Austérité : enfin, l’aveu !

mercredi 27 novembre 2013.
 

Des larmes auront coulé sur des fronts, avant que les économistes de la Commission européenne confessent l’énormité des dégâts semés par leurs politiques d’austérité et de compressions budgétaires. Les chiffres sont là qui témoignent de l’engourdissement économique dans lequel les pays européens sont condamnés par la saignée. L’addition est astronomique – de 2011 à 2013, – 8,5 % de perte pour le PIB de la Grèce, – 4,8 % pour la France, – 4,9 % pour l’Italie, – 6,9 % pour le Portugal et même – 3,9 % pour l’Allemagne, malgré tous ses excédents commerciaux – et ne se résume pas à des alignements de chiffres. Désormais, des Grecs ont faim et n’ont même plus de TV publique, de jeunes Italiens immigrent comme un siècle plus tôt, le chômage a envahi la jeunesse espagnole, des millions de salariés sont payés une misère en Allemagne, le Royaume-Uni bat des records pour le nombre d’enfants pauvres, dans toute l’Europe la consommation s’affaisse… Le seul bilan positif de ces politiques est au bénéfice des oligarchies. Les 500 plus grandes fortunes professionnelles françaises ont augmenté de 25 % en un an, tandis que la France figure au troisième rang mondial et au premier européen pour le nombre de millionnaires en dollars.

Les preuves sont donc sur la table : tout ce qui concourt à réduire la rémunération du travail, à diminuer la redistribution qu’opèrent les services publics au bénéfice du plus grand nombre, à amplifier les dividendes et la rétribution des placements financiers freine l’essor économique et le bien-être social. Elles doivent être produites auprès des citoyens auxquels sont imposés les moulins à prières médiatiques qui répètent l’inéluctabilité des sacrifices et l’obligation des coupes budgétaires. Une majorité de Français sent bien que ces politiques vont dans le mur, multiplient les inégalités et déchirent les liens qui permettent de vivre ensemble. Mais les experts en cours prêchent en boucle une fatalité mondialisée et un renoncement individualisé, sans être soumis à de véritables contradictions. À les écouter, on pense à René Char  : «  Ils se laissent choir de toute la masse de leurs préjugés ou ivres de l’ardeur de leurs faux principes…  »

Aucun gouvernant ne peut dire qu’il ne savait pas après cet aveu des experts de la Commission européenne, si prompte à dépêcher des liquidateurs de services publics, des tueurs de budgets et des ravageurs de droits sociaux dans les pays en difficulté. Alors, il faut être cohérent. Sans délai, Jean-Marc Ayrault doit renoncer à la hausse de la TVA, qui fera porter aux salariés une hausse vertigineuse de la fiscalité, abolir le crédit d’impôt, qui va engraisser le CAC 40 et manquer à la consommation, doter les collectivités locales des moyens qui leur sont nécessaires et qui leur ont été ôtés, construire un pôle bancaire public développant une industrie respectueuse de l’écologie, investir dans le système de santé, les rémunérations et les formations, rétablir la retraite de plein droit à soixante ans… Le contre-pied radical aux politiques d’austérité, le choix de l’humain plutôt que celui des marchés financiers sont des impératifs pour renouer avec l’emploi, qui est la clé du rétablissement des comptes publics et de la pérennité des systèmes de protection sociale.

Voilà qu’enfin, la Commission européenne vient de faire la preuve de son utilité en publiant sans fard la démonstration de son échec et de la nocivité des politiques qu’elle impulse…

Patrick Apel-Muller, L’Humanité

B) Révélations : le document de Bruxelles qui avoue l’échec de l’austérité

Dans un document inédit que publie l’Humanité ce mercredi, un des économistes en chef de la Commission européenne mesure les effets désastreux de l’austérité dans les pays de la zone euro. A cause de ces seules politiques, la France aurait perdu 5 points de croissance. Extrait.

C’est la note dont la presse n’a pas parlé, ou presque. Son auteur n’est pourtant pas le premier venu : Jan In’t Veld est un économiste connu et respecté. « Il est le modélisateur en chef de la Commission européenne. Toutes les politiques économiques mises en œuvre par la Commission sont établies sur la base de ses travaux », rapporte à l’Humanité un de ses confrères.

Dans un document en anglais d’octobre 2013 à l’en-tête de la Commission de Bruxelles et portant sur « les consolidations budgétaires et ses retombées dans le noyau et la périphérie de la zone euro », cet économiste a mesuré les effets sur les pays concernés des mesures d’austérité mises en place de façon coordonnée dans la zone euro, de 2011 à 2013, avec la bénédiction des commissaires de Bruxelles. Croissance, taux de chômage, investissement, consommation… : tout est passé au crible et « modélisé », pour isoler l’effet de l’austérité des autres facteurs économiques. Et le résultat est édifiant. Selon ses calculs, l’austérité budgétaire aurait fait perdre, en cumulé, 4,78% de croissance du produit intérieur brut (PIB) à la France de 2011 à 2013...


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