Revenir aux principes fondateurs de la sécurité sociale

mercredi 26 avril 2006.
 

Les dépenses de protection sociale représentent 30 % du PIB. Les dépenses de santé représentent 12,5 % du PIB. Cela vous donne l’importance de l’enjeu. Et pourtant, les crises sanitaires en France et dans le Monde se multiplient.

Comment supporter que des centaines de millions d’êtres humains soient menacés par des épidémies mortelles comme la tuberculose et le paludisme, qu’on sait guérir, simplement parce que les médicaments « de marque » sont trop chers et l’industrie pharmaceutique s’oppose à la diffusion massive des génériques. Pour ce qui est du SIDA, qu’on sait soigner, les accords arrachés aux industriels à Doha en 2001 et à Hong-Kong en 2005 ont permis de baisser le coût annuel du traitement de 2500 à 170 euros en cinq ans. Mais ce coût rend inaccessible le médicament aux citoyens de pays dont le budget annuel de santé par habitant est de 40 euros, alors que dans certains cas une personne sur cinq, voir sur quatre, est atteinte par la maladie. Faites le compte, il n’y est pas. Chez nous en France, des besoins de santé de la population restent insatisfaits. Comment supporter une pénurie de soins alors que 200 000 médecins sont répertoriés et 170 000 en exercice !!! Comment supporter que dans la cinquième puissance économique du monde les gens soient de moins en moins bien soignés, alors que les dépenses de santé augmentent trois fois plus vite que la croissance !! Cet argent va bien dans la poche de quelqu’un ! Car s’il y a un domaine où le libéralisme progresse à grand pas c’est le domaine des soins : on voit ainsi fleurir les résidences de luxe pour personnes âgés dépendantes qui coûtent 6000 euros par mois et qui sont gérés par des groupes comme Medidep orpea cotés en bourse et qui réalisent, excusez du peu, 20 % de profit annuel. Comment croire qu’avec les remèdes que nous proposent les libéraux cela pourrait s’améliorer ? Et pourtant, c’est ce que nous proposent les bonnes âmes de Bruxelles et leurs amis de Paris. C’est partout et toujours la même thérapie : mettre tout sur le marché. Il faut que le chiffre d’affaire du secteur soit juteux et source de profit maximum. Mais les temps changent. Méfions nous de ne pas nous adapter nous-mêmes aux stratégies de ceux qui s’adaptent en permanence pour augmenter leurs profits. Alors que c’est au contraire une rupture qu’il nous faut. Croyez-vous qu’une épidémie comme le chikungunya, avec des centaines de milliers de personnes infectées et 173 décès à ce jour pourrait être jugulée par la grâce du marché ? Bien sur que non. Là, c’est bien de la place de l’Etat dont il s’agit pour faire face. La protection sanitaire est et doit être une fonction régalienne de l’Etat. Ce n’est pas avec une carte sanitaire régionalisée et à moitié privatisée qu’on va faire face à ce type de péril non programmés. Affirmer la prédominance d’une politique volontariste de l’Etat c’est conforter ce fameux jacobinisme qui à fait la grandeur de notre pays, n’en déplaise aux grands experts qui traversent les plus divers courants de pensées qui se réduisent en fait à la même pensée unique quand il s’agit de demander « moins d’Etat ». IL FAUT LE MARTELER EN PERMANENCE : C EST UN CLIVAGE IDEOLOGIQUE MAJEUR JE VAIS VOUS PARLER PERMETTEZ MOI DE MES REVOLTES RASSUREZ VOUS JE NE SERAI PAS EXHAUSTIF Aujourd’hui les gagnants sont les patrons en médecine, en chirurgie, en santé publique, dans les hôpitaux il y en a beaucoup de patrons et ils sont aussi efficaces que dans la finance et le pétrole. D’abord, ceux de l’Industrie pharmaceutique : il préfèrent le marketing du médicament à la Recherche, et c’est pourquoi les budgets de publicité ont dépassé ceux de la recherche. Ensuite, les patrons des cliniques privées, qui se frottent les mains à chaque fois que le Service public de santé est défaillant. Les patrons des cliniques privés qui ont été autorisés par la gauche à faire coter les lits de leurs cliniques en Bourse, ou ils prennent, merci pour eux, 25 % par an. Enfin, les patrons des assurances privés. Ce n’est pas par hasard si AGF et AXA ont flambé à la Bourse depuis la réforme DOUSTE de l’assurance Maladie. Car derrière l’argument de la responsabilisation se cache un ticket modérateur qui ne modère que les pauvres et qui ne pèse pas bien lourd sur les riches. Si l’on veut « responsabiliser », faisons un ticket modérateur proportionnel au revenu ! Gratuité pour les pauvres et « modération » pour les riches ! Des patrons qui n’ont pas trop à se plaindre de la nouvelle réglementation de la médecine du travail : là où le salarié bénéficiait d’une visite annuelle, il n’a plus qu’une visite tous les deux ans. C’est toujours ça de pris ! Ce n’est pas sur ces patrons, qui gagnent chaque fois que le système de santé public est affaibli, que l’on peut compter. Les solutions ne viendront pas du marché, mais de la politique et du mouvement social : Il faut revitaliser en France une politique de Recherche qui aujourd’hui est en péril. Il ne nous reste qu’une seule entreprise de recherche biomédicale de taille internationale, et l’on produit de moins en moins de nouvelles molécules. Il faut que l’investissement aille à la recherche, et non pas au démarchage publicitaire des médecins. L’information des praticiens est nécessaire ? Et bien, qu’elle se fasse sous le contrôle de la Haute Autorité de Santé. Il faut arrêter la privatisation de la formation initiale des médecins et des personnels de santé, où l’on voit les étudiants se préparer dans des « boîtes à concours » pour avoir les chances à l’examen que le système de formation public ne leur offre plus. Des grandes écoles de santé, avec des classes préparatoires publiques de qualité, voilà ce qu’il nous faut ! Mais surtout... il faut s’attaquer résolument aux inégalités. Inégalité dans l’accès aux soins : Beaucoup de hiérarques bien-pensants nous parlent du risque de « médecine à deux vitesses ». Ils sont trop optimistes : nous avons déjà une médecine à 5 vitesses : la vitesse 1, les exclus de l’aide médicale par les circulaires Sarkozy ; la vitesse 2, les chômeurs et les RMIstes qui bénéficient de la CMU ; la vitesse 3, ceux qui n’ont que le régime de base ; la vitesse 4, les « inclus » qui bénéficient du régime général plus une mutuelle ; et enfin les privilégiés de la vitesse 5, qui disposent de la « golden card » des assureurs privés. Inégalité dans la qualité des soins. Inégalité dans la répartition géographique de l’offre de soins. Il n’est certes pas question de maintenir partout des structures dans tous les domaines, mais de garantir à chacun, quelque soit son lieu de résidence, l’accès à des soins de qualité. La solution ? Une Assurance maladie obligatoire et complémentaire pour tous. La solution ? Remettre en cause fondamentalement un système basé sur le triptyque « Liberté d’installation - Liberté de prescription - Libre choix du patient ». Ce sont de fausses libertés, ou plutôt des libertés qui ne concernent que le confort des professionnels et qui portent atteinte à l’égalité d’accès au soin pour tous et partout. La liberté d’installation veut dire des médecins en surnombre dans les beaux quartiers, et des régions entières qui deviennent des déserts sanitaires. Il faut aussi remettre en cause le payement à l’acte, vache sacrée que personne n’ose toucher alors que tous les économistes de la santé sont d’accord sur son effet malfaisant sur les comptes sociaux. Que nous propose Sarkozy ? Exactement le contraire : Le modèle c’est les Etats-Unis d’Amérique où 50 millions d’américains ne sont pas solvables pour l’accès aux soins. Le modèle de Sarkozy c’est de mettre sur le marché de l’assurance tout ce qui dépasse le tarif de base, avec le recours aux avocats pour éventuellement récupérer sa mise. Le modèle de Sarkozy c’est de laisser faire le marché pour que les grands opérateurs financiers, les fonds de pension, les assureurs ou les grands cabinets d’avocats prennent les affaires en main. Le modèle de Sarkozy c’est une médecine de banlieue abandonnée aux communautés quand ce ne sont pas aux sectes et cela est vrai aussi place du Trocadéro ou à Neuilly ! Cher camarades : Et la gauche ? Elle n’a pas été toujours brillante. Ce fut une erreur, et je dirais même une faute, d’avoir appliqué le plan Juppé, c’est-à-dire la création de « préfets sanitaires » dans les régions et les ordonnances sur la médecine de ville et la médecine hospitalière. La gauche a eu tort d’écouter les mauvais conseils de ceux qui avaient déjà soutenu Juppé en 1995 contre l’avis du mouvement populaire, elle en a payé pendant dix ans les pots cassés. Ce fut une erreur, je dirais même une faute, d’avoir accepté des critères de convergence européens qui soumettent les dépenses sociales publiques au couperet de la limite de 3% des déficits publics, d’avoir transposé en 2001 la directive « assurances » qui met à égalité mutuelles et assureurs privés. Chers camarades : La définition de la santé du préambule de la constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé du 22 juillet 1946 reflète l’esprit de cette période et constitue un appel au monde entier : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue un des droits fondamentaux de tout être humain quelque soit son origine ethnique, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique et sociale. La santé de tous les peuples est une condition fondamentale de la paix du monde et de la sécurité ; elle dépend de la coopération la plus étroite des individus et des états. Les résultats atteints par chaque état dans l’amélioration et la protection de la santé sont précieux pour tous. L’inégalité des divers pays en ce qui concerne l’amélioration de la santé et la lutte contre les maladies, en particulier les maladies transmissibles, est un péril pour tous ». Ce texte a conservé toute son actualité. Demain, au pouvoir, la gauche doit revenir aux principes fondateurs de 1945 et de la sécurité sociale, de 1946 et de l’OMS : la mutualisation des risques et d’accès égale aux soins pour tous.

Dr Laurent Zarnitsky à la tribune de la Convention nationale de PRS


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