La Fondation Rosa Luxemburg étudie la France Insoumise

mardi 20 février 2018.
 

Pendant que des donneurs de leçons de la 25ème heure jettent leur fiel, d’autres réfléchissent sérieusement à ce qui vient de se passer en France avec l’émergence de « La France insoumise ». C’est le cas de la Fondation Rosa Luxemburg en Allemagne. Celle-ci édite une étude de 56 pages sur « la France insoumise » et la séquence politique française de 2017. Elle a été réalisée à l’automne par Peter Wahl, membre notamment du comité scientifique de Attac Allemagne. Elle s’inscrit dans une volonté de peser dans le débat interne à Die Linke quant à « l’attitude à adopter vis-à-vis de “La France insoumise” et de Jean-Luc Mélenchon ». Car dans Die linke aussi, la tendance « archéo » ne sait plus sur quel pied danser. Le texte est évidemment en allemand. Mais voici la traduction du résumé qui en accompagne la publication. Que cela inspire si c’est possible un peu de compréhension pour les génies de l’action de gauche qui sont passé à côté de ce que nous avons entrepris et qui viennent nous faire la leçon à présent.

« Jean-Luc Mélenchon et son mouvement La France Insoumise (LFI) ont atteint un résultat tout à fait remarquable aux élections présidentielles. Si ce résultat devait se confirmer, la France Insoumise deviendrait, à l’échelle internationale, la force politique la plus forte dans l’un des pays-centre du capitalisme mondial.

Le cycle politique de 2017 marque un bouleversement profond dans le système politique français. L’effondrement de la social-démocratie, la lourde défaite des conservateurs et la nouvelle percée de Marine Le Pen reflètent la crise économique et politique qui afflige le pays depuis longtemps. Celui qui a le plus profité de cette instabilité est Emmanuel Macron, qui a réussi à faire croire qu’il pouvait résoudre les problèmes du pays. Avec son mouvement la République en Marche, il établit une forme de Grande Coalition.

LFI est devenue la nouvelle force hégémonique de la gauche française. Après une dizaine d’année de recherche et d’expérimentation autour des classiques rassemblements de gauche, Jean-Luc Mélenchon a créé la rupture. Comme Podemos et Syra, LFI s’est imposée comme un nouveau projet et un nouvel acteur. LFI se comprend également comme une réponse à la crise de la gauche des dix dernières années.

Avec le concept de « mouvement », LFI essaie de tirer les conclusions de la réticence croissante à s’engager dans les partis. Le mouvement est, dans sa structure et ses méthodes, très similaire aux initiatives citoyennes et aux mouvements sociaux. Comme dans ceux-ci, des problèmes de démocratie apparaissent dès que la frontière du petit groupe est franchie. LFI espère trouver la solution à ces problèmes dans la suite du processus.

Aux côtés de positions de gauche classiques en matière de politique économique, sociale et étrangère, les orientations programmatiques sont caractérisées par un arrière-plan écosocialiste et la position centrale accordée au climat et à la politique environnementale. De plus, une critique sévère de l’UE est formulée, ainsi qu’un changement fondamental en matière de stratégie politico-militaire dans l’Union et une rupture avec le constitutionnalisme néolibéral.

La rupture avec la politique traditionnelle des alliances a mené au conflit avec ceux qui étaient jusqu’à présent des partenaires, en particulier avec le Parti communiste. Mis à part le fait que le PC, du point de vue de son poids politique, n’est plus que l’ombre de lui-même, les oppositions ont pris entre-temps des dimensions stratégiques et sont irréparables.

LFI est décrite par les forces instituées du centre, au même titre que Syra, Podemos, Sanders ou Corbyn, comme « populiste de gauche ». Contre cela, LFI se réfère de manière positive à Laclau et Mouffe, qui apparaissent comme des théoriciens du « populisme de gauche ». Ici, LFI se positionne au carrefour des débats internationaux sur les enjeux fondamentaux de la politique à gauche, comme le rapport entre la lutte des classes et les nouveaux mouvements sociaux, l’identité politique de gauche, le rapport entre le cosmopolitisme et le communautarisme, ou la question du sujet du changement social.

Cette étude examine le récit du populisme, au vu des thèmes centraux à la stratégie de la France insoumise que sont le peuple, le bloc historique, l’antagonisme/ l’agonise, les émotions et le symbolique.

On ne peut pas transposer la situation française en Allemagne, car l’état de l’économie et le jeu des acteurs sont trop différents. Indépendamment de cela, il est utile d’analyser la France insoumise sans jugements préconçus, à travers sa pratique et ses concepts, d’aspirer à un dialogue et un travail en commun avec elle, et de se tenir en dehors du conflit entre la FI et le Parti Communiste. »


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