Emmanuel Macron, l’héritier masqué du quinquennat

jeudi 16 mars 2017.
 

Présidentielle. Il n’a pas officialisé son programme, mais l’ex-ministre de l’Économie distille les propositions qui aggraveront le bilan de la loi El Khomri ou encore du pacte de responsabilité. Multiplication des cadeaux aux entreprises et déréglementation du travail au menu.

«  La politique, c’est comme la littérature, c’est un style. C’est une magie. Il faut définir le cœur de ce qu’on veut porter  », a également confié dimanche Emmanuel Macron. Allier mystique, incarnation et impasse sur le projet  : le paroxysme du présidentialisme. Une façon aussi, en repoussant la mise à plat en bonne et due forme de son programme, de ne froisser aucun de ses électeurs potentiels, venus du PS comme issus de la droite.

Le candidat d’En marche  ! ne se prive pourtant pas de rappeler par petites touches son corpus idéologique, distillant depuis des mois ses propositions en matière économique et sociale. «  Macron n’est pas lesté des tabous de la gauche, ni de ceux de la droite. Il met sur la table des propositions tranchantes  », avance le responsable de son «  programme  », Jean Pisani-Ferry. Appliqués au Code du travail, aux droits des salariés, à la contribution des entreprises, les termes semblent bien choisis pour celui qui a plaidé alors qu’il était au gouvernement pour la réduction des indemnités prud’homales dans la loi qui porte son nom. En fait de nouveauté, les principales mesures reprennent la logique à l’œuvre dans le quinquennat.

En tête de gondole, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice), qu’Emmanuel Macron veut transformer – comme Marine Le Pen – en «  allégement de charges durable  », et étendre aux «  petites entreprises, indépendants et entreprises de l’économie sociale et solidaires  ». Il entend même supprimer l’ISF «  pour les actionnaires  », pour «  favoriser l’investissement  ». François Hollande avait déjà «  pérennisé  » une partie de son «  pacte de responsabilité  », qui comprend le Cice, en réduction de cotisations sociales selon un «  principe  » fondateur qu’il résumait ainsi dès 2013  : «  moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en même temps, une contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social  ». Résultat, selon un rapport de France stratégie de septembre dernier  : 50 000 à 100 000 emplois, pour une dépense de 29 milliards d’euros. «  Pas suffisant  », juge-t-il, parce que «  ce n’est pas vécu par les entreprises comme durable  ». Et de promettre, selon le même principe, de nouvelles exonérations, notamment sur le Smic.

En lieu et place d’une augmentation des salaires, Emmanuel Macron entend augmenter la prime d’activité pour «  valoriser le travail  », et «  réduire l’écart entre le salaire brut et le salaire net  » en «  supprimant les cotisations salariales sur la maladie et l’assurance chômage  ». «  Cette mesure sera financée entièrement par une hausse de la CSG de 1,75 point. Elle ne coûte rien à l’employeur  : il ne faut surtout pas augmenter le coût du travail, qui nuirait à notre compétitivité et donc à l’emploi  », peut on lire sur le site d’En marche  ! Un refrain déjà entonné  : exonération pour les employés payés au Smic, allégement de l’impôt sur les entreprises, suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés… promettait au Medef Manuel Valls, dès le 8 avril 2014, lors de sa déclaration de politique générale. «  Je vous le confirme  : son projet n’est pas socialiste  !  »

Mais ce programme n’est pas seulement la poursuite d’une politique pensée au nom de la «  compétitivité  », c’est aussi son aggravation. «  Il faudra élargir le champ de la négociation collective au niveau de l’entreprise à d’autres domaines. Plus on ira vers l’entreprise, plus ce sera efficace. On ne peut pas prétendre aimer l’industrie et refuser les conditions de son succès  », arguait-il, encore ministre, en mai 2016, en pleine mobilisation contre la loi El Khomri, dont il estime qu’elle n’a pas été assez loin. Traduction dans ses propositions  : pas de remise en cause de la durée légale du travail, mais possibilité de négocier au cas par cas dans les entreprises pour aller au-delà des 35 heures. «  Il faut aussi s’adapter aux individus  », ajoutait-il en novembre dernier  : «  Quand on est jeune, 35 heures, ce n’est pas assez, on veut travailler plus, on veut apprendre son job.  » De même, sous couvert d’étendre les droits au chômage à ceux qui en sont aujourd’hui exclus (des indépendants aux salariés qui démissionnent), c’est aussi à la Sécurité sociale, et à ses principes fondateurs, que s’attaque le candidat en proposant de financer l’assurance-chômage par l’impôt, de confier ainsi la gestion de l’Unedic à l’État, de permettre la mise en place d’une retraite à la carte…

«  Concernant Macron, je vous le confirme  : son projet n’est pas socialiste  ! Il est progressiste  !  », insiste Jean Pisani-Ferry. Une part de la «  modernité  » que voudrait incarner Macron est ainsi résumée dans le dépassement du clivage gauche-droite. S’il a réussi à préempter ce terrain du fait de l’échec de Manuel Valls à la primaire socialiste, l’ex-premier ministre l’a longuement occupé. L’un de ses proches, Jean-Marie Le Guen, affirmait encore en août dernier dans le Parisien  : «  Ne nous enfermons pas dans une gauche sectaire. (...) L’objectif est de construire un camp républicain qui s’opposera au bloc réactionnaire.  » Un pari repris à son compte par le candidat d’En marche  !, qui l’engage à repousser à plus tard la clarification totale de son programme. Selon les enquêtes des instituts de sondages, son électorat potentiel est pour l’heure le plus volatil de cette présidentielle.

Julia Hamlaoui

L’Humanité


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