La Société Générale a-t-elle indûment touché 2,2 milliards d’euros de ristourne fiscale ?

jeudi 21 juillet 2016.
 

Vous avez été plus de cent mille à signer la pétition dont j’ai pris l’initiative pour faire rendre gorge à la Société générale qui doit 2 milliards aux contribuables français à la suite de l’affaire Kerviel. Je m’amuse quand je vois les journalistes qui sautent sur le moindre ragot contre moi se taire avec zèle sur ce genre d’initiative. Il est vrai que… enfin bon !

Je reviens donc sur cette affaire. En 2008, la Société Générale a bénéficié d’une « ristourne fiscale » de 2,2 milliards d’euros, accordée par Christine Lagarde, ministre de Nicolas Sarkozy. Pourquoi ? Parce que la banque avait annoncé avoir perdu 4,9 milliards d’euros sur les marchés financiers « à cause » de son trader Jérôme Kerviel. La loi prévoit en effet ce type d’indemnisation pour les entreprises financières en cas de perte exceptionnelle, à condition que les contrôles internes n’aient pas failli. Or, les contrôles ont failli. Ce n’est pas moi qui le dis mais la Commission bancaire qui a condamné la Société Générale pour ses contrôles internes défaillants et ses manquements aux règlements de la profession à une amende de 4 millions d’euros. J’ajoute de surcroît que la banque n’a jamais prouvé le montant de sa perte et que celle-ci n’a jamais été évaluée par un expert indépendant. J’ajoute encore qu’elle n’a pas non plus prouvé la culpabilité de Jérôme Kerviel ; le tribunal des Prud’hommes a d’ailleurs affirmé le 7 juin dernier qu’il avait été licencié « sans cause réelle et sérieuse ». La cour de cassation a annulé en 2014 les dommages et intérêts demandés à Jérôme Kerviel au motif que la responsabilité de la banque n’avait pas été prise en compte. En juin dernier, le réquisitoire du procureur de la république à la cour d’appel de Versailles a établi que la banque n’avait aucun droit à réparation du fait de sa connaissance des activités dont elle s’est ensuite prétendue victime.

Depuis, un nouvel élément vient d’être révélé le 1er juillet dernier à l’issue d’une enquête menée par Médiapart, 20 Minutes et France Inter : un rapport daté de mai 2008 affirme que la remise fiscale faite à la Société Générale n’allait pas de soi et que le fisc aurait dû mener une enquête complémentaire. Pourtant, ce rapport a mystérieusement disparu. Pour cause : il a été broyé, comme le révèle Médiapart. Quels intérêts ont pu mener à sa disparition alors qu’il apparaît aujourd’hui comme une pièce accablant la banque ?

Depuis juin 2013, j’alerte. Quoi que ma prise de position ait à l’époque soulevé une certaine incompréhension, j’affirmais que Jérôme Kerviel était innocent et que l’acharnement de la banque à le faire condamner reposait dans une large mesure sur l’acquisition de cette ristourne fiscale. J’écrivais : « Pourquoi ce dédommagement a–t-il été versé alors que le défaut de surveillance de la banque sur son employé est attesté par l’organisme professionnel bancaire qui en est chargé, ce qui interdisait tout dédommagement de la part de l’Etat ? ».

François Hollande lui-même, à l’époque premier secrétaire du PS, affirmait en 2010 : « On apprend que finalement la Société Générale va se faire rembourser. Comment admettre que lorsqu’une banque fait une erreur, ce soit le contribuable qui paye ? ». Il est aujourd’hui président de la République. Pourquoi ne demande-t-il pas au ministre des Finances, Michel Sapin, de lancer une enquête de l’administration fiscale ? Oui ou non, la Société Générale a-t-elle indûment touché 2,2 milliards d’euros de ristourne fiscale, c’est à dire d’argent public ? Oui ou non, ce sont nos impôts qui ont couvert les pertes de la banque et ses erreurs de gestion ? C’est ce qu’il faut savoir. Et, le cas échéant, récupérer notre argent.


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