Contre la politique du gouvernement, cheminots, fonctionnaires ou manifestants en famille croisés dans le cortège appellent à continuer la lutte ensemble.
L’eau continue à monter… et ce ne sont pas les affrontements avec les CRS en tête de cortège parisien, la manifestation coupée très rapidement, puis détournée par la gare de Lyon, qui ont empêché le traditionnel défilé du 1er Mai de déferler. Éditocrates et gouvernement reprochaient aux syndicats de se mobiliser en ordre dispersé : « Ce qui nous rassemble, c’est le soutien à ceux qui sont en lutte », répliquait hier en début de cortège le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. Certes, « il faut mettre de côté nos différences », reconnaissait-il, soulignant cependant que « dans 40 % des départements, il y a des rassemblements avec FO ou en présence de la CFDT (qui n’appelaient pas nationalement à la manifestation – NDLR) ». « Un tas de choses bourgeonnent, estimait lui aussi Éric Beynel, porte-parole de Solidaires, en tête du défilé. Chez les cheminots, dans les finances publiques, parmi les étudiants et les enseignants… »
Comme pour confirmer leur analyse, de nombreux syndicalistes FO s’étaient rassemblés autour du camion de leur organisation d’Île-de-France : « Notre mobilisation aujourd’hui a pour but de souligner la présence de notre syndicat avec les camarades des autres organisations », insistait Éric Mercier, enseignant en classes préparatoires scientifiques et syndiqué FO. « À titre personnel, je manifeste pour les salaires, contre le gel du point d’indice des fonctionnaires. Sur le plan de l’éducation, il y a beaucoup de choses à défendre, sur la formation des collégiens et des lycéens, contre un bac qui se rapproche du contrôle continu et qui va accélérer les disparités entre établissements au détriment des quartiers les plus défavorisés. Concernant Parcoursup, on a une lisibilité très faible, des décisions contradictoires prises rapidement. » Éric Mercier est donc contre la politique d’Emmanuel Macron et pour la convergence des luttes. Ou plutôt, pour « l’unité d’actions », comme l’a repris un compagnon retraité se réappropriant les termes du nouveau secrétaire général du syndicat Pascal Pavageau, élu la semaine dernière à la tête de l’organisation, s’affichant volontairement plus combatif que son prédécesseur Jean-Claude Mailly.
Sébastien, cheminot en grève Gare de Lyon, s’est syndiqué ce 1er mai à la CGT, rejoignant sa femme, ex-RH au chômage depuis un an, à la suite d’un burn-out. Et c’est en famille qu’ils battaient le pavé hier avec leurs deux filles de 12 et 14 ans. « Les emmener en manif, c’est un mode d’éducation » affirmait Mélanie, la mère. « Si elles ne sont pas sensibilisées à leurs âges à l’actualité, aux décisions politiques, aux projets de loi en cours, que voteront-elles à 18 ans ? Elles doivent se construire politiquement. » Leur père, cheminot depuis quinze ans, ex-conducteur travaillant aujourd’hui dans les bureaux craint « pour mon boulot, mon avenir ». Si la réforme passe, « je serai remplacé par des sous-traitants et en tant qu’usager je n’aurai plus de train pour aller travailler car je suis situé sur un tronçon non rentable que seul le service public peut faire fonctionner. »
La convergence est compliquée à construire reconnaît ce postier, syndiqué à Sud PTT. Mais, par rapport à l’an dernier, « le fond de l’air a rougi ». « Au niveau de la Poste, notre mouvement de mobilisation rappelle le mouvement national global, remarque Eddy Talbot. Il y a des grèves un peu partout : depuis quatre mois en Ille-et-Vilaine, en Gironde, dans les Hauts-de-Seine… Mais il n’y a pas de mouvement global pour faire reculer La Poste. » Pour Eddy Talbot, le gouvernement, en « montrant les muscles à Notre-Dame-des-Landes, dans les universités », est conscient de la réaction que cela peut générer. « Alors, il tente la campagne idéologique comme il l’a fait contre les cheminots en voulant les faire passer pour des privilégiés. Mais ça n’a pas marché. Et même les syndicats qui ne sont pas dans une tradition de lutte de classes commencent à réagir. » Pour ce syndicaliste, face à un Macron qui veut supprimer les corps intermédiaires, « la mobilisation est un vrai enjeu pour l’ensemble du mouvement syndical ».
Kareen Janselme, L’Humanité
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