vue ci-dessus, c’était déjà le point de vue de Jaurès.

Ce n’est pas simplement développer la citoyenneté dans la société civile mais aussi au sein de chaque entreprise et donner un plus grand pouvoir à ceux qui produisent les richesses c’est-à-dire aux salariés. Être antilibéral, c’est faire en sorte que l’État ne soit plus assujetti aux intérêts de la grande bourgeoisie, c’est-à-dire assujetti au Capital mais soit au service de l’ensemble population. Être antilibéral c’est prendre toutes les mesures économiques, juridiques et politiques pour que le travail soit prédominant sur le capital.

– Être antilibéral, ce n’est pas être un ennemi de la liberté individuelle. Les anti libéraux considèrent comme un progrès historique la lutte des libéraux pour acquérir la liberté individuelle (liberté de circulation, d’expression, de conscience, etc.)

Néanmoins leur conception de la liberté individuelle n’est pas fondée, comme pour les libéraux, sur une conception utilitariste et qui serait antagonique avec l’égalité et la justice. D’autre part elle ne s’oppose pas aux libertés collectives et à la fraternité.

– Un certain nombre d’intellectuels libéraux (notamment en sciences sociales) voudraient faire croire qu’il n’existe qu’une seule alternative : une société individualiste où l’individu est tout et la société n’est rien d’une part, une société holiste où l’individu n’est rien et la société est tout, d’autre part. Les anti libéraux n’acceptent pas une telle alternative et considèrent qu’il est possible de construire une société de développement humain, qui n’est pas une troisième voie entre ces deux extrêmes où l’individu est conçu en opposition avec la société. C’est d’ailleurs l’objet des deux ouvrages de Jacques Généreux : La dissociété et L’autre société.

4.3 – Un anti capitalisme et anti libéralisme d’extrême droite ?

On peut lire dans l’article sur l’anticapitalisme de Wikipédia que le nazisme était anticapitaliste et antilibéral. "Les nazis estiment que le capitalisme cause des torts aux Nations de par la finance internationale, la domination économique des grandes entreprises et de l’influence des Juifs[. Les affiches de propagande nazies destinées aux quartiers ouvriers exacerbaient l’anticapitalisme. Sur l’une d’entre elles était écrit : « Le maintien d’un système industriel pourri n’a rien à voir avec le nationalisme. Je peux aimer l’Allemagne et détester le capitalisme »[31]"

Effectivement, dans le programme en 25points du parti nazi NSPAD daté du 20 février 1920 (Munich) il est notamment demandé de nationaliser les grands trusts (point 13), d’exproprier les gros propriétaires terriens sans indemnité (point 17). (Voir : http://www.annabac.com/content/gene... ) mais ces mesures ne furent pas rédigées par Hitler et furen reconsidérée en 1927 par la reconnaissance de la propriété privée en raison du financement du parti nazi par les capitalistes industriels allemands (source : http://resistanceallemande.online.f... )

En réalité, pour se rallier des couches populaires, notamment ouvrières , les fascistes ont fait figurer dans leur programme et leurs discours des mesures remettant en cause le pouvoir des capitalistes, tout en s’opposant violemment aux mouvements syndicaux, aux communistes et socialistes de l’époque et en dénigrant la révolution d’octobre 1917. Ce fut l’un des éléments essentiels qui conduisit les capitalistes industriels et même financiers à soutenir les mouvements fascistes notamment le nazisme.

On trouvera une description historique précise de ce soutien du patronat allemand aux nazis dans les articles suivants parus sur ce site :

– Allemagne : pourquoi et comment le patronat a fondé le fascisme ? http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

– Allemagne 1931 1932 Patronat, armée et droite marchent au nazisme http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

– Fascisme de 1918 à 1945 : causes, caractéristiques, réalité par pays, définition http://www.gauchemip.org/spip.php?a... (A la section C3 de cet article, on peut trouver d’autres articles montrant le rôle actif du patronat allemand dans le financement et le soutien des fascistes.)

–Comment Londres et Wall Street ont mis Hitler au pouvoir (par William F. Wertz, Jr.) http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Il est tout à fait remarquable que le site du PG Midi-Pyrénées soit l’un des rarissimes sites Web francophone à traiter de cette question importante.

En cette période de crise économique grave, où les partis d’extrême droite voient leur influence considérablement accrue en Europe et en France, les faits historiques relatés par ces articles me paraissent d’une extrême importance.

Il en a été de même avec le mouvement fasciste italien dirigé par Mussolini. En voici l’illustration par un extrait d’un article de Algérie info (http://www.algerieinfos-saoudi.com/... ). Voici un extrait de l’article :

"23 mars 1919 : naissance du mouvement fasciste Le tournant a lieu l’année suivante, lorsque Mussolini fait jonction avec le patronat italien. Pendant l’été 1920, tandis que se multiplient les luttes sociales et les grèves dans les grandes villes industrielles du nord et dans les campagnes du sud, il prend ouvertement le parti des possédants, tout en continuant d’utiliser une phraséologie antibourgeoise. Il crée une milice au sein de son Parti qui va faire le sale boulot contre les grévistes. Ce sont les squadre ( escouades) dont les membres, les squadristi, se signalent par le port d’une « Chemise noire », d’où leur surnom."

L’article de Wikipédia est donc à compléter sérieusement sur cette question extrêmement sensible, car il laisse penser, qu’au-delà des mots de la propagande, les nazis s’étaient réellement attaqués au capitalisme allemand. En réalité le nazisme et plus généralement les mouvements fascistes ont été utilisés par la classe capitaliste pour sauver son système menacé par les véritables anticapitaliste et anti libéraux.

On ne peut juger de la réalité des positions politiques d’un parti et de personnalités politiques uniquement à partir de discours de propagande et de circonstances. Ce qui compte, ce sont les actes inscrits dans la durée.

Pour prendre un exemple récent qui n’a évidemment rien à voir avec le nazisme, voici un extrait du discours de Sarkozy tenu à Bercy le 29 avril 2007 : "Je suis allé à la rencontre des Français en ayant en moi le souvenir des ouvriers d’Alstom tétanisés par la peur de voir leur entreprise disparaître. Je suis allé à la rencontre des Français en pensant à tous ces ouvriers que j’avais rencontrés, vivant dans la hantise des délocalisations et dont les conditions de travail ne cessent de se dégrader sous la pression d’une concurrence déloyale et de dumpings sociaux, environnementaux, fiscaux et monétaires, que nous ne pouvons pas accepter parce que ce sont des femmes et des hommes qui paient pour notre faiblesse et notre lâcheté à accepter l’inacceptable. Je suis allé à la rencontre des Français, révolté par le fait que de plus en plus de travailleurs ne puissent pas faire vivre dignement leur famille avec leur salaire. Quand on ne peut pas faire vivre sa famille alors qu’on travaille tout le mois, on est condamné à la désespérance, parce que le travail en France n’est pas assez récompensé, pas assez valorisé et pas assez considéré." (Source : http://sites.univ-provence.fr/veron... )

Est-ce ce discours que nous retenons et que les historiens retiendront pour juger de l’action sociale de Nicolas Sarkozy ? Évidemment non . C’est à partir de son action économique et politique réelle pour résoudre ces problèmes sociaux que la majorité des électeurs l’ont jugé après l’exercice de son mandat présidentiel et c’est à partir de son bilan économique et social réel que les historiens du futur jugeront de son action et non pas à partir de sa propagande politique. Il en est de même de tout discours et de tout programme politique pour convaincre des électeurs.

La réalité est que l’extrême droite a été et est dans tous les pays du monde la force politique utilisée par la grande bourgeoisie pour neutraliser les forces politiques mettant gravement en danger ses intérêts de classe. Pour ne prendre qu’un exemple contemporain parmi d’autres, il suffit de penser à l’arrivée au pouvoir de Pinochet au Chili en 1973 après l’assassinat de Salvador Allende qui avait l’intention de nationaliser les mines de cuivre. Sur quelles forces politiques se sont appuyés les États-Unis après la deuxième guerre mondiale pour développer les armées secrètes de l’OTAN en prévision d’une prise de pouvoir éventuelle , dans un pays européen par des anticapitalistes ? Devinez…

Voir le documentaire de France 5 : les armées secrètes de l’OTAN http://mai68.org/spip/spip.php?arti... qui a d’ailleurs été inspiré par un livre très documenté du même nom : http://www.editionsdemilune.com/les... Voir aussi l’article de Wikipédia stay-behind http://fr.wikipedia.org/wiki/Stay-behind

4.4 L’anticapitalisme et l’anti libéralisme chrétien.

Nous consacrerons à cette thématique une place importante car le christianisme a occupé et occupe encore une place considérable dans le champ idéologique, non seulement de notre pays, de l’Europe mais aussi au niveau mondial. En voici les raisons :

– Le matérialisme historique moderne qui intègre les acquis des sciences humaines et – notamment l’anthropologie, ne se contente pas d’étudier les mécanismes économiques d’une société donnée mais aussi ses constituants idéologiques, dont les formes religieuses, sachant que celles-ci hantent l’humanité depuis son origine (objets rituels découverts par les fouilles archéologiques).

Comme l’a bien montré Maurice Godelier dans son livre l’Idéel et le matériel, les représentations imaginaires peuvent être plus puissantes que les forces matérielles chez les humains.

Nous sommes loin de la conception de Marx du XIXe siècle réduisant la religion à une simple forme d’aliénation, l’opium du peuple. Je ne reviens pas ici sur les raisons d’une telle conception fort bien expliquées par un cours de philosophie de Éric C hevet http://chevet.unblog.fr/2011/02/24/... .

Mais depuis beaucoup d’eau a coulé sous de nombreux ponts, les intellectuels marxistes qui ne considèrent pas les œuvres de Marx comme les Saintes écritures et les théologiens de la libération qui n’ont pas considéré Marx comme une incarnation du diable ont largement dépassé cette vision quelque peu simpliste, qui d’ailleurs n’était pas propre à Marx à l’époque, mais partagée par un certain nombre de socialistes et de libéraux horrifiés par les torrents de sang versés au cours de l’histoire au nom de la religion catholique et révulsés par le carcan idéologique totalitaire d’une Église hégémonique et longtemps du côté des puissants.

En outre il serait complètement abusif de considérer que le marxisme s’est construit contre le catholicisme comme le prétendent certains docteurs libéraux en sciences sociales. L’objet principal de l’œuvre de Marx est le processus de développement du capital et la remise en cause des fondements du capitalisme.

Certes les persécutions contre les chrétiens en URSS, les exactions meurtrières incontrôlées commises par des anarchistes et des communistes en 1936 et 1937 en Espagne durant la lutte contre le franquisme, ont été autant d’événements qui permettent de comprendre, outre des raisons idéologiques, l’anticommunisme catholique. http://fr.wikipedia.org/wiki/Terreu...)

D’autre part, pour éviter toute ambiguïté, si un marxisme rénové constitue un outil de pensée important, la boite à outils conceptuels d’un anti libéralisme moderne ne se réduit pas à celui-ci.

– La moitié des 2,2 milliards de chrétiens recensés est catholique, 37 % sont protestants et 12 % orthodoxes (source : La Croix http://www.la-croix.com/Religion/Ac... )

En France, selon les sources statistiques, le nombre de catholiques est compris entre 43 % et 64 % , le nombre de protestants aux environs de 2 %, les musulmans entre 7 % et 8 % . Le nombre de sans religion entre 27 % et 45 %. (Source : Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Religi... ). On recense environ 5 % de pratiquants.

– D’autre part, la doctrine sociale de l’Église a joué et joue encore un rôle historique important dans le mouvement social. "La révolte des Canuts en 1831 fut l’un des premiers événements où se manifesta la misère ouvrière. Frédéric Ozanam en fut particulièrement bouleversé[26]. À la suite de l’apostrophe d’un saint-simonien lors de l’une de ses conférences d’histoire, il décida de fonder la société de Saint-Vincent-de-Paul pour l’aide aux pauvres[27]. Ce fut le début de l’action du catholicisme social, qui aboutit en 1891 à l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII, qui reconnaît les droits des ouvriers et cautionne solennellement le développement d’un mouvement social. Certains des premiers syndicats furent des syndicats chrétiens : par exemple le SECI, qui deviendra la CFTC, fut créé en 1887, trois ans seulement après la levée de l’interdiction de se syndiquer. Elle est créée après la Fédération nationale des syndicats, d’inspiration socialiste, en 1886, qui deviendra la CGT en 1895[28].

Depuis cette époque, en ce qui concerne le catholicisme, les papes ont régulièrement mis à jour la doctrine sociale de l’Église. Celle-ci comprend un ensemble de principes et de valeurs qui doivent dicter l’action des catholiques en matière sociale. L’action sociale des chrétiens peut aujourd’hui intervenir en France dans le cadre du bénévolat dans des associations." Source : Wikipédia le christianisme social http://fr.wikipedia.org/wiki/Christ...

Les positions économiques et sociales figurant dans les encycliques sociales sont proches de celles développées par le texte du programme du Front de Gauche : L’humain d’abord.

Ce texte peut donc constituer un support de dialogue intéressant entre chrétiens et adhérents du Front de Gauche. D’autre part, il peut être intéressant de faire prendre conscience aux catholiques, notamment pratiquants que la doctrine sociale de l’Église est en contradiction avec les thèses sociales et économiques avancées par les partis de droite et sociaux libéraux. Cela peut être aussi intéressant d’en faire prendre aussi conscience aux journalistes de la presse chrétienne qui ignore ces textes et encore plus ceux du Front de gauche.

Les médias n’abordent jamais cette question de la doctrine sociale de l’Église susceptible d’être dérangeante pour le système en place, et préfèrent renvoyer une image réactionnaire du Vatican en saisissant ici et là quelques problèmes sociétaux : avortement, mariage pour tous, qui dans notre pays, ne concerne qu’une infime partie de la population. En revanche, les positions socio-économiques dont traite les encycliques sociales et qui concernent 100 % de la population sont passés sous silence.

Les médias entretiennent soigneusement le vote de droite des catholiques, notamment des pratiquants, et les images caricaturales d’un marxisme anticlérical du XIXe siècle relayé au XXe siècle par un dogmatisme stalinien meurtrier.

– Un grand nombre de conceptions philosophiques avancées dans les encycliques sociales sont identiques ou, au moins, voisines de celles passées en revue précédemment : importance des liens sociaux, de la relation dans la construction de l’individualité, anti utilitarisme, conception non individualiste de la liberté, égalité, importance du bien commun, importance de la fraternité et de la solidarité, importance fondamentale de la notion de justice sociale.

Le seul point de désaccord significatif, on peut s’en douter, porte sur la nature métaphysique de l’individu considéré comme une créature de Dieu par les chrétiens, une étincelle divine qui deviendra une flamme grâce à l’oxygène des relations sociales. On retrouve évidemment ici l’opposition entre matérialisme et spiritualisme.

Mais concevoir l’individu comme une créature de Dieu ne relève pas de la raison mais de la foi. Alors, cette opposition sur ce point particulier suppose que l’on considère que l’anti libéralisme est forcément athée. Cette manière de voir est alors fort discutable En effet, Hélder Câmara et Oscar Romero ou encore le théologien Leonardo Boff adeptes de la théologie de la libération qui s’est développée en Amérique latine ne serait pas des anti libéraux ? Évidemment non : ce furent des antilibéraux.

En fait, la croyance en l’existence d’une étincelle divine (pour reprendre la terminologie de Saint Augustin) au sein de l’individu humain n’interdit pas de penser que cet individu est une construction relationnelle par ses liens interactionnels qui tisse avec son milieu naturel et son milieu social au cours de son développement.

C’est cette conception non individualiste – au sens du libéralisme – apparaît d’ailleurs dans les encycliques sociales. Nous pourrions dire que la conception atomystique de l’individu du libéralisme aux à la conception sociomystique du catholicisme.

Nous avons extrait des encycliques un certain nombre de passages accessibles à des non-croyants et permettant un dialogue raisonné. Ce n’est donc évidemment pas une volonté de censure qui m’a conduit à écarter les passages faisant allusion à Dieu. D’ailleurs le lecteur dispose de toutes les références pour se reporter à l’intégralité du texte, ce qui est évidemment conseillé.

A) Eviter les contresens

Lorsque l’on aborde la question du libéralisme et de l’anti libéralisme catholique, il faut d’abord savoir quel sens tel ou tel auteur accorde à ces termes. Ainsi dans une étude sur le le libéralisme et l’anti libéralisme catholiques, sous la plume de Grégoire Célier, on peut lire : "Nous venons de le dire, face au fléau du libéralisme catholique, se dressèrent des champions de la foi, quel’on nomme communément les « catholiques antilibéraux ». Essayons maintenant de les présenter. Si nous nous référons au libéralisme entendu de façon très générale comme révolte contre Dieu, recherche de l’autonomie de la créature par rapport au Créateur, on peut dire que tout le patrimoine de la doctrine chrétienne et catholique est une dénonciation de ce libéralisme et une réponse à ses fausses assertions." (Source :http://catholicapedia.net/Documents... )

On trouve ici une source historique d’un certain antilibéralisme chrétien dans la mesure où les libéraux du XVIIIe et XIXe siècle ont combattu l’hégémonie de l’Église catholique et ont affirmé le principe de la liberté de conscience individuelle. En outre bon nombre d’entre eux au début du XXe siècle ont défendu avec force les principes de la laïcité.

Les progressistes retrouvent ici, comme pour le principe de la séparation des pouvoirs des valeurs positives du libéralisme issues du siècle des Lumières.

B) L’Église et les riches.

De nombreux prêtres de l’Église au XIXe siècle ont dénoncé avec force la cupidité des commerçants, des propriétaires terriens, des banquiers et l’accumulation des richesses par un petit nombre. En voici deux exemples tirés du livre de Groethuysen Origines de l’esprit bourgeois en France. Chapitre IV l’Église et le capitalisme (1ère édition 1927.Ed. Gallimard 1977)

"Ce sont les agissements de ces accapareurs de biens qui sont cause qu’il y a tant do pauvres. t Si personne n’acquerrait et ne possédait que ce qui est nécessairo pour son entretien et pour celui de sa famille, il n’y aurait point d’indigents par tout le monde. C’est donc cette ardeur d’acquérir de plus en pius, qui jette dans I’indigence tant de pauvres. Cette immense cupiditéd’acquérir peut-elle donc être innocente, ou peut’ello n’être que médiocrement criminelle ? Le Pèro Thomassin. en dirigeant ses attaques contre les accapareurs de son temps, pourrait sembler n’avoir en vue que les excès d’une criminelle cupidité. Mais, en fait, il s’attaque à toute une classe, à a ce petit nombre des riches, qui se saisissent eux seuls de I’héritage commun du genre humain" (p. 237)

"… Reste toutefois qu’ils ne pensent (les riches) qu’à s’élever et à amasser de I’argent. Et c’est ce quô l’Église ne saurait leur pardonner. « Dieu qui dans les Livres Saints ne cesse de nous inspirer du mépris pourles richesses, Dieu qui par des comparaisons eflrayantes nous en montre les siuites funestei, Dieu qui déclare que la cupidité, premier mobile des grandes entreprises de commercc est la source de tous les maux, n’a pas fait I’homme pour élever des masses d’argent, et les faire ensuite circuler à la gloire du commerce et de l’État ; il a créé les individus, ainsi que les sociétés, pour sa proprq gloire-re »". (p. 244)

Cette approche critique reste essentiellement morale mais les encycliques sociales de l’Église ont une approche plus approfondie du capitalisme.

C) La doctrine sociale de l’Église à la lumière de l’anticapitalisme et l’anti libéralisme.

Cliquez sur le lien suivant pour accéder au texte la doctrine sociale de l’Église à la lumière de l’anticapitalisme et de l’anti libéralisme http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Remarquons que la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) créé en 1925 s’inspira et s’inspire toujours de la doctrine sociale de l’Église. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeunes...

Il en est de même du Secours catholique né en 1946 qui a fondé récemment (2900) la fondation Caritas pour lutter contre la pauvreté. http://fr.wikipedia.org/wiki/Secour... http://www.fondationcaritasfrance.org/

Le syndicalisme chrétien prend naissance en 1855 et la CFTC beaucoup plus tard en 1919. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Conf%C... Évidemment ce syndicalisme s’inspire de la DSE.

De même le mouvement des entreprises et dirigeants chrétiens (EDC) s’inspire de ces principes (sans y faire référence explicitement du fait que l’association est chrétienne et non seulement catholique) et ont créé la Fondation pour une économie au service de l’Homme. Voir : http://www.lesedc.org/ http://www.fondation-esh.org

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.

On peut dire que la doctrine sociale de l’Église a influencé le mouvement associatif et syndical chrétien mais il serait abusif d’en déduire que ce mouvement est antilibéral, d’autant qu’il a pu parfois se développer en concurrence avec des syndicats qui étaient anticapitalistes. Mais l’objet de notre étude n’est pas le mouvement social-chrétien dans son ensemble mais uniquement la DSE.

Ceci ne doit évidemment pas éclipser le fait qu’il existe aussi un mouvement social protestant en France qui s’est développé après la commune de Paris. Voir : christianisme social : un siècle d’histoire dans le protestantisme français. http://www.protestants.org/index.ph...

.L’éthique sociale protestante se distingue de l’éthique sociale catholique sur un certain nombre de questions. Pour en savoir plus se reporter à : Une vision protestante de l’éthique sociale de Denis Müller http://www.erudit.org/revue/ltp/199...

Voici un exemple récent d’une mise en œuvre de la doctrine sociale de l’Église par la parution en septembre 2013 de l’ouvrage Ethique et entreprise. Pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire par Cécrle Renouard , Editions de I’Atelier.

"L’éthique n’est ni un surptus anecdotique, ni un élément de marketing ou, pire, un moyen d’améliorer la rentabilité de l’entreprise, mais un aiguillon critique au seruice de la suruie , de la planète et du bien-vivre ensemble . Le capitalisme actuel n’est pas seulement prédateut « générateur de nornbreuses soffiances », i1 est aussi insotrtenable, pour du fait « d’un modèle de croissance impossible à conseruer dans la durée. Aussi est-ce à une transforma-tion radicaie du système économique qu’appelle l’auteure, philosophe de l’économie (Essec et Ecole des Mines) et religieuse (ce qui explique que, à plusieurs reprises, mais defaçon non intrusive, elle fasse appel à Ia parole du pape)…" (Source : revue Alternatives économiques, octobre 2013. Extrait de l’article de Denis Clerc, p. 102.)

D) Intellectuels chrétiens et anti libéralisme

Étienne Cabet a été un anticapitaliste chrétien célèbre dans la première partie du XIXe siècle sa critique du capitalisme est radicale. On peut lire avec profit la présentation de son œuvre dans Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Etien... "Étienne Cabet, né le 1er janvier 1788 à Dijon et mort le 9 novembre 1856 à Saint-Louis (Missouri), est un théoricien politique français. Prônant une forme de communisme chrétien, il est classé parmi les socialistes utopiques par Karl Marx et Friedrich Engels, qui lui opposent un socialisme scientifiqueIl écrivit en 1840 Voyage en Icarie, description d’une cité idéale, et fonda en 1848 une communauté utopique du même nom, Icarie, sur les bords de la rivière Rouge, au Texas".

Plus proche de nous, Emmanuel Mounier (1905-1950), créateur du personnalisme communautaire adopte clairement des thèses anticapitalistes dans le chapitre VI de son ouvrage : la révolution personnaliste et communautaire. On peut consulter ce texte sur ce site : L’anticapitalisme de Emmanuel Mounier http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

L’homme politique espagnol Carlos Comín adopta les positions de Mounier. https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfon...

On peut se reporter à un très bon article de Frédéric Gugelot dans la revue Projet sur les rapports entre notamment le PCF et les chrétiens après la seconde guerre mondiale, intitulé : "Intellectuels chrétiens entre marxisme et Évangile," http://projet.pcf.fr/32550

5- Quelques exemples d’utilisation erronée des termes anti-libéralisme et anti-capitalisme.

a) Anticapitalisme et anti libéralisme dans le dictionnaire de l’extrême gauche.

Voici ce que dit, à ce sujet, le Dictionnaire de l’extrême gauche de S. Cosseron (Ed. Larousse) "Antilibéralisme et anticapitalisme Ce sont là deux marqueurs politiques majeurs à l’extrême gauche, qui ne sont pas pour autant totalement superposables. Si l’antilibéralisme condamne les politiques économiques et sociales des États fondées sur la déréglementation des statuts des salariés, les délocalisations et la libéralisation des transactions financières, l’anticapitalisme se présente comme une critique radicale du système économique dans son essence même.

A l’extrême gauche, cette différence sémantique sépare les altermondialistes de type ATTAC de l’ultragauche ou des marxistes révolutionnaires comme Lutte ouvrière. Dans certains discours, l’emploi des deux termes est à géométrie variable. Ainsi, dans la bouche d’Olivier Besancenot, cela dépend de la stratégie politique adoptée par la LCR : quand elle est unitaire (par rapport aux autres organisations de gauche et d’extrême gauche), celui-ci emploie le mot antilibéral ; quand elle est indépendante (en son nom propre), celui d’anticapitaliste. Dans les faits, antilibéraux et anticapitalistes dénoncent les mêmes ressorts des politiques libérales : la flexibilité, la précarisation, la marchandisation de secteurs de la société jusque-là épargnés par la concurrence, l’abandon par l’État de fonctions de régulation et de répartition. La différence la plus sensible réside dans les modalités d’action et de revendication". (p80-81)

Cette définition reste floue : elle ne fait référence qu’à une forme particulière du libéralisme : ce que l’on nomme habituellement néo ou ultra libéralisme, en développement depuis les années 1973. Que signifie "essence même du capitalisme" ? D’autre part, Attac comprend en son sein des anticapitalistes, et quiconque a consulté le site de Harribey, président d’Attac, http://harribey.u-bordeaux4.fr , rubrique Travaux, a compris que nous sommes loin d’une critique de surface ou seulement conséquentielle du capitalisme.

b) Anti libéralisme = anticapitalisme mou ?

Cette idée, que l’anti libéralisme serait un anticapitalisme mou ou une sorte de référence au capitalisme keynésien est assez répandue. Ainsi, par exemple, sur le site Bellacio, on peut lire : "L’antilibéralisme n’est pas anticapitaliste et représente l’espoir stupide d’une certaine catégorie de réformistes de revenir à un temps révolu, celui des trente glorieuses, lorsque le Capital avait du céder en partie sous le rapport de forces issu de la Résistance. Les forces sociales qui portent cette notion d’antilibéralisme sont les couches moyennes (fonctionnaires principalement et éducation nationale proparte) et non les ouvriers, les employés et les chômeurs (ceux qui ont principalement voté non au TCE). Ce "parti de la gauche antilibérale" ne peut être qu’une impasse..." http://bellaciao.org/fr/article.php...

Là encore, on confond les plans : système économique (capitalisme) et plan idéologique (libéralisme) et on croit que l’anti-libéralisme se réduit à la critique des formes actuelles du capitalisme. En réalité, l’antilibéralisme s’attaque aux fondements idéologiques et culturels du libéralisme philosophique et économique. En revanche, l’article de Alain Bhir, sur ce même site et le même thème est très intéressant et je souscris à la quasi totalité de son texte. http://bellaciao.org/fr/article.php...

Néanmoins, A.Bihr se laisse piéger par une définition faible de l’anti-libéralisme, curieusement à la mode.. Après avoir rappelé, avec justesse, l’ensemble des mouvements sociaux récents, il s’interroge sur leur hétérogénéité : " Et pourtant, ce qui permet de leur trouver un air de famille, c’est incontestablement l’antilibéralisme qui leur fournit au moins un point de convergence. Et il précise plus loin : " L’antilibéralisme, au contraire (par rapport à l’anti capitalisme), vise plus modestement une politique générale, en l’occurrence un mode de gestion du capitalisme en crise, engagé dans une phase de rupture avec un mode de développement antérieur qui s’est épuisé (le fordisme) et à la recherche d’un nouveau mode de développement "

Il serait, en effet, totalement illusoire de penser que tous les mouvements sociaux récents seraient anti-capitalistes, même si leur action peut affaiblir quelques positions des capitalistes, mais là encore, il y a confusion des plans : l’anti-libéralisme ne peut se réduire à une critique d’un mode de fonctionnement ou de gestion du capitalisme, ce qui relèverait d’une conception purement économiste. L’utilisation du mot anti libéralisme dans un sens faible ou qui serait synonyme de réformisme me paraît confus et empêche d’utiliser ce mot pour son sens fort et originel : la critique radicale des thèmes idéologiques libéraux, la critique de la légitimation du capitalisme jusqu’en ses fondements. L’anti-libéralisme ne se contente pas d’une dénonciation des méfaits constatés et même d’une explication descriptive des mécanismes économiques en jeu. Il s’attaque aux présuposés axiomatiques, dogmatiques de la pensée libérale. Il ne réduit pas sa critique à un moment du développement du capitalisme. Malheureusement nombreux sont ceux qui se prétendent anti-capitalistes qui ne font pas cette critique radicale, et c’est l’une des raisons, non prise en compte, de la division des mouvements communistes ou alternatifs non communistes.

c) Anticapitalisme = défense des intérêts de la classe ouvrière ?

Nous avons en partie déjà traité de cette question mais j’y reviens. La notion de "la défense des intérêts de..." l’individu au niveau de clan, de classe, par intégration des intérêts individuels est une démarche libérale : arrivé au pouvoir, les "révolutionnaires" qui sont censés défendre "les intérêts de la classe ouvrière", du peuple, etc finissent par constituer une nomenclaturat défendant "ses propres intérêts". La bourgeoisie capitaliste ou les nomenclaturats dites socialistes ou communistes ont le même mental : l’intérêtisme.

La projection (pour utiliser un terme de la psychanalyse) de l’intérêt individuel sur un groupe, avec identification narcissique au chef du groupe conduit au culte de la personnalité, avec, bien sûr, différentes intensités. Manque donc, dans cette démarche la notion de solidarité, non pour défendre seulement ses intérêts "tous ensemble", mais la solidarité "gratuite", qui ne sera pas forcément payante pour soi. Mais la transcendance de soi ne signifie pas abolition de soi, sacrifice de soi comme cela a pu se produire dans les théocraties, les sociétés totalitaires. Certes, le sacrifice de soi peut être nécessaire dans certaines circonstances historiques exceptionnelles, mais le nombre de résistants à un système totalitaire ne dépasse pas 8% de la population au maximum. Les "saints" restent peu nombreux. L’anti-libéralisme ne serait donc se contenter d’une conception des luttes sociales fondées uniquement sur la défense des intérêts purement individuels.

d ) Michel Onfray confond les plans

Voici encore un exemple de confusion des termes, ici assez impressionnante. Dans son article :: "Anticapitaliste, antilibéral, de quoi parle-t-on ’" sur le site Espace Marx Aquitaine, Michel Peyret, cite Michel Onfray : http://espacesmarxbordeaux.apinc.or... " Cette extrême-gauche plurielle confond capitalisme et libéralisme. Or le capitalisme est un mode de production des richesses par la propriété privée et le libéralisme une modalité de leur répartition par le marché libre. On peut donc être, ce qui est mon cas, antilibéral et défenseur du capitalisme. " Toujours même confusion et réductionnisme économique. Production, répartition opèrent sur le plan économique ; le libéralisme opère sur le plan idéologique des représentations. En outre, on voit mal comment le marché libre (qui n’est que pure fiction libérale) pourrait, à lui seul, sans intervention politique, juridique, en tout moyen autre que par un processus purement économique, pourrait maîtriser la répartition des richesses. Par exemple, comme le soutient le sociologue américain Charles Wright Mills, dans son ouvrage L’élite du pouvoir, c’est grâce aux institutions que la réputation, l’argent, la richesse sont acquis distribués et conservés. Enfin, comment peut-on être contre le libéralisme, dont la fonction essentielle est de défendre la capitalisme et être en même temps pour le capitalisme ? La confusion est ici totale.

e)L’antilibéralismeun, signifiant flottant ?

Voici un extrait de l’article : Antilibéralisme ou anticapitalisme ? Des mots et des choses Par Daniel Bensaïd http://www.lcr-lagauche.be/cm/index...

"L’antilibéralisme est donc au mieux un signifiant flottant pour désigner un front du refus allant de la gauche révolutionnaire aux utopies néo-keynésiennes, du pacifisme théologique à l’anti-impérialisme militant.…"

Pas étonnant pour Bensaïd qu’il s’agisse d’un signifiant flottant puisqu’il met dans le même sac des mouvances qui n’ont pas grand-chose à voir entre elles et qui plus est ne sont pas antilibérales. Dans son impuissance à définir d’une manière claire l’anti libéralisme ne s’appuyant que sur des mouvements sociaux hétéroclites (on retrouve le culte de l’action fétichisée), Betnsaïd essaie de s’en tirer par une pirouette : "La manie de la définition est caractéristique du goût français de la raison classificatoire et de sa manie du rangement. La définition fixe et immobilise. La détermination dialectique met au contraire l’accent sur le devenir et la dynamique."

Sauf que toute démarche rationnelle, je n’ose pas dire scientifique, s’appuie sur un corpus de définitions claires. Si l’on considère l’anti libéralisme comme concept et non pas comme mot fourre-tout soumis aux quatre vents des mystifications politiques et médiatiques, il est nécessaire de faire l’effort de lui donner une définition,ou pour le moins, tenter de le faire.

D’autre part, il est bien évident que le terme anticapitalisme ou anti libéralisme peut avoir une définition qui évolue avec le temps sans pour autant changer radicalement. Avant l’effondrement du système soviétique, la collectivisation des moyens production était synonyme d’étatisation. Il est clair que personne dorénavant ne considère comme synonymes appropriation sociale et étatisation. Mais il n’en reste pas moins vrai que le concept d’anti libéralisme s’appuie toujours sur la notion d’appropriation sociale même si celle-ci peut prendre des formes variées. De même, l’action révolutionnaire d’un certain nombre de militants chrétiens conduit à penser que l’athéisme n’est pas nécessaire à la définition de l’anti libéralisme du moment que les autres principes philosophiques et économiques restent en accord avec le corpus que nous avons passé en revue.

L’auteur indique avec raison " La question ne se réduit pas à la part d’appropriation sociale autogérée des moyens de production, de communication et d’échange. Elle implique tout autant une politique fiscale, un contrôle politique de l’outil monétaire, une redéfinition des services publics, une réorientation du commerce extérieur. Que, dans un tel cadre, des missions de service public puissent être déléguées à des opérateurs privés n’est pas une question de principe, si elles sont encadrées par des législations fiscales et sociales contraignantes. En outre, les formes d’appropriation sociale peuvent être très variées, de l’entreprise publique à la coopérative autogérée. Mais, ici encore, la question cruciale est celle des rapports de forces sociaux et politiques, et du pouvoir réel de décision."

Cela rejoint tout à fait ce que nous avons développé précédemment concernant ce que nous avons appelé économie plurielle, mais on ne saurait définir l’anti libéralisme à partir d’une politique fiscale du commerce extérieur, d’une politique familiale ou autres qui ne sont que des applications concrètes dans le cadre d’un programme de gouvernement des principes fondamentaux de l’anti libéralisme. L’anti libéralisme n’est pas un programme politique mais l’idéologie associée à une société de développement humain qui peut prendre aussi le nom de société éco socialiste, de même que le libéralisme est l’idéologie associée à une société capitaliste.

f) La France anti-libérale ?

Selon les médias libéraux, les français seraient en grande majorité anti-libéraux ! Pire, selon eux, pour nombreux français, le mot "libéral" serait devenu une insulte. Ainsi, Le Figaro ,dans son numéro du 10/03/06, Ezra Suleiman se lamente :"... La France est-elle particulière ? En France, par contraste, la diabolisation est instinctive. Ce qui aimante les mobilisations contre le contrat premier embauche, c’est cet antilibéralisme spontané de larges franges de la société, inculqué dès le plus jeune âge. Et le beau mot de « libéral » est presque devenu une insulte !", et dans le Le Figaro du 14/09/06 Philippe Raynaud , dans son article La Révolution : une exception française ? fait écho : "...Les problématiques de l’altermondialisme sont très présentes dans le débat social où l’extrême gauche bénéficie de l’antilibéralisme ambiant en France. Nous sommes, sans doute, un des rares pays où le mot « libéral » est une insulte.".

Et le magazine Les Echos relaie l’idée en faisant publicité pour le livre : Psychanalyse de l’antilibéralisme les français ont-ils raison d’avoir peur ? sous la direction de Christian Stoffaës Editions Saint-Simon "le libéralisme a été refoulé en France, parce qu’il a perdu. Il doit repartir au combat, cette fois en se coordonnant." Les Echos 09/11/06 http://www.lesechos.fr/info/analyse...

Et l’offensive libérale en 2007 a été, en effet, assez bien coordonnée : les français auraient-ils viré du rouge au bleu en deux ans ? Etait-ce le sondage réalisé en 2005 par LH2 qui a provoqué un tel émoi en 2006 ? "Le sondage réalisé par LH2 pour Libération (1) est absolument catégorique : selon le panel interrogé, l’opinion publique rejette le capitalisme à près des deux tiers des voix. Le libéralisme économique ne se porte pas mieux. Le socialisme semble lui (de peu) majoritaire dans le pays (51 % d’opinions positives). Un résultat surprenant, tant la libre entreprise semblait faire consensus. Selon François Miquet-Marty, directeur de LH2 Opinion, ce palmarès « révèle certes la difficulté, déjà connue, de la société française à accepter l’idée de libéralisme économique, mais il désigne surtout l’ampleur du malaise suscité par la notion de capitalisme, alors que ce dernier n’a jamais été mieux établi ».

Alors, Marx pas mort ? A entendre certaines réponses, on pourrait le penser. Ainsi, 41 % des interrogés décrivent le capitalisme comme « l’exploitation de l’homme par l’homme », et 45 % comme « l’accumulation des richesses » par un petit nombre de personnes.... .

Mais les Français sont en pleine contradiction : ils sont contre le système mais, lorsque l’on ouvre le capital de GDF ou de EDF, les salariés de ces entreprises se ruent sur les actions. » http://www.liberation.fr/page.php?... (Libé 04/11/05)

La dernière phrase du journaliste ne manque pas de pertinence : il est bien évident que si les français étaient réellement anti-libéraux ou anti capitalistes, ils ne voteraient pas massivement pour un candidat ultra libéral ou social libéral ! Quelle valeur attribuer à ce genre de sondage ? Pas grand chose, car , même en définissant le capitalisme par l’exploitation de l’homme par l’homme, ce qui n’est déjà pas si mal, cette définition reste largement insuffisante et le mot libéralisme reste trop flou pour une large part de la population qui ne perçoit le libéralisme qu’au niveau des conséquences immédiates.

Et le libéral au teint rose Libération , un mois plus tard, en rajoute une louche en publiant un article intitulé : "la France terre d’anti libéralisme", accréditant l’idée simpliste que les Français ne seraient acceptés le traité constitutionnel européen en raison de leur anti libéralisme http://www.liberation.fr/tribune/20...

Le 25/01/2011 le journal financier bat un record en titrant : La Tribune titre : "Les Français champions du monde de l’anticapitalisme". (http://www.latribune.fr/actualites/... )

Toujours 5 ou 6 années plus tard, lors des élections présidentielles de 2012 la même litanie se poursuit, entre autres, avec le journal Le Monde dans un article intitulé :"L’antilibéralisme, seul point d’accord entre les dix candidats". Amusant ! Le Monde tourne à l’envers ! Voici un extrait de cet article du 12/04/2012 dans Le Monde des idées"Le libéralisme, on le sait, n’est pas aimé en France. L’antilibéralisme est d’ailleurs le seul point d’accord des dix candidats à l’élection présidentielle ! Personne n’oy risquer de peur d’en subir les foudres élecstorales. Les libéraux de l’école américaine du Public Choice, l’économiste James Buchanan en tête, l’avaient clairement expliqué : les politiques se comportent rationnellement sur le marché des voix et, sondages à l’appui, tentent de flatter et de répondre à l’opinion dominante plus que de la faire évoluer. Quand on sait qu’à peine 30 % des Français croient aux vertus de l’économie de marché, on ne peut en vouloir à nos dirigeants de tous parier sur l’option constructiviste..."

Source : http://www.lemonde.fr/idees/article... On peut alors se demander pourquoi Jean-Luc Mélenchon n’est pas président de la république et Olivier Besancenot premier ministre !

En réalité, il n’en est rien, bien au contraire. Dans leur ouvrage récent sur la sociologie de la France "Le mystère français" (édition la république des idées) Emmanuel Todd et Hervé Le Bras, montrent , dans le chapitre 9 "à droite tous" (page 223 et suivantes) que le corps électoral français ne cesse de se déporter vers la droite, ce qui n’est pas un phénomène proprement français.

Et il est vrai que si l’on consulte les résultats des élections présidentielles au premier tour depuis plusieurs législatures, on constate que la totalité des voix de droite avoisine le plus souvent 55 % et si François Hollande eist néanmoins arrivé à se faire élire, ce n’est pas simplement grâce à l’apport des 4 millions de voix du Front de gauche mais aussi au prix d’une droitisation de sa politique pour rallier une partie de l’électorat de droite

Emmanuel Todd énumère trois explications pour rendre compte de ce phénomène de droitisation mais oublie en réalité l’explication principale : la formidable machinerie médiatique mise en place dans les pays capitalistes pour façonner les esprits et les comportements au format libéral, la stratégie de la peur et de l’insécurité faisant partie des outils idéologiques utilisés notamment à destination de la population des retraités.

Ces discours, sur l’anti-libéralisme des français est mystificateur : il pourrait faire croire que l’idéologie libérale est absente ou ténue dans les médias : ce serait l’extrême gauche omniprésente qui aurait gagner la bataille des idées : cela justifie un renforcement de la propagande libérale. Et encore plus astucieux, cela conforte les militants anticapitalistes de gauche dans leurs illusions qui les aide à vivre et à échouer.

Il est clair, en réalité, que le nombre de français qui sont anticapitalistes et antilibéraux au sens originel rappelé dans ma contribution, est de l’ordre de 8 à 15 % du corps électoral.

L’essorage sémantique exercé sur ces mots par le libéralisme dominant provoque la confusion et masque la réalité idéologique existant dans la tête des gens qu’il est nécessaire de connaître pour pouvoir transformer le monde. L’objectif à atteindre pour la bourgeoisie est que, de l’extrême gauche au PS, les militants puissent dire : "Antilibéralisme" ? Mais c’est un mot fourre-tout ! Il ne veut plus rien, dire !" .

6 – Les laboratoires d’idées anti libéraux.

Dans le paragraphe anticapitalisme, nous avons énuméré un certain nombre de partis anticapitalistes. Nous donnons ici une liste non exhaustive de groupes de réflexion anti libéraux

– Fondation Copernic : http://www.fondation-copernic.org/ http://fr.wikipedia.org/wiki/Fondat...

– Fondation Gabriel Péri http://www.gabrielperi.fr/

– Société Louise Michel http://www.societelouisemichel.org/

– Fondation Pierre Besnard http://www.fondation-besnard.org/ar...

– ATTAC http://www.france.attac.org/

– Les économistes attérés http://www.atterres.org/

– Acrimed http://www.acrimed.org

Il existe évidemment de nombreux blogs et publications antilibéraux. Il existe aussi un annuaire des sites communistes : http://communiste.free.fr/links.php3 mais de nombreux liens sont inopérants et la base n’a pas été mise à jour. Par exemple, le lien pour le site de Espaces Marx ne fonctionne pas alors que ce laboratoire d’idées existe encore, on le trouve à : http://www.espaces-marx.net/

Remarquons que la Fondation Jean-Jaurès est social-démocrate : http://www.jean-jaures.org/

de même pour la fondation Terra Nova : http://www.tnova.fr/ http://fr.wikipedia.org/wiki/Terra_...)

et aussi la République des idées classée centre-gauche : http://www.repid.com http://fr.wikipedia.org/wiki/La_R%C...

On peut aussi se reporter à une publication récente : Les structures non-partisanes dans le champ politique C’est la thèse de doctorat de Matthieu Laurent en sciences politiques (septembre 2011 Université Paris II Panthéon Assas Sorbonne, sous la direction de Jacques Chevalier) https://docassas.u-paris2.fr/nuxeo/...

On trouve dans cette thèse très intéressante de 521 pages une étude d’un nombre important de clubs, think tanks, associations dont les groupes de réflexion antilibéraux (fonctionnement, historique, rôles, etc.) Avant cette thèse, l’auteur avait déjà rédigé un mémoire sur ATTAC.

Indiquons pour terminer une réflexion sur l’anti libéralisme actuel : Pour une gauche de gauche, ouvrage d’un collectif d’universitaires, aux éditions du Croquant (2008).

Hervé Debonrivage


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