La gauche doit se réinventer. Chronique d’un quinquennat raté

lundi 13 novembre 2017.
 

par Olivier Caremelle Adjoint au maire à Lomme (Parti Socialiste Fédération du Nord).

Nous avons d’abord été battus par nous-mêmes. Nous avons d’abord raté l’alternance promise en 2012 après avoir pourtant subi et dénoncé les dix années de gouvernement de la droite entre 2002 et 2012. Nous n’étions pas prêts à gouverner et à mener une politique de gauche comme les premiers mois du quinquennat l’ont montré. La suite a été un calvaire politique symbolisé par le changement de cap économique, la mise en place du Cice sans contrepartie, l’alourdissement absurde des impôts et la déchéance de nationalité. Tout cela a concouru à nos divisions internes et à voir des députés socialistes vouloir déposer des motions de censure contre leur propre gouvernement.

Nous sommes responsables à la fois d’un quinquennat raté et de ses conséquences politiques. À quoi servirait-il de le nier en attendant une réhabilitation que l’avenir ne pourra donner  ? Non pas que tout le quinquennat et la somme des politiques menées aient été nuls, notamment sur le terrain de la jeunesse et de l’éducation, de l’accès à la santé, des mœurs, mais la cristallisation autour de la politique économique et de la loi travail a balayé tout le reste. Les yeux fixés sur le désendettement du pays, sur le niveau de chômage et la manière de le réduire ont obscurci tout le reste et nous ont fait perdre le fil conducteur  : le combat contre les inégalités. Celles-ci sont vivement ressenties par les «  exclus de l’intérieur  », ceux et celles appartenant à notre société et pourtant rejetés, dominés, déclassés et donc révoltés.

Les laissés-pour-compte de la mondialisation, les victimes de ce déclassement, les oubliés de la République, les Français tout simplement en colère ne pouvaient pardonner à ceux qui les abandonnaient. C’est dans tous les cas comme cela qu’il faut traduire la posture de nos concitoyens. À quoi bon voter pour les socialistes si eux-mêmes ne croient plus en un certain idéal pour préférer le pragmatisme  ? À quoi bon voter pour cette gauche si sa légitimité politique lui fait tellement défaut dans l’incarnation même du pouvoir  ?

Ce gâchis historique n’est pas plaisant à écrire, il est même particulièrement douloureux… il me paraît, quelques semaines après les élections, nécessaire et indispensable.

Le réalisme de gauche, «  cher Manuel Valls  », n’est pas la social-démocratie. Cela a d’abord été le choix premier de s’aligner avec l’Union européenne et d’assurer, coûte que coûte, la compétitivité des entreprises. Les coups portés aux Français ont été aussi les coups portés à notre parti, à nos idées et nos valeurs.

Cela a d’abord été le choix, «  cher François hollande  », de mener une politique court-termiste sans pouvoir pourtant capitaliser. Ce fut même l’inverse, la lente agonie et l’auto-empêchement. Tous les dominos sont tombés, rien n’a pu empêcher nos défaites politiques de s’enchaîner alors que la paresse de notre pensée faisait aussi place à l’émergence de Macron.

Rien pourtant n’était écrit à l’avance tant l’espérance de 2012 était forte et nous avait aussi permis de l’emporter. Chacun se souvient de l’épisode de Florange, du désaveu pour Arnaud Montebourg et du désespoir des salariés. Se souvient-on aussi de l’enterrement de deux réformes indispensables, celles de la justice fiscale et de la protection sociale  ? Entre occasions ratées et les inflexions «  libérales  », déjà teintées de macronisme, nous ne pouvions qu’échouer. Chronique d’un quinquennat défaillant.Tout depuis a explosé. À quoi a servi le Parti socialiste pendant le quinquennat  ? «  Le parti propose, le président dispose  », a théorisé Jean-Christophe Cambadélis. La force de l’inertie n’a jamais un pouvoir totalement entraînant. Nombre de militants et sympathisants sont partis. Les électeurs ont précédé puis suivi, en masse. De nombreux élus ont été battus, aux cantonales, aux régionales, aux municipales et évidemment aux législatives, souvent de manière injuste. Jamais nous n’avons été aussi faibles depuis la création du Parti socialiste. Et pourtant…

Et pourtant, nous sommes toujours là après ce quinquennat si difficile pour nous-mêmes et pour nos concitoyens. Totalement conscients que la prochaine gauche doit se réinventer pour tirer toutes les leçons de ces cinq ans. Le Parti socialiste ne pourra le faire seul mais en liaison étroite avec les aspirations des Français et de la société, de partenaires à gauche, de toutes celles et tous ceux qui refusent le libéralisme et l’austérité.

Le score réalisé par Benoît Hamon est certes dans tous les esprits mais il ne peut et ne doit pas nous faire oublier la qualité des réponses aux enjeux qui sont devant nous. Jamais dans un programme de gauche, l’écologie n’a eu de place aussi centrale parce que ce projet de social-écologie est un impératif et entre en résonance avec les aspirations des Français. C’est, en ce début de siècle, la marche vers les transitions. Les Verts ont gagné cette bataille politique, ils ont gagné la bataille des esprits et des consciences. Avec eux, et tous ceux qui le souhaiteront, il est nécessaire de bâtir une nouvelle alliance à gauche afin de mêler les réponses économiques, sociales et environnementales.

Nous restons dans nos politiques locales les moteurs de cette nouvelle alliance et surtout les fédérateurs autour de ces politiques de transition. Nous y croyons parce qu’elles sont indispensables, au risque non d’être une nouvelle fois battus, mais de menacer l’avenir de nos enfants.

Olivier Caremelle

Adjoint au maire à Lomme (Nord)


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