Bure : contre la poubelle nucléaire et l’expulsion militaire

lundi 26 février 2018.
 

Aussitôt ont accouru sur le site tous ceux qui le pouvaient pour défendre le site et les occupants. Caroline Fiat, députée insoumise riveraine, s’y rendit aussitôt en alertant toute la liste des députés insoumis pour qu’ils relaient l’alerte. De son côté, Mathilde Panot, députée insoumise qui coordonne la campagne sur la votation pour sortir du nucléaire, alertait les réseaux insoumis de tout le pays.

Bure est un petit village de la Meuse : 82 habitants. C’est aussi le lieu choisi par l’agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) pour installer la grande poubelle de la filière nucléaire française. Il s’agit d’un projet d’enfouissement des déchets nucléaires que les centrales françaises produisent et dont les maîtres du nucléaire ne savent plus quoi faire. Ce projet, appelé « Cigéo », prévoit d’enterrer 85 000 mètres cubes de déchets hautement radioactifs et à vie longue. Et cela sous une zone habitée. Curieusement, Nicolas Hulot, qui avait été un opposant régulier à la construction du site, a désormais considéré que c’était « la moins mauvaise solution ».

Pourtant, le 15 janvier dernier, le rapport de l’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) évaluant ce projet pointe des failles importantes dans le dossier présenté par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Il relève notamment le manque de précisions sur la gestion du problème particulier des « déchets bituminés ». Il s’agit de boues radioactives emballées dans des matrices en bitumes. Ce genre de colis pose de sérieux risques d’incendies. En effet, le bitume utilisé peut, dans certaines conditions, s’enflammer. Les déchets eux-mêmes peuvent monter en température dans certains cas.

Dès lors, l’agence pour la sureté du nucléaire estime qu’un départ d’incendie est donc possible et qu’il pourrait se propager aux autres déchets stockés sur le site. Cet accident s’est déjà constaté sur des sites comparables dans le monde. Par exemple, aux États-Unis, le site de stockage de déchets radioactifs du Waste Isolation Pilot Plant, dans le Nouveau-Mexique, a subi un incendie en 2014. À cette occasion, un relâchement de radioactivité dans le milieu ambiant a été constaté. De façon plus générale, le rapport de l’ASN pointe le fait que la sécurité du site n’est pas garantie en cas d’aléas naturels. Enfin, la question de potentiels actes de malveillance est aussi posée. L’association Greenpeace a récemment montré dans un rapport les failles de certaines installations nucléaires.

Les craintes sur la viabilité d’une telle installation ont été encore confirmées par une thèse révélée dans un article du Monde, la semaine dernière. Elle est le travail d’un historien des sciences de l’EHESS qui a été salarié de l’Andra pendant 3 ans. Il a étudié la façon dont les ingénieurs de l’Andra ont travaillé pour convaincre de la faisabilité et de la sureté d’un projet comme celui de l’enfouissement des déchets à Bure. Dès le début des années 2000, les scientifiques ont établi l’impossibilité d’apporter une preuve scientifique de la sureté d’une telle installation. En effet, aucun modèle scientifique ne peut simuler l’évolution du site pendant une période de temps assez longue.

À partir de là, le travail des scientifiques et ingénieurs de l’Andra consiste à réunir des faisceaux d’indices, à construire des scénarios pour convaincre les décideurs. Quitte à « toiletter » les données. Ainsi, la thèse rapporte dans la bouche d’un cadre de l’Andra à propos d’un phénomène géologique qui créé un risque de fracturation de la roche, les mots suivants : « on a été un peu light ». Ou encore, que pour plus de la moitié des déchets concernés, les connaissances sont estimées par les chercheurs eux-mêmes comme « mauvaises ou nulles ».

En Suède, récemment, la justice a retoqué un projet d’enfouissement des déchets radioactifs. Pour la justice suédoise, il était impossible de prouver que les capsules enfouies ne fuiteraient pas. La probabilité que le projet conduise à des fuites radioactives dans le sol était donc non nulle. Ce constat, qui finira par être partagé en France, montre qu’a l’heure actuelle, après un demi-siècle d’existence, l’industrie nucléaire n’a pas réussi à trouver de solution viable pour les déchets qu’elle produit. Et pourtant, nos dirigeants persistent dans l’entêtement nucléaire, une industrie dont nous ne maitrisons pas les conséquences. Il est temps d’arrêter. C’est la seule solution raisonnable.

Ce soir on se retrouve devant les préfectures à 18 heures. Et du 11 au 18 mars prochain on participe à la votation citoyenne pour la sortie du nucléaire.


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