2017 année de l’insoumission ? C’est possible !

mardi 18 octobre 2016.
 

Ce week-end a lieu la convention programmatique de France Insoumise, mouvement-campagne dans laquelle le PG est pleinement engagé. Ce sera un moment important de notre campagne présidentielle et législative. Mais d’ores et déjà, à la veille du grand rendez-vous de Lille, l’impact de la candidature de Jean-Luc Mélenchon autorise à une question : 2017 sera-t-elle l’année de la réaction ou de l’insoumission ? On verra que l’interrogation ne se pose peut-être pas seulement l’échelle de notre pays.

Pourtant à se limiter à l’écume médiatique, les jeux sont faits. Les forces et idées de la réaction ne sont-elles pas à l’offensive partout ? Les thèmes identitaires, sécuritaires et même xénophobes trustent temps d’antenne et unes des journaux. Celle du Figaro Magazine du 7 octobre barré d’un « Comment la France s’islamise » sur fond d’un sinistre Philippe De Villiers en est un exemple : elle aurait été il y a quelques années l’exclusivité de Rivarol ou de Minute. Un peu partout les partis d’extrême-droite progressent et leurs idées déteignent largement sur la droite « républicaine » voire au delà. La primaire de la droite, et la surenchère droitière et néolibérale dont elle est l’occasion, l’illustre.

Et pourtant… D’autres signes se font jour. Ils traduisent une réalité plus complexe y compris dans les pays de l’est de l’Europe. Le parlement polonais n’abrite plus aucun député de gauche, c’est vrai, mais des manifestations d’une ampleur inattendue ont fait reculer pour le moment le pouvoir dans son intention de bannir tout droit à l’IVG. En Hongrie c’est déjà l’extrême-droite qui est au pouvoir avec Viktor Orban, mais ce dernier a subi une défaite dans son intention de faire passer une loi xénophobe sur les migrants par voie référendaire. Ses opposants avaient appelé au boycott : ils sont majoritaires. Seuls 45 % des hongrois se sont en effet déplacés, ce qui rend le résultat du référendum caduc.

Cela n’inverse certes pas le rapport de force de ce côté là de l’Europe, mais prenons ces signes de résistance comme des éclaircies.

Poursuivons cette mise en perspective à l’échelle de l’Europe. Depuis quelques années, l’espoir est venu du sud : Grèce, Portugal, Espagne. C’est aujourd’hui le cas plus particulièrement en Espagne où la pression venue de l’alliance Unidos entre Podemos et IU aux dernières élections a mis le PSOE en ébullition au point de provoquer une crise de direction chez ce dernier. Plus récemment c’est des pays du nord de l’Europe, et plus précisément des principales puissances européennes, que sont survenus des signes positifs. Parmi eux il y a bien sûr la réélection triomphale de Jérémy Corbyn à la tête du Labour Party. L’événement a vite été chassé de l’actualité. Revenons-y un moment car il contient plusieurs enseignements.

Premier enseignement : les faits contredisent une fois encore la médiacratie des deux côtés de la Manche. Sitôt la victoire du Brexit enregistrée que n’a-t-on entendu ! Les britanniques se repentaient déjà ; si le vote avait été à refaire, le résultat eut été tout autre, etc. On connaît ce type de bourrage de crane, il ressemble comme deux gouttes d’eau à celui utilisé contre le non au TCE en 2005. Parmi les preuves, lâchaient les eurolâtres, Jérémy Corbyn n’allait pas tarder à payer sa tiédeur constatée à supporter le oui en étant renversé de la tête du Labour. L’establishment travailliste, dont 80 % de ses députés et 23 des 31 membres du « shadow cabinet », n’avait-il pas demandé sa tête ? Au final donc, Corbyn renforce son leadership sur son parti. Non pas en rentrant les épaules devant les critiques, en ramollissant son discours, mais au contraire en assumant sa ligne profondément antilibérale et eurocritique.

Deuxième enseignement : une ligne de gauche crânement assumée a permis l’implication populaire. Corbyn n’a en effet pas remporté sa victoire à la tête d’une secte délaissée par ses militants, mais au contraire d’un parti en plein regain notamment dans les classes populaires et la jeunesse. Oublié le Labour déserté par ses militants du temps de Blair, ce sont 540 000 militants qui ont voté, soit un gain de 300 000 en dix huit mois grâce à l’« effet Corbyn » ! Ici il n’est pas question de « primaire » censée apporter une caution citoyenne à des partis nécrosés, mais bien du vote d’adhérents qui ont fait le choix conscient de s’associer dans un parti pour un objectif commun. A peine la victoire de Corbyn annoncée, la médiacratie s’est rassurée à bon compte en prédisant que ce tournant à gauche du Labour annonçait de défaites futures aux élections générales. L’avenir le dira. Mais pour l’heure le point est pris.

Quelques jours après, c’est d’Allemagne qu’est venue une autre bonne nouvelle. Aux élections à Berlin ce n’est pas le AfD, parti d’extrême-droite, qui a fait une percée mais Die Linke, devenue troisième force politique dans la capitale, avec 15,9 % des voix. Certes l’atmosphère à Berlin a toujours été particulière en Allemagne mais là encore un deuxième point est pris. Or dans ces trois pays auront lieu en 2017 des rendez-vous majeurs sur fond de contestation des traités européens : le Brexit pour les britanniques, bien sûr, et les élections dans les deux principaux pays de l’UE, la France puis l’Allemagne quelques mois après.

Cette conjonction dans le temps peut favoriser une contagion bénéfique. Dans ce contexte, l’articulation plan A / plan B que proposerait Jean-Luc Mélenchon en cas de victoire devient un levier toujours plus concret. Qui peut en effet affirmer que l’exigence portée par la France d’un plan A valant une reconstruction européenne à partir de la sortie des actuels traités ne favoriserait pas, ensuite, en Allemagne ceux qui contestent de la même manière l’actuelle construction libérale de l’Europe ? Autrement dit, qui peut affirmer que le peuple allemand ne pourrait aussi être touché par le vent de l’insoumission venu de France ?

Ce n’est certes qu’un des scénarios pour 2017. Sans doute pas, à cette heure, le plus probable. Mais il existe, tant la période reste instable, propice aux bouleversements et aux bifurcations de l’histoire. Qui, par exemple, aurait parié un penny il y a deux ans sur le tournant radicalement à gauche du Labour dans une Grande-Bretagne sorti de l’UE ? Car un spectre hante l’Europe : de façon certes très variée, voire brouillée, les peuples qui la composent recherchent une issue à la situation périlleuse dans laquelle les enferme une Union Européenne invivable à force d’être dévouée à l’oligarchie financière. L’année 2017 en offre donc l’occasion. Et c’est peut-être au peuple français que revient la responsabilité de donner la couleur de cette issue : réaction ou insoumission. C’est dire l’importance du rendez-vous de Lille. Car qui ne voit qu’à six mois de l’échéance présidentielle seule la candidature de Jean-Luc Mélenchon représente une véritable alternative progressiste crédible ? Elle est la seule possibilité pour que le pays évite à la fois la poursuite aggravée d’une politique austéritaire et ultralibérale que proposent tous les candidats à la primaire de la droite et le danger du FN. Ce n’est qu’une possibilité. Mais qu’elle existe à ce stade est déjà essentiel. Elle dit bien la responsabilité de toutes celles et de tous ceux qui, comme nous, entendent rompre et construire un avenir en commun.

Eric Coquerel Co-coordinateur politique du Parti de Gauche


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