Carlos TAVARES Un scandale révélateur

mercredi 6 avril 2016.
 

Le doublement des revenus de Carlos Tavarès, PDG de PSA, est évidemment indécent : 5,4 millions d’Euros par an c’est 14500 euros par jour soit grossièrement l’équivalent de 365 personnes payées au SMIC.

Mais c’est surtout une leçon de chose sur les écarts de richesse dans notre pays et les critères qui les justifient.

Acceptons un instant les critères financiers qui autorisent le MEDEF à dire que ce doublement des revenus est mérité, « les objectifs ayant été atteint à 99% ». Mais alors au nom de quelle logique, les salariés du groupe n’auraient pas vu, eux-aussi, leur salaire doubler ? Seraient-ils moins impliqués dans cette « réussite » ? Faisons une expérience pour voir : que Mr Tavarès arrête de travailler huit jours d’affilée puis que les salariés de PSA l’imitent la semaine suivante. Lors du congé de Mr Tavarès, les véhicules continueront à sortir des chaînes, à se commercialiser, à être inventées, lors de la semaine suivante plus rien ne sera produit. Une façon de rappeler que les salariés de PSA sont à l’origine directe, et quasi totale, de la rentabilité retrouvée.

C’est même carrément sur leur dos que se sont fait ces bénéfices de 1,2 milliards enregistrés en 2016. Car le mérite de M. Tavarès n’est pas d’être un capitaine d’industrie, inventeur de concept automobile. Ni même d’avoir gagné des parts de marché et enregistré beaucoup plus de volume de véhicules produits. Pas du tout. Il le revendique d’ailleurs : il est là pour accroître la rentabilité du groupe. C’est un excellent gestionnaire au sens où l’entendent ses maîtres de la finance.

Mettons à part le gros tiers des bénéfices sur lesquel Carlos Tavarès n’a aucune responsabilité car du à la baisse des matières premières et à un taux de change plus faible de l’Euro, le reste s’est largement fait sur le dos des salariés et des sous-traitants. La masse salariale est en effet passée de 14,5% du Chiffre d’affaire en 2013 à 12,4 % aujourd’hui. Les raisons ? Alors que 17 000 emplois ont été supprimés et que les salaires ont été bloqués pendant la même période, PSA a fabriqué 40 % de plus de véhicule. La plus value sur le travail a donc explosé.

Et ce n’est pas fini puisque 740 suppressions d’emploi sont prévues sur le site de Poissy en 2016, les syndicats dénonçant une délocalisation en Slovaquie où PSA bénéficierait d’aide de l’Etat pour implanter une usine. On peut donc s’attendre à voir Carlos Tavarès être encore augmenté en 2016…

Cette restauration des taux de profit au détriment du travail se fait-elle dans le cadre d’un capitalisme sauvage ? Du côté de l’exploitation des salariés indiscutablement. Mais c’est un capitalisme sauvage qui se gave des aides de l’Etat et donc des contribuables que nous sommes pour alimenter la rente. A commencer par le crédit impôt (CICE) soit déjà 126 millions d’euros répartis entre 2013 et 2014. On devrait être autour de 200 millions lorsque les chiffres de 2015 tomberont. Deux cent millions d’Euros pour 17 0000 suppressions d’emplois : pas mal pour des cadeaux de l’état censés créer de l’emploi… Montant auquel il faudrait ajouter les millions d’exonérations pour les bas salaires que PSA a touché comme toutes les entreprises françaises. N’oublions pas les 800 millions attribués par l’Etat en 2012 sous forme d’achat de 14 % d’actions.

Qu’en disent ceux des 3000 salariés licenciés d’Aulnay PSA, dont le film de François Davisse, « Comme des Lions », retrace la lutte ? Ceux d’entre eux, toujours sur le carreau, qui touchent aujourd’hui, demandeurs d’emplois en fin de droit, 16 euros par jour à comparer aux 14 500 que gagne Carlos Tavarès ? Ceux qui ont été sacrifiés au nom des mauvais choix industriels des actionnaires de Peugeot, principalement la famille éponyme, qui ont préféré se distribuer plus de 6 milliard de dividendes dans la décennie précédente au lieu de les investir ? Tout en recevant, là encore, des milliards de l’Etat sous forme de prime à la casse. Le scandale se double finalement d’une immoralité sordide. Ceux gagnant beaucoup, plus qu’ils ne pourront jamais dépenser, continuant à sa gaver sur la bête, en l’occurrence ceux et celles à qui ils doivent toute leur richesse et qui n’ont, eux, que leur force de travail pour vivre.

Cette histoire finalement ordinaire du capitalisme, confirme qu’il faut définanciariser l’économie. Michel Sapin pleure des larmes de crocodiles : il s’en va sur les plateaux expliquer qu’au conseil administration du groupe les représentants de l’Etat auraient voté vainement contre le doublement de la rémunération de Tavarès car sans minorité de blocage Histoire, certainement, de nous faire oublier que le gouvernement a promis l’encadrement des rémunérations en mars 2013 sans le réaliser pour le privé. Une promesse de plus non tenue. Voilà pourquoi, au pouvoir, nous appliquerions un écart maximum des salaire de 1 à 20 dans une même entreprise comme le proposent les syndicats européens. Plus que modéré non ? Avec une telle mesure, Mr Tavarès gagnerait environ 30 000 euros par mois soit dix sept fois le revenu médian du pays. Et il aurait alors peut-être tout intérêt à relever les salaires plutôt que de les bloquer. PSA c’est la preuve que là où il y a des profits, il n’y a pas de limite. Il faut donc leur en imposer. Pour commencer.


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